Accueil » La République Démocratique du Congo au défi de l’exploitation minière

La République Démocratique du Congo au défi de l’exploitation minière

Par La Prospérité
0 commentaire

(Par Christian Gambotti)

(Louis Watum Kabamba, Ministre des Mines, en fonction depuis le 8 août 2025)

Faire du secteur minier un pilier essentiel de la croissance congolaise

La République Démocratique du Congo  (RDC) est au cœur de la demande mondiale croissante de minerais et de métaux stratégiques tels que le lithium, le graphite, le cobalt, le coltan, le manganèse, le platine, le tantale et la bauxite, etc. Ces minerais sont nécessaires au développement des industries manufacturières traditionnelles et des technologies nouvelles. Pour tirer le meilleur parti de la demande mondiale croissante de minerais, en particulier les minerais stratégiques, la RDC qui dispose d’un important potentiel minier, doit relever quatre défis : 1) le défi de la mise en place d’un Code minier plus attractif, plus compétitif et plus transparent 2) le défi d’une bonne gouvernance du secteur afin de générer des recettes fiscales, créer des emplois directs et lutter contre les infractions et la corruption 3) le défi social avec des richesses créées qui servent l’intérêt général et qui descendent jusqu’aux populations 4) le défi environnemental, l’exploitation minière mettant en danger un environnement toujours fragile.
Gérer des risques importants
Le secteur extractif étant porteur de risques plus importants que d’autres activités économiques, le gouvernement et les professionnels du secteur ne doivent pas installer les populations et les territoires concernés dans une vision naïve ou angélique qui leur ferait croire que le pays autrefois pauvre deviendrait soudain un pays riche capable d’éradiquer la pauvreté. Les risques que représente la ruée actuelle vers la RDC  pour l’exploitation des minerais sont de quatre ordres : 1) l’appétit minier des puissances étrangères (Chine, Russie, Canada, Etats-Unis, Union européenne, Inde, monarchies pétrolières du Golfe, etc.) et des multinationales peu soucieuses de construire des partenariats gagnants-gagnants qui intègreraient la transformation locale des matières premières brutes, la création d’emplois et des revenus décents 2) le développement des sites d’extraction artisanaux et/ou clandestins qui se caractérisent par des accidents, des bas salaires, le travail des enfants, la dégradation des terres et la destruction de l’environnement 3) l’enfermement du pays dans une économie de la rente 4) les guerres prédatrices aux frontières qui voient des puissances étrangères et des groupes armés piller les richesses minières de la RDC.
Jusqu’à présent, l’exploitation minière ne profite pas suffisamment à la RDC : les pays limitrophes ennemis, les entreprises étrangères et les groupes rebelles tirent profit des milliards que rapporte un commerce lucratif, alors que l’Etat central ne dispose pas des recettes budgétaires  qui permettraient de sortir les populations de la pauvreté et du chômage de masse.
La nomination de Louis Watum, l’expression  d’une volonté politique forte
dans le secteur minier
Il faut une volonté politique forte pour organiser et gérer un secteur économique à hauts risques. Lorsqu’il est élu en février 2020 président de la Chambre des Mines de la RDC, Louis Watum se fait le porte-voix d’un dialogue constructif entre l’État, les investisseurs et les communautés. Il milite alors pour la transformation locale des minerais, la valorisation des chaînes de valeur nationales et un contenu local renforcé. Nommé Ministre national des Mines, il retrouve son domaine de compétence avec l’ambition de mettre à profit trois décennies d’expérience technique, managériale et institutionnelle au service du développement minier et industriel du pays. Homme d’expérience et de consensus, Louis Watum représente un espoir de stabilité et de gestion durable au bénéfice de tous. Sa nomination montre que l’agenda politique et économique du gouvernement congolais tient compte désormais de la  position privilégiée que la RDC occupe dans la production de minerais critiques. Comme il avait su le faire, lorsqu’il était le patron des opérateurs du secteur minier, Louis Watum doit instaurer  un dialogue constructif entre le gouvernement, les géants du secteur minier, les petits producteurs et les populations locales. Il doit aussi éviter de transformer l’écosystème minier en économie de la rente et renforcer la lutte contre la corruption dans un secteur qui génère des revenus importants. En lien avec les forces de sécurité (armée, gendarmerie, police), il doit conduire une politique sécuritaire dans des zones à risques.
Qui demande à bénéficier des retombées du secteur minier ? L’Etat bien sûr, qui attend des recettes fiscales et la création d’emplois directs, les opérateurs privés, qui consentent de lourds investissements avant les premiers profits, et les populations, qui demandent leur part dans la redistribution des revenus générés par une activité florissante. Les autorités et les professionnels du secteur doivent d’ailleurs agir en toute transparence avec les populations. Dans un article publié en juin 2019 dans « Le Monde Afrique », la journaliste Anne Michel écrit : « La mine, territoire interdit aux journalistes, est l’un des secteurs les plus opaques et les moins régulés de l’économie. Cette situation tient d’abord au cadre géopolitique, [alors que] les exploitations les plus importantes sont désormais situées en Afrique (…). Or, le cadre réglementaire des industries extractives (minerais, gaz, pétrole) dans ces démocraties émergentes reste rudimentaire. (…) Face à la pression des lobbys de puissantes compagnies minières, [les Etats africains] peinent à réguler le système. Dans le domaine fiscal, c’est le même problème. A chaque pays son régime de taxation des bénéfices ou de partage de la production, ce qui là encore favorise les accords ultra-favorables pour les industriels, qui se voient garantir des rentes et des profits importants par des gouvernements soucieux d’attirer des investisseurs. » Le secteur minier reste en proie à l’opacité, au lobbying et aux infractions, une situation que favorise la faiblesse des Etats. Africains qui tardent à affirmer leur souveraineté pleine et entière sur un secteur stratégique.
La feuille de route du ministre Louis Watum

Dans un atelier de deux jours qui réunit des représentants des services étatiques, de la société civile et des partenaires techniques et financiers, Louis Watum a précisé sa feuille de route autour des objectifs suivants : traduire en actions concrètes les recommandations issues du Dialogue National et mettre en place un mécanisme de suivi participatif. Louis Watum s’inscrit dans la vision du Président de la République, Félix Tshisekedi, qui fait du secteur minier un levier de paix, de prospérité et de souveraineté nationale. Le ministre a rappelé les engagements du gouvernement, des engagements portés par la Première Ministre, Judith Suminwa : faire en sorte que les ressources minières  cessent d’alimenter les conflits et deviennent un facteur de développement durable et de stabilité régionale. Le ministre des Mines a tenu à réaffirmer  les axes de sa politique : lutter contre la fraude et la corruption ; renforcer la transparence et la traçabilité des minerais ; digitaliser le cadastre minier ; assurer une redistribution équitable des revenus miniers aux communautés locales ; promouvoir la transformation locale des ressources afin d’accroître la valeur ajoutée nationale. L’objectif est ambitieux : poursuivre les réformes en cours afin d’aller vers  une gouvernance minière responsable, transparente et inclusive au service de l’Etat, du peuple congolais et de la sécurité dans toute la région des Grands Lacs. L’Etat congolais est-il suffisamment fort pour atteindre cet objectif ?

L’affirmation d’une souveraineté pleine et entière

La dynamique du secteur minier congolais conduit le gouvernement à vouloir accélérer la recherche minière et à délivrer de nombreux permis d’exploitation, notamment dans le domaine des minerais stratégiques.L’enjeu politique et économique est de préserver une souveraineté pleine et entière dans un secteur à risques. Il ne s’agit pas simplement de créer un écosystème florissant, parfaitement géré et qui obéirait aux principes de bonne gouvernance. Il s’agit bien, pour la RDC, de s’inscrire dans une vision stratégique qui lui assure la parfaite maîtrise de ses richesses minières. Dans le contexte actuel marqué par de fortes turbulences politiques, une montée des guerres économiques et du protectionnisme, chaque Etat défendant ses intérêts, la RDC doit réévaluer les contrats qu’elle signe avec les compagnies étrangères pour l’exploitation de son potentiel minier et assurer la sécurité à ses frontières dans les provinces de l’Est..

Est-il possible alors, pour Kinshasa, de se préserver des puissances étrangères prédatrices, dont certaines n’ont pas hésité à fomenter des coups d’Etat militaires dans la zone sahélienne (Mali, Burkina Faso, Niger) ? Est-il possible de ne pas signer des contrats léonins qui attribuent tous les avantages à la puissance étrangère prédatrice comme le fameux « contrat du siècle » signé par Kabila avec la Chine ? Est-il possible de sortir de l’appétit minier d’un Trump qui s’intéresse désormais à la RDC et qui promet, à travers une diplomatie transactionnelle, soutien et investissements massifs américains contre des minerais ?

Trump, qui se projette hors de l’hypocrisie de la diplomatie traditionnelle et qui s’affranchit de toute considération humanitaire, n’a pas caché que l’accord de paix signé en juin à la Maison Blanche par la RDC et le Rwanda allait ouvrir des investissements massifs américains à l’Est du Congo. Quelques semaines après, à Washington, au moment de la réception accordée à cinq Chefs d’Etats africains, il a encore été question de minerais. L’affirmation, en Afrique, d’un nationalisme des richesses naturelles doit devenir une réalité. Pour des raisons économiques et stratégiques, chaque Etat africain doit accroître son contrôle sur ses richesses naturelles, en particulier minières. Depuis 2014, 31 États africains ont réformé leurs codes miniers afin d’accroître la participation des États, des champions nationaux et des communautés locales dans l’exploitation de leurs ressources, ce qui va dans le sens d’une souveraineté affirmée.

Les acteurs du secteur minier en Afrique

Dès les années 1980, les réformes libérales promues par la Banque mondiale voient l’arrivée des acteurs canadiens, australiens, suisses et américains dans le secteur minier africain. Dans les années 2009‑2013, la Chine et la Russie commencent à s’implanter durablement dans ce secteur. Moins polémique, la présence de l’Inde, qui cherche à sécuriser ses approvisionnements en fer pour alimenter sa sidérurgie, est aussi très importante en Afrique australe. Au premier semestre 2025, les Etats-Unis et les Emirats Arabes Unis ont fortement augmenté leurs investissements dans les projets liés aux minerais critiques ? Cette stratégie d’investissement massif s’explique de deux manières : a) Pour les Emirats, le besoin d’approvisionner en cuivre, cobalt et lithium les futures gigafactories prévues à Abu Dhabi et la nécessité de diversifier l’économie  émiratie pour l’après-pétrole b) Pour les Etats-Unis, au besoin de s’approvisionner en minerais critiques, s’ajoute la volonté de contrecarrer l’influence chinoise et russe sur le continent.

Christian Gambotti

Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de la Tigui Foundation (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

You may also like

Laissez un commentaire

Quotidien d'Actions pour la Démocratie et le Développement

Editeur - Directeur Général

 +243818135157

 +243999915179

ngoyimarcel@ymail.com

@2022 – All Right Reserved. La Prospérité | Site developpé par wetuKONNECT