Premier producteur mondial de cobalt, la RDC veut attirer les investissements dans le secteur minier tout en assurant une meilleure gestion de ses ressources. Accords avec l’administration Trump, négociations avec les opérateurs chinois, fiscalité… Autant de dossiers chauds pour le nouveau ministre des Mines.
Sa nomination est (presque) une suite logique. Le 19 août dernier, quand Louis Watum Kabamba arrive au ministère des Mines pour la cérémonie de passation, l’ingénieur actif dans le secteur minier depuis 1991 est en terrain conquis. Sa présence n’étonne d’ailleurs personne. Aussitôt les salutations et échanges de vœux terminés avec son prédécesseur, Kizito Pakabomba, le nouveau gardien du sous-sol congolais, qui promet de « moderniser » la gouvernance de l’industrie minière en RDC, indique que l’objectif de sa mandature sera d’attirer davantage d’investissements dans le secteur tout en maximisant les bénéfices économiques pour les Congolais. Une promesse qui fait écho à l’engagement du Président Félix Tshisekedi, réélu à la tête de la RDC fin 2023.
Louis Watum Kabamba, que nous ne sommes pas parvenus à joindre au moment de la publication de cet article, prend les rênes du ministère des Mines dans un contexte où la RDC, en proie à une recrudescence du conflit dans le Nord-Kivu, a, en février 2025, sollicité un soutien sécuritaire des États-Unis en échange d’un « partenariat de 3 000 milliards de dollars » contre l’accès à ses mines, largement contrôlées par les groupes chinois.
Nombreuses divergences
Alors que les discussions se poursuivent, l’administration Trump a, dans ce cadre, convié une délégation congolaise conduite par Patrick Luabeya, l’envoyé spécial du président Félix Tshisekedi sur ce volet, ainsi que Guy Robert Lukama, le président du conseil d’administration de la Gécamines, et le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), André Wameso, le 27 août dernier. C’est depuis Kinshasa que le ministre a, quant à lui, suivi le dossier.
Si ses proches estiment qu’il est « l’homme de la situation », la tâche s’annonce complexe. D’une part, la concrétisation de l’accord sécuritaire et minier entre les États-Unis et la RDC est aussi tributaire des discussions en cours à Doha entre le M23 et la RDC. D’autre part, sur le plan purement minier, les négociations peinent à aboutir à cause de divergences entre les différents acteurs.
Kobold Metals, la compagnie minière californienne soutenue par Bill Gates et Jeff Bezos qui a signé un accord de principe avec Kinshasa le 17 juillet dernier pour prendre une participation dans le projet de lithium de Manono, ne fait pas l’unanimité à Washington. Dans le même temps, la Gécamines bloque l’américain Virtus Minerals qui s’est positionné pour la reprise de la mine de cuivre exploitée par la société Chemaf, filiale du groupe Shalina Resources, basé à Dubaï, et détenue à 94,68 % par Chemaf Resources et à 5 % par l’État congolais.
Malgré les difficultés, les proches du ministre veulent y croire. « Dans le contexte actuel de recomposition du secteur, avoir un minier avec une très grande expérience et une connaissance fine du secteur est un avantage, commente John Kanyoni, président de la Commission nationale artisanale minière auprès du patronat et vice-président de la Chambre des mines, avec lequel il a collaboré durant plusieurs années. Louis Watum a été l’un des capitaines de l’industrie en termes de projets greenfield en RDC en travaillant sur le développement de plusieurs mines. »
Kibali et Kamoa
Ingénieur en chimie industrielle de l’école polytechnique de Lubumbashi, le kinois a commencé sa carrière en 1991, en tant qu’ingénieur de production en pyrométallurgie dans les usines de Shituru et Likasi (dans le Haut-Katanga) appartenant à la Gécamines. Après quelques années passées à l’étranger, d’abord en Afrique du Sud, où il a travaillé avec l’holding britannique Anglo-American au milieu des années 90, puis, au Mali au sein d’AngloGold Ashanti en tant que directeur des opérations de la mine d’or de Yatela au début des années 2000, Louis Watum rentre au pays avec l’idée de monter des projets miniers qui favoriseraient « une redistribution des bénéfices au profit de la population congolaise ».
Il doit sa réputation à son pragmatisme et à la conduite de nombreux projets dans le secteur. En 2006, il est embauché en tant que directeur de projet aurifère par la société Moto Gold Mines pour démarrer l’exploitation de l’or dans le Haut-Uélé. Puis, en 2010, Randgold Resources fait appel à lui pour superviser les phases d’exploitations et de développement de la mine d’or de Kibali. Exploitée aujourd’hui par Barrick Mining (société issue de la fusion entre Barrick Gold et Randgold), le gisement, détenu à parts égales (45%) par le minier canadien et le sud-africain AngloGold Ashanti, contre 10 % pour la Société minière de Kilo-Moto (Sokimo), a démarré son exploitation en 2014 avec une capacité annuelle de 550 000 onces d’or pour avoisiner, dix ans plus tard, en 2024, les 686 000 onces d’or.
A chaque fois qu’un projet entre en phase d’exploitation, tel le devoir accompli, Louis Watum tourne la page et s’attaque à un autre chantier. C’est après Kibali qu’il est sollicité, en 2015, par Ivanhoe Mines pour prendre les commandes de Kamoa Copper, qui exploite la mine de cuivre de Kamoa-Kakula, l’une des plus grandes au monde. Toujours au sein d’Ivanhoe Mines, il devient ensuite directeur des opérations sur le projet Kipushi exploitant la plus grande mine de zinc d’Afrique. « C’est un manager orienté vers les résultats. Toutes les équipes qu’il a dirigées sont successful », estime John Kanyoni.
Transparence du secteur minier
Peu disert, mais reconnu pour son expertise dans le secteur minier, il est élu président de la Chambre des mines en 2020 jusqu’en mai 2024, date à laquelle il est nommé ministre de l’Industrie et du Développement des PME-PMI. Il y supervise des réformes structurantes telles que la dématérialisation de la création d’entreprise et le déploiement de zones économiques spéciales (ZES).
Alors que la digitalisation du cadastre minier et la traçabilité des minerais font aussi partie des grands chantiers de Louis Watum à la tête du ministère, à la chambre des mines d’autres réformes sont également soutenues. « Les investisseurs ont une connaissance minime de notre sous-sol, argue John Kanyoni. Le secteur minier congolais doit être mieux cartographié. Il ne faut pas se focaliser que sur la Copperbelt. Il y a un très grand potentiel dans le Kivu et dans le Kasai».
Dans ce contexte, l’un des autres chantiers majeurs de Louis Watum, en tant que ministre, sera d’assurer une meilleure traçabilité des minerais et de doter son pays d’une législation fiscale stable, élément essentiel pour convaincre les capitaux américains d’investir en RDC.
(Avec Jeune Afrique)