La Solidarité pour la défense des Droits, de la Dignité et des Intérêts des Magistrats (SODIMA), syndicat des magistrats, interpelle le Ministre d’Etat, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Guillaume Ngefa, sur l’urgence et la nécessité de parachever les réformes judiciaires essentielles à la pleine application de la Constitution du 18 février 2006. Dans un mémo signé par son président Gabriel Amissi Ngumbi, la SODIMA a d’emblée salué la volonté affichée du nouveau Ministre de combattre la corruption et l’impunité, tout en améliorant les conditions de travail des acteurs judiciaires. La SODIMA met en lumière deux piliers fondamentaux pour concrétiser l’indépendance du Pouvoir Judiciaire : d’une part, l’intégration des services spécialisés du Ministère de la Justice notamment, l’Inspectorat général, le Service de Documentation et d’Etudes, l’Ecole supérieure de la magistrature au sein du Pouvoir Judiciaire, conformément aux textes organiques, afin de mettre fin à des illégalités persistantes ; d’autre part, l’instauration d’une véritable autonomie financière et budgétaire pour le Conseil Supérieur de la Magistrature, via une dotation conséquente dès le budget 2025-2026, pour garantir l’indépendance effective des magistrats et répondre aux promesses d’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
LA SOLIDARITE POUR LA DEFENSE DES DROIT, DE LA DIGNITE ET DES INTERETS DES MAGISTRATS, EN SIGLE « SODIMA »
SYNDICAT DES MAGISTRATS ARRETE D’ENREGISTREMENT N°193/ETPS/MBL/PKG/2014 DU 06 NOVEMBRE 2014
SIEGE: 3 CITRONNIERS, QUARTIER MUSEONSEIL SUPERIEUR
COMMUNE NGALIEMA
Contacts: +243997313967 & +243818551775
Réf : 008/SODIMA/SM/2025
MEMO A LA HAUTE ATTENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE LA JUSICE ET GARDE DES SCEAUX MISSION TECH
(Avec l’assurance de notre haute considération)
Concerne: Des reformes judiciaires à parachever en application des dispositions de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
Introduction :
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat;
La Solidarité pour la défense des Droit, de la Dignité et des Intérêts des Magistrats, en sigle « SODIMA », Syndicat des Magistrats, vient respectueusement auprès de votre Haute Autorité, vous saisir par son Mémo dont l’objet repris en concerne.
Avant tout, permettez-nous de saluer votre avènement à la tête du Ministère de la Justice et votre volonté exprimée lors de la cérémonie de remise et reprise de fonctions du 12 août 2025 de combattre la corruption et l’impunité, d’une part, et d’améliorer les conditions de travail et de vie des acteurs du système judiciaire congolais, d’autre part.
Pour une meilleure compréhension de notre Mémo, celui-ci s’analysera sur trois points ci-après :
I. Rappel historique du système judiciaire congolais avant la Constitution de 18 février 2006 ;
II. Des réformes judiciaires déjà entreprises en application des dispositions de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du Pouvoir Judiciaire ;
III. Des reformes judiciaires à parachever en application des dispositions de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
- Rappel historique du système judiciaire congolais avant la Constitution de 18 février 2006.
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat,
Il y a lieu de rappeler qu’à un moment de l’histoire de notre système judiciaire, le Ministre ayant la Justice dans ses attributions fut le Président du Conseil judiciaire, Vice-Président du Conseil Supérieur de la Magistrature assumant l’intérim du Président de la République empêché, en sa qualité du Président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
A ces titres, le Ministre de la Justice avait les prérogatives de recrutement des candidats magistrats, de leur nomination à titre provisoire, de leur désignation aux différents grades ainsi que de la mise en place générale des magistrats, conformément aux dispositions des textes de lois et réglementaires de l’époque.
- Des réformes déjà entreprises en application de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du pouvoir judiciaire.
En application des dispositions des articles 149 et suivants de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du Pouvoir judiciaire du Pouvoir exécutif et du Pouvoir législatif, le Gouvernement et le Parlement ont entrepris plusieurs réformes notamment la Loi organique n 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée par la Loi organique du n 15/014 du 1 aout 2015 et la Loi organique n 08/013 du 05 aout 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
Ces réformes font des magistrats seuls membres du Conseil Supérieur de la Magistrature; le recrutement de candidats magistrats se fait par le Conseil supérieur de la magistrature; la nomination des magistrats aux différents grades par le Président de la République; et la mise en place générale des magistrats par le Président de la Cour constitutionnelle, de droit Président du Conseil supérieur de la magistrature.
Cependant ces réformes devraient se poursuivent jusqu’au niveau des services spécialisés du Ministère de la Justice liés au fonctionnement du Pouvoir judiciaire. Il en est ainsi de l’Inspectorat général des services du Conseil judicaire, du Service de Documentation et d’Etudes et de l’Ecole supérieure de la magistrature qui feront l’objet du point
- Des reformes judiciaires à parachever en application des dispositions de la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, consacrant l’indépendance du Pouvoir Judiciaire.
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat,
Il sied de noter que ces reformes concernent les Services spécialisés du Ministère de la Justice liés au fonctionnent du Pouvoir Judiciaire (A) et l’autonomie financière et budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature (B).
- Des Services spécialisés du Ministères de la Justice liés au fonctionnement du Pouvoir Judiciaire
Il y a lieu de rappeler qu’avant la Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour, les Cours, Tribunaux et Parquets y rattachés ainsi que les Services spécialisés liés au fonctionnement du pouvoir judiciaire étaient des Services du Ministère de la Justice.
En exécutions des lois organiques relatives à la procédure, l’organisation et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif prises en application de la Constitution, les Cours, Tribunaux civils et militaires et Parquets y rattachés sont devenus d’office des Services du Pouvoir Judiciaire. Cependant tous les Services spécialisés du Ministère de la Justice liés au fonctionnement du Pouvoir Judiciaire demeurent les services du Ministère de la Justice à ce jour, par la volonté de tous vos prédécesseurs qui ont refusé d’y appliquer les reformes conformément aux dispositions de la loi organique n 06/020 du 10 octobre 2006 abrogeant toutes les dispositions antérieures contraires et faisant de ces différents services les services judiciaires spécialisés (article 29, alinéa 3). Ces services sont : Inspectorat général des services du Conseil Judiciaire, Service des Documentations et d’Etudes et l’Ecole supérieure de la magistrature.
- Inspectorat général des services du Conseil judiciaire
L’Inspectorat général des services du Conseil judiciaire fut créé par l’ordonnance n° 87-215 du 23 juin 1987 et placé sous l’autorité du Président du Conseil judiciaire de l’époque en l’occurrence le Ministre (Commissaire d’Etat) ayant la Justice dans ses attributions.
L’Inspectorat général avait pour mission de contrôler le fonctionnement des juridictions, des parquets et de tous les services relevant du Conseil judiciaire. Il comprend un Corps de plusieurs magistrats inspecteurs et il est dirigé par un Haut magistrat en qualité de l’Inspecteur Général.
Cependant, l’article 50 alinéa 3 de la loi organique n’ 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats telle que modifiée et complétée à ce jour prévoit que les magistrats membres de l’Inspectorat général retenu peuvent constater toute faute disciplinaire commise par tout magistrat de grade égal ou inférieur à celui du magistrat instrumentant.
Il se fait que depuis la promulgation de cette loi à ce jour, l’Inspectorat général ainsi retenu n’a jamais été créé par un texte légal ni réglementaire. En revanche, tous vos prédécesseurs ont préféré maintenir l’ancien Inspectorat général des services du conseil judiciaire en changeant sa dénomination en: Inspectorat général des services judiciaires et pénitentiaires sans texte légal ni réglementaire.
Voulant régulariser cette illégalité, récemment en 2025, votre prédécesseur a fait adopter au Conseil des Ministres et fait signer un Décret du Premier ministre portant création, organisation et fonctionnement de l’Inspection générale des services judiciaire et pénitentiaires placé sous l’autorité du Ministre de la Justice, en violation des dispositions de la Constitution et la loi organique précitée. Ce Décret a fait l’objet de la lettre de dénonciation de notre Syndicat adressée Son Excellence Madame la Première Ministre 007/SODIMA/SM/2025 d 25 mars 2025.
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat,
La question qui se pose est celle de savoir quel est le texte juridique pouvant créer l’Inspectorat général devenu service judiciaire spécialisé du Pouvoir judiciaire ?
A ce sujet, lors de la dernière Assemblée générale du Conseil supérieur de la magistrature tenue en avril 2025, celle-ci a adopté une des résolutions par laquelle tous les anciens services spécialisés du Ministère de la Justice liés au fonctionnement du Pouvoir Judiciaire seront créés par la loi organique n 08/013 du 5 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature à réviser, à l’instar du Secrétariat permanent du Conseil supérieur de la magistrature, ancien service spécialisé du Ministère de la justice devenu service technique du Conseil supérieur de la magistrature.
Il en est de même du Service de Documentation et d’Etudes et de l’Ecole supérieure de la magistrature.
- Du Service de la Documentation et d’Etudes
Le Service de la Documentation et d’Etudes avant la Constitution du 18 févier 2006 était chargé généralement de la publication des Arrêts de la Cour suprême de la justice, des discours du Premier président de cette haute juridiction et des mercuriales du Procureur Général de la République prés celle-ci. A l’éclatement de la Cour suprême de justice en Cour constitutionnelle, Cour de cassation et Conseil d’Etat, ce service doit continuer à publier les Arrêts de ces trois Hautes juridictions de pouvoir judiciaire. Il comprend plusieurs magistrats délégués et il est dirigé par un Haut magistrat en qualité de Directeur Général.
- De l’Ecole supérieur de la magistrature
L’Article 4, alinéa 2 de la loi organique portant statut des magistrats prévoit l’Ecole supérieure de la magistrature qui doit recevoir les candidats magistrats retenus à l’issue du concours de recrutement pour un stage de 12 mois et les magistrats de carrières pour leur formation permanente, en vue du renforcement des capacités.
Pour votre gouverne, un bâtiment devant abriter cette Ecole a été construit par le Gouvernent derrière le Palais de justice avec l’appui de ses partenaires extérieurs. Cependant à son inauguration par un de vos prédécesseurs, le bâtiment a été dénommé Institut National de Formation Judiciaire sans soubassement légal. Ce bâtiment est occupé à ce jour par le personnel du Ministère ou toute personne intéressée et ses salles sont mises en location par le Ministère de la justice.
En considération de ce qui précède, la SODIMA recommande à votre Excellence, la collaboration avec les membres du Bureau du Conseil supérieur de la magistrature, afin de parachever les reformes judiciaires susmentionnées, et de répondre ainsi à votre promesse de combattre la corruption et l’impunité.
- De l’autonomie financière et budgétaire du Conseil supérieur de la magistrature.
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat,
Pour répondre à votre promesse d’améliorer les conditions de travail et de vie des acteurs du système judiciaire congolais notamment les magistrats, nous analyserons la situation des magistrats congolais avant la Constitution du 18 février 2006 (1) et la situation des magistrats congolais après la promulgation de la Constitution du 18 février 2006 telle modifiée à ce jour (2).
- De la situation des magistrats congolais avant la Constitution du 18 février 2006.
Il faut rappeler qu’avant la Constitution du 18 février 2006, les magistrats congolais étaient assimilés aux fonctionnaires relevant du Ministère de la Justice, avec les matricules du Ministère de la Fonction publique et un budget inscrit au budget du Ministère de la justice. Le Ministre de la justice engageait ce budget, son Collègue du budget le liquidait et celui des finances l’ordonnançait.
- De la situation des magistrats congolais après la promulgation de la Constitution du 18 février 2006 telle modifiée à ce jour.
Excellence Monsieur le Ministre d’Etat,
Pour améliorer les conditions de travail et de vie des magistrats congolais, la SODIMA recommande votre implication personnelle au niveau du Gouvernement, afin que ce dernier puisse mettre à la disposition du Conseil supérieur de la magistrature, organe de gestion du Pouvoir judiciaire, un budget conséquent sous forme de dotation qui n’est pas consacrée par la Constitution à l’instar de deux chambres du Parlement et du Gouvernement et ce, dès le budget de l’exercice 2025-2026 qui sera voté au parlement à la session de septembre 2025 prochain.
En effet, l’Article 149 de la Constitution dispose: « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ».
Il est dévolu aux cours et tribunaux qui sont la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat, la Haute Cour militaire ainsi que les Cours et Tribunaux civils et militaires.
La justice est rendue sur l’ensemble du territoire au nom du peuple.
Les arrêts et les jugements ainsi que les ordonnances des Cours et Tribunaux sont exécutés au nom du Président de la République.
Il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou d’exception sous quelque dénomination que ce soit.
La loi peut créer des juridictions spécialisées.
Le pouvoir judiciaire dispose d’un budget élaboré par le Conseil supérieur de la magistrature et transmis au Gouvernement pour être inscrit dans le budget général de l’Etat. Le Premier Président de la Cour de cassation en est l’ordonnateur. Il est assisté par le Secrétaire permanent du Conseil supérieur de la magistrature ».
Il résulte des dispositions de cet article 149 de la Constitution que son alinéa 1 consacre l’indépendance du pouvoir judiciaire du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Cependant, son dernier alinéa fait du budget du pouvoir judiciaire dépendant du gouvernement, Ministères du budget et des finances, chargés respectivement de sa liquidation et de son ordonnancement; le Premier Président de la Cour de Cassation qui est l’ordonnateur constitutionnel du budget du pouvoir judiciaire est ignoré par le gouvernement.
Il sied de relever que l’indépendance d’un pouvoir va de pair avec son autonomie financière et budgétaire. Pour vous en convaincre, il suffit de lire les dispositions constitutionnelles en la matière s’agissant de deux autres pouvoirs traditionnels.
En effet, l’alinéa 3 de l’article 100 de la Constitution dispose: « Chacune des Chambres jouit de l’autonomie administrative et financière et dispose d’une dotation propre ».
Par ailleurs, l’article 95 de la Constitution dispose: « Les émoluments des membres du gouvernement sont fixés par la loi de finances. Le Premier ministre bénéfice, en outre, d’une dotation».
Pour mettre fin à cette injustice délibérément voulue par le constituant originaire, deux solutions sont suggérées par la SODIMA à votre Excellence à savoir: la solution politique à court terme (a) et la solution juridique à moyen terme (b).
- De la solution politique à court terme
Comme nous l’avons suggéré à Votre Excellence ci-haut, votre plaidoyer de l’amélioration des conditions de travail et de vie des magistrats auprès de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Magistrat Suprême, est impératif, afin que le budget du pouvoir judiciaire de l’exercice 2025-2026 soit adopté par le gouvernement sous forme d’une dotation conséquente conformément aux dispositions de l’article 149 de la constitution qui fait du Premier Président de la Cour de Cassation son ordonnateur.
- De la solution juridique à moyen terme:
Comme nous l’avons suggéré dans notre Mémo du 21 août 2024 adressée à la Très Haute attention de son Excellence Monsieur le Président de la Réplique, Magistrat Suprême, la révision du dernier alinéa de l’article 149 de la Constitution s’impose en ces termes :
« Le Conseil supérieur de la magistrature est l’organe de gestion du Pouvoir Judiciaire. Il jouit d’une autonomie administrative et financière et dispose d’une dotation ».
La question de l’ordonnateur du budget du pouvoir judiciaire sera renvoyée à la loi organique portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature à réviser.
Tout en sollicitant un rendez-vous auprès de votre Haute Autorité pour un échange à ce sujet, Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, l’assurance de notre haute considération.
Fait à Kinshasa, le 15 août 2025
Président National
Gabriel AMISSI NGUMBI Premier
Président de la Cour d’Appel