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UDPS en Péril : L’Union Sacrée, l’Ennemi de l’Intérieur ?

Par La Prospérité
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(Par : Jean Aimé Mbiya Bondo Shabanza, Vice-président fédéral et Représentant adjoint de la Fédération des USA – Expert en Administration Publique et Analyste Socio-Politique)

Introduction

L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), longtemps incarnation de la lutte acharnée contre l’autoritarisme et de l’aspiration du peuple congolais à un véritable État de droit, traverse aujourd’hui une crise d’une ampleur inédite. Fondé sur des idéaux de liberté, de justice et de participation citoyenne, le parti qui, durant plus de trois décennies, fut le principal porte-voix des sans-voix, se retrouve paradoxalement en position de fragilité au moment même où son chef, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, dirige la République. Ce paradoxe interpelle et inquiète : comment expliquer qu’une formation politique, arrivée au sommet de l’État après des années de lutte, semble vaciller au lieu de se consolider ?

Le constat est clair : l’UDPS n’est pas seulement confronté aux attaques de ses adversaires traditionnels — ceux qu’elle affrontait depuis les années sombres des régimes autoritaires — mais fait face à une menace interne, plus subtile et plus corrosive. Cette menace porte un nom : l’Union Sacrée de la Nation. Conçue initialement comme une plateforme stratégique pour élargir la base parlementaire et gouverner efficacement face à une coalition hostile, cette structure a progressivement évolué en une entité politique autonome. Loin d’être un simple prolongement de l’UDPS, elle tend aujourd’hui à redéfinir le rapport de force au sein même du pouvoir, jusqu’à occulter l’identité historique du parti.

La genèse de l’Union Sacrée était pourtant porteuse d’espoir : rassembler au-delà des clivages partisans, briser l’immobilisme législatif, et offrir un cadre inclusif pour les réformes promises. Mais comme souvent dans l’histoire politique congolaise, les alliances tactiques finissent par devenir des compétitions d’influence. Ce qui devait être un outil de gouvernance est en train de se muer en concurrent direct, attirant à lui cadres, militants et ressources médiatiques, au détriment de la visibilité et de la cohésion interne de l’UDPS.

Ce glissement est d’autant plus préoccupant que la base militante, jadis soudée par une identité commune forgée dans la souffrance et le combat, se retrouve désorientée. Dans les fédérations comme dans les structures nationales, le sentiment d’appartenance se dilue. Les militants historiques, témoins et acteurs des années de répression, peinent à retrouver dans l’Union Sacrée la flamme et les valeurs qui faisaient la spécificité de l’UDPS. Pire encore, certains y voient un instrument d’absorption politique, dont la force croissante pourrait marginaliser le parti-mère sur la scène nationale.

Face à ce danger, les discours officiels, souvent rassurants voire triomphalistes, ne suffisent plus. La rhétorique de l’unité et de la victoire commune ne masque pas les tensions, les frustrations et le risque réel de dilution identitaire. Comme l’enseignent les leçons de l’histoire politique mondiale, aucun parti ne survit longtemps à la perte de son âme et de ses repères fondateurs. L’UDPS, s’il veut éviter ce destin, doit reconnaître que la crise actuelle n’est pas un simple accident de parcours, mais le résultat d’une dynamique qui menace sa survie même.

L’heure n’est donc plus aux proclamations symboliques ni aux appels abstraits à la discipline partisane. Elle est à l’analyse lucide, à la mobilisation interne et à la réaffirmation des fondements idéologiques qui ont permis au parti de tenir face à toutes les tempêtes. Car si l’Union Sacrée de la Nation continue à se consolider au rythme actuel, elle pourrait bien, d’ici quelques années, reléguer l’UDPS au rang de témoin historique de sa propre disparition politique. L’urgence est là, et elle ne souffre aucun délai.

1. Un héritage menacé par la dilution politique

Fondé en 1982, en pleine ère de dictature mobutiste, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) n’est pas née d’un compromis politique ou d’une opportunité électorale, mais d’un acte de courage face à l’arbitraire. Dans un pays où contester le pouvoir équivalait à signer sa propre condamnation, l’UDPS a porté haut les valeurs de liberté, de justice et de dignité. Ce combat a coûté cher : ses cadres et militants ont subi arrestations arbitraires, tortures, exils forcés, assassinats ciblés et une marginalisation institutionnelle systématique. La mémoire de ce sacrifice reste gravée dans la conscience nationale, tant l’histoire de l’UDPS se confond avec celle de son leader historique, Étienne Tshisekedi wa Mulumba, figure de proue de la lutte pour un Congo démocratique et souverain.

L’accession de Félix Antoine Tshisekedi à la magistrature suprême en 2019, fruit de la première alternance pacifique de l’histoire congolaise, avait tout d’une consécration : enfin, les idéaux semés dans la douleur pouvaient s’épanouir au sommet de l’État. Ce moment, salué comme historique, nourrissait l’espoir d’un redressement politique et institutionnel profond, avec un UDPS fort, moteur des réformes et garant de la continuité démocratique. Mais l’histoire récente a pris une tournure plus complexe, presque ironique : loin de consolider le parti, l’exercice du pouvoir, en s’appuyant sur une coalition large, hétérogène et parfois antagoniste dans ses intérêts, a progressivement dilué son influence.

En ouvrant les portes de l’État à l’Union Sacrée de la Nation, conçue au départ comme un levier stratégique pour briser les blocages institutionnels, l’UDPS a accepté de partager – et parfois de céder – l’espace politique qu’il avait chèrement conquis. Cette coalition, dont l’agenda dépasse aujourd’hui celui du parti, agit désormais comme un centre décisionnel parallèle, reléguant l’UDPS au rôle d’allié parmi d’autres, et non plus de force directrice. Les décisions stratégiques se prennent souvent hors des organes du parti, affaiblissant son autonomie et son identité politique.

Pour les militants de la première heure, ceux qui ont connu la clandestinité, les exils et la répression, le constat est amer : l’UDPS semble se détacher de ses bases populaires, perdant ce lien organique qui, pendant des décennies, a constitué sa force. Dans les discours officiels comme dans l’action gouvernementale, la voix de l’UDPS se confond désormais avec celle, plus diffuse et moins idéologiquement ancrée, de l’Union Sacrée. Cette substitution progressive fait craindre que le parti ne perde son âme au profit d’une machine politique plus large, mais moins fidèle à son ADN historique.

Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la place de l’UDPS dans la coalition, mais sa survie comme entité politique porteuse d’un héritage unique. Si cette dynamique se poursuit, le risque est réel de voir l’UDPS devenir un simple souvenir glorieux, un emblème vidé de sa substance, spectateur de décisions prises ailleurs, et non plus acteur central de la transformation du Congo.

2. L’Union Sacrée : l’arme politique devenue menace interne pour l’UDPS

En décembre 2020, confronté à l’asphyxie institutionnelle imposée par la cohabitation avec le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, Félix Tshisekedi a tranché : rompre avec l’ordre politique figé et bâtir l’Union Sacrée de la Nation. L’objectif initial était clair et légitime : fédérer les forces vives du pays autour d’un programme de réformes urgentes, mettre fin aux blocages, et impulser un nouveau souffle à l’action gouvernementale. Cette rupture stratégique, saluée à l’époque comme un geste d’audace et de pragmatisme, portait en elle la promesse d’un renouveau politique.

Mais à peine née, l’Union Sacrée a commencé à suivre une trajectoire imprévue, voire dangereuse pour son créateur. Loin de demeurer un simple levier présidentiel, elle s’est muée en une véritable plateforme politique concurrente, structurée, ambitieuse, et rapidement capable d’imposer sa propre logique. Sa force réside dans sa diversité : une mosaïque de partis et de personnalités issus de tous les horizons, allant des anciens adversaires politiques aux recalés des régimes précédents, en passant par les opportunistes de toujours, prêts à se rallier à tout pouvoir susceptible de garantir leur survie politique.

Ce brassage, qui devait être une richesse, est en train de devenir un piège pour l’UDPS. Le parti présidentiel, au lieu d’occuper naturellement la place centrale, se retrouve progressivement relégué au second plan dans cette vaste mécanique politique. Les organes décisionnels historiques de l’UDPS peinent désormais à peser dans les arbitrages stratégiques, et nombre de ses cadres voient leur influence diluée au profit de nouveaux venus, parfois sans légitimité militante mais disposant d’un poids politique ou financier.

Plus préoccupant encore : l’agenda politique du pays ne se décide plus exclusivement dans les instances de l’UDPS, mais dans des cercles informels où la voix des « historiques » est marginalisée. L’Union Sacrée, conçue pour renforcer la gouvernance, agit aujourd’hui comme une force centrifuge, absorbant l’énergie, la visibilité et le capital politique qui devraient revenir au parti présidentiel. Elle attire à elle les projecteurs médiatiques, impose son tempo, et relègue l’UDPS à un rôle subalterne dans une pièce dont il devrait être le scénariste principal.

Le paradoxe est cruel : l’outil forgé pour consolider le pouvoir présidentiel est en train de redessiner le paysage politique en faveur d’une structure qui, bien que créée par la présidence, ne doit son existence qu’à sa capacité à capter et concentrer le pouvoir. L’histoire politique congolaise est riche en exemples de coalitions dévorant leurs fondateurs. L’UDPS, fort de son héritage et de son identité forgée dans la résistance, risque d’être la prochaine victime si cette dynamique n’est pas maîtrisée.

3. UDPS : la menace vient de l’intérieur

L’ennemi le plus dangereux de l’UDPS n’est peut-être pas à l’extérieur, mais bien dans ses propres rangs. Aujourd’hui, le parti est déchiré par des fractures profondes, incarnées par deux camps irréconciliables : d’un côté, les partisans d’Augustin Kabuya, galvanisés par le slogan « Tosa Obika » et une approche hypercentralisée du pouvoir ; de l’autre, le bloc conduit par Déo et Eteni, arc-bouté autour du Comité de Discipline Permanente (CDP) qu’ils brandissent comme outil de contrôle interne. Les deux camps, chacun se réclamant de l’autorité suprême du Chef de l’État, Félix Tshisekedi, s’affrontent dans une guerre froide intestine sous le regard silencieux – et pour beaucoup, complice – de celui qu’ils considèrent tous comme leur « référence ».

Mais à quoi se réfèrent-ils vraiment ? À la vision historique d’Étienne Tshisekedi, bâtie sur le sacrifice et la démocratie, ou à une lutte égoïste pour le contrôle des leviers internes du parti ? Les faits parlent d’eux-mêmes : le navire UDPS prend l’eau. Les querelles de leadership paralysent l’action politique et étouffent les voix militantes. Pendant que ces « généraux » autoproclamés s’écharpent, aucune réponse claire n’est donnée aux questions qui fâchent : combien de membres actifs compte réellement le parti ? Combien de nouvelles adhésions, notamment dans des bastions stratégiques comme le Grand Oriental ? Combien de présidents cellulaires, pourtant piliers du maillage local, végètent aujourd’hui au chômage politique ? Et surtout, combien de séminaires idéologiques, véritables écoles militantes, ont été organisés depuis que l’UDPS est au pouvoir ?

Ces silences en disent long : le parti n’investit plus dans sa base, il n’éduque plus ses militants, il ne renouvelle pas ses cadres. Résultat : les jeunes se détournent, faute de perspectives ; les alliés historiques se sentent trahis ou marginalisés ; et l’image d’une force démocratique exemplaire se désagrège à vue d’œil.

La vérité est brutale : les leaders actuels, plus préoccupés par leur positionnement dans la hiérarchie interne que par l’avenir collectif, sont en train de devenir les premiers fossoyeurs de l’UDPS. Tant que ces batailles d’ego primeront sur l’action politique, le parti continuera de se vider de sa substance, laissant à l’Union Sacrée et à d’autres forces le soin d’occuper l’espace politique et médiatique. Sans une rupture immédiate avec cette dérive, l’UDPS court à sa propre implosion – et cette fois, l’ennemi ne pourra pas être accusé d’être à l’extérieur.

4. Les conditions d’une survie politique

L’UDPS se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Si rien n’est entrepris rapidement pour corriger la trajectoire actuelle, le parti risque de perdre non seulement son influence historique, mais aussi sa légitimité morale. La survie politique de l’UDPS exige une refondation profonde, guidée par trois priorités stratégiques.

a) Redonner la parole à la base
Il est urgent de rétablir le lien organique entre la direction et la base militante. Trop de décisions cruciales se prennent aujourd’hui dans des cercles restreints, loin des aspirations des fédérations et des cellules. L’UDPS doit réinstaurer un dialogue permanent à travers des forums internes, des débats ouverts et des consultations régulières. Les voix critiques, souvent marginalisées, doivent être réintégrées dans les organes décisionnels. La diversité d’opinions n’est pas une menace ; elle constitue la véritable force du parti et un gage de vitalité démocratique.

b) Réaffirmer l’identité du parti
L’UDPS ne peut se contenter d’être un simple rouage de l’Union Sacrée. Sa vocation est de demeurer la force motrice de la coalition, en portant un programme clair et en initiant des actions propres, visibles et marquantes. Une communication offensive, rappelant sans cesse les valeurs fondatrices de liberté, de justice et de démocratie, est indispensable pour reconquérir l’opinion publique et réaffirmer que l’UDPS reste un parti de référence et non une force d’appoint.

c) Renouveler les élites
Le parti ne pourra se redynamiser qu’en intégrant de nouvelles figures issues de la diaspora — particulièrement du Nord-Amérique, mais aussi d’Afrique, d’Europe et d’Asie — ainsi que de jeunes leaders et acteurs de la société civile. Ces nouveaux animateurs doivent être porteurs de compétences, de crédibilité et d’une vision moderne de la politique. Les figures historiques doivent avoir l’humilité et la clairvoyance de partager le pouvoir, de préparer la relève et de soutenir cette transition.

Nous en appelons donc à la bonne volonté de l’Autorité de Référence, pour qu’elle mesure l’importance stratégique de confier la direction renouvelée de l’UDPS à une équipe mixte : deux cadres expérimentés issus de l’intérieur du pays et un noyau fort de leaders de la diaspora, coordonnés par un homme de consensus et de pragmatisme tel que François Mwamba Tshishimbi. Cet attelage pourrait conduire le parti vers un Congrès de redynamisation structurelle, destiné à restaurer l’unité, la cohésion et la capacité d’action autonome de l’UDPS.

L’histoire ne pardonnera pas l’inaction. Le moment est venu de choisir entre le déclin silencieux et la renaissance assumée.

Conclusion : L’heure de vérité pour l’UDPS

L’UDPS, jadis phare de la résistance démocratique et porte-étendard des aspirations populaires, se trouve aujourd’hui au bord d’un précipice politique. L’Union Sacrée, censée être un levier de gouvernance et un outil de consolidation du pouvoir présidentiel, est en passe de devenir une machine d’absorption, phagocytant l’âme même du parti. Ce qui devait être une alliance stratégique se transforme, jour après jour, en cercueil politique.

Les signaux d’alerte sont clairs et implacables : perte de visibilité, marginalisation des organes internes, démobilisation de la base, divisions entretenues par des rivalités stériles au sommet. Pendant que certains dirigeants se livrent à des guerres d’ego et à des calculs de carrière, le parti se vide de sa substance et laisse le champ libre à des forces extérieures mieux organisées, plus audacieuses et plus opportunistes.

Si l’UDPS ne veut pas entrer dans l’histoire comme un géant aux pieds d’argile, vaincu non par ses ennemis de toujours mais par ses propres compromissions, elle doit opérer un choc de vérité. Cela implique une révolution interne immédiate :

  • Rendre la parole aux militants, pour que les décisions ne soient plus l’apanage de quelques-uns retranchés dans les couloirs feutrés du pouvoir.
  • Réaffirmer haut et fort l’identité du parti, en rompant avec la posture de figurant au sein de l’Union Sacrée.
  • Renouveler son leadership, en ouvrant la porte à de nouvelles compétences issues de toutes les sphères — base militante, diaspora, société civile — capables de porter un projet crédible et mobilisateur.

Le temps des faux-semblants est révolu. Les militants, la population, et même l’histoire, ne pardonneront pas une direction qui aura choisi la survie confortable de quelques-uns plutôt que la pérennité de l’idéal collectif. Dans un pays où la mémoire politique est sévère et la sanction populaire implacable, l’UDPS n’a plus le luxe de tergiverser.

La question n’est plus de savoir si le changement est nécessaire, mais quand et comment il sera engagé. Chaque jour d’inaction rapproche un peu plus le parti de l’oubli. Le moment est venu de prouver que l’UDPS n’est pas seulement un héritage historique, mais une force vivante, capable de se réinventer pour rester au cœur du destin congolais.

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