(Note de l’éditeur : Cet article représente le point de vue de l’auteure Suzon Gaborieau et pas nécessairement celui de CGTN.)
Je n’aurais jamais pensé avoir la chance de me rendre un jour au Xinjiang, tellement la Chine est vaste et les provinces de l’Ouest semblent lointaines. Cette région, la plus grande province de Chine, est aussi l’une des plus méconnues. J’avais hâte de découvrir ces paysages grandioses situés sur l’antique Route de la Soie. Ce voyage là-bas fut une invitation à comprendre la complexité et la beauté de la Chine sous un angle différent.
Première escale : Urumqi, capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang.
À première vue, il n’y a pas de grande différence avec Beijing ou d’autres grandes villes. Puis, plus on s’enfonce dans le centre, plus on aperçoit des bâtiments dont l’architecture comporte certaines caractéristiques de l’islam, des mosquées, des panneaux traduits en ouïghour.
Nous nous plongeons directement dans l’ambiance avec une sortie au grand bazar international. Il s’agit du plus grand bazar au monde en termes de superficie. Impossible de s’y rendre sans goûter au fameux nang, un pain local en forme de galette décliné à l’infini : tasses à café en nang, glaces en cornet de nang, porte-monnaie et peluches en forme de nang … Il y en a pour tous les goûts. Il est également possible d’y déguster toutes sortes de spécialités locales, des brochettes d’agneau à la soupe d’agneau en passant par le jus de grenade. Les vendeurs en tenues traditionnelles attirent la clientèle dans leurs boutiques colorées aux odeurs alléchantes. Les murs sont peints de scènes de la vie quotidienne qui illustrent certaines habitudes locales, les boutiques sont ornées de tissus aux motifs traditionnels et à la tombée de la nuit, la grande mosquée, le minaret et les panneaux s’illuminent. On entend parler aussi bien le mandarin que l’ouïghour. Tous les sens sont en éveil.
Figure 4 Une glace en cornet de nang
L’ambiance de la rue He tian er jie est encore plus électrique ! Un vendeur vêtu d’une tenue traditionnelle allume la musique. Attirant autour de lui un cercle de curieux, il fait jaillir haut dans les airs un liquide doré depuis la poêle qu’il manie avec agilité, tout en dansant avec entrain. Les trottoirs grouillent de petits stands de grillades d’où la fumée aromatique s’élève à perte de vue. Attablés autour de chaises basses, les clients dégustent des kaobao (ces fameux petits pains farcis à la viande), savourent du riz à l’agneau, sirotent du thé et discutent sans fin, jusqu’à tard dans la nuit.
Figure 5 L’effervescence de la rue He tian er jie
Le Parc du peuple est un lieu tout aussi vivant et animé. Les personnes âgées s’y rassemblent pour passer du bon temps. Tous ont le sourire aux lèvres et semblent heureux de partager des activités variées ensemble sous les pavillons, au bord de l’eau : chorale, musique, danse traditionnelle, calligraphie, jeu de go et de cartes, ou encore plumfoot.
Figure 6 Le parc Renmin d’Urumqi
Nous nous rendons également au marché de gros où les étalages de fruits secs et de produits laitiers, autres spécialités de la région, s’étendent à l’infini. J’y goûte sans doute la meilleure noix que je n’ai jamais mangée, à la saveur aussi parfumée que sucrée, légèrement fumée. Abricots, raisins, pommes séchées, noix en tous genres, bonbons au lait, il y a là aussi l’embarras du choix, que ce soit pour soi-même ou pour offrir ! Les boutiques proposent en effet l’envoi direct par la poste partout en Chine.
Outre ce mélange unique de cultures, Urumqi est aussi une ville dont le développement s’articule autour de nombreux axes.
Du côté de la santé, c’est par exemple ici que sont fabriqués certains médicaments de médecine chinoise largement commercialisés en Chine et dans les pays frontaliers d’Asie centrale. L’entreprise Yinduolan Pharmaceutical Co., Ltd., dont le nom signifie « le bon médicament » en ouïghour, fabrique principalement des traitements contre le rhume, et ce de la cueillette des plantes médicinales jusqu’à l’emballage des cartons grâce à un système de fabrication « intelligent, automatisé et continu ». L’entreprise garde ainsi le contrôle sur la qualité des produits avant leur commercialisation.
Figure 7 Les médicaments fabriqués par l’entreprise Yinduolan
En matière d’agroalimentaire, l’usine végétale de la zone des hautes technologies d’Urumqi produit des tomates grâce à des technologies de pointe qui stimulent la modernisation de l’agriculture et améliorent à la fois le rendement et la qualité des cultures.
Pour ce qui est des transports, c’est à l’atelier de maintenance du dépôt de véhicules d’Urumqi, relevant du groupe Urumchi Railway Administration Co., Ltd que sont réparés les trains aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur. Chaque détail est passé au peigne fin, notamment par de jeunes ingénieurs au parcours exceptionnel, avant la remise en circulation des wagons qui transportent les passagers de toute la Chine depuis et vers le Xinjiang.
Figure 8 L’atelier de maintenance du dépôt de véhicules d’Urumqi
Urumqi est donc un carrefour important où les cultures des différentes ethnies se rencontrent, mais la ville regorge aussi d’entreprises de renommée nationale et internationale qui participent activement au rayonnement et au développement de la région, et plus largement à celui de la Chine.
Deuxième étape de notre voyage : la préfecture d’Aksou, plus au sud.
Nous nous arrêtons d’abord à Kuche (Kuqa), berceau de la culture Qiuci. Nous faisons un détour par le quartier Qiuci Xiaoxiang, sans doute mon endroit préféré jusqu’ici. Chaque petite ruelle étroite et chaque mur possède ses propres spécificités et est décorée de façon unique avec des ombrelles, des lampions, et même des bouliers. On y trouve aussi de petits cafés et maisons de thé où les locaux se retrouvent pour échanger et jouer des instruments traditionnels ouïghours autour d’un breuvage réconfortant. Un lieu calme, reposant et romantique qui vaut absolument le détour !
Figure 9 Le quartier Qiuci Xiaoxiang
À Kuche, les danses traditionnelles font aussi partie de la culture. Pendant que les femmes aux costumes pailletés bougent gracieusement, les hommes parfaitement synchronisés nous impressionnent en tenant plusieurs bols en équilibre sur leur tête.
Figure 10 Un spectacle de danse traditionnelle ouïghoure
Nous nous arrêtons dans le désert du Taklamakan. Les montagnes se confondent avec les cheminées de roche qui s’étendent à perte de vue. Cet endroit me rappelle le Colorado provençal de Rustrel malgré une nette différence d’échelle. La diversité des paysages me fascine. On aperçoit même un loup sauvage qui disparaît au loin.
Figure 11 Le désert du Taklamakan
Prochain arrêt : les grottes Kizil (Kezier shiku). Elles se trouvent dans une région plus reculée, à environ 1h30 de route de Kuche. Creusées dans la montagne, ces grottes abritent des peintures bouddhiques dont certaines datent du 3e siècle de notre ère. Sur les plus de 300 grottes découvertes à ce jour, seulement six sont ouvertes au public. J’ai eu la chance de rencontrer de jeunes chinoises travaillant sur le site. Chacune à leur manière, elles contribuent à sauvegarder ce trésor historique. La première reproduit à la main les dessins se trouvant dans les grottes grâce à des pigments naturels. La seconde, médiatrice culturelle, est entre autres chargée de faire connaître le site au grand public et d’organiser des expositions. La troisième dont le travail est davantage axé sur la recherche, réalise des modélisations numériques du lieu. J’ai pu ressentir la passion qui les animait et leur envie de partager leurs connaissances sur ces grottes.
Figure 12 Vue de l’entrée des grottes Kizil
C’est dans ce contraste parfait entre l’éphémère d’un loup filant dans le désert et l’éternité des peintures rupestres que réside toute la magie d’Aksou.
Pour conclure, je résumerais mon voyage en un seul mot : « diversité ». En effet, la région autonome ouïghoure du Xinjiang est riche du point de vue de la diversité des cultures, des secteurs qui s’y développent et de la variété des paysages. Je n’oublierai jamais ce périple qui m’a permis de découvrir une nouvelle facette de la culture chinoise mais aussi ma rencontre avec ces jeunes femmes de la génération Z, qui chacune à leur manière, contribuent au rayonnement du Xinjiang. Durant mon séjour, bien que trop court pour explorer cette vaste région, j’ai également pu observer combien le passé, le présent et l’avenir s’entremêlent : un passé préservé à travers des trésors historiques uniques, un présent vibrant dans ses rues et ses parcs animés, et un avenir prometteur porté par le développement de secteurs variés et par de jeunes talents bien décidés à faire briller la Chine.