C’est dans le cadre du Centre Interdiocésain que l’Agence Nationale de l’Electrification et des Services Energétiques en milieux rural et périurbain (ANSER) a tenu, le samedi 4 octobre 2025, une conférence de presse capitale. L’objectif, faire un état des lieux transparent de ses missions, célébrer les progrès accomplis, mais surtout, tirer la sonnette d’alarme sur les obstacles majeurs qui freinent l’élan de l’électrification du Congo profond. Animée par son Directeur Général, Cyprien Musimar, entouré de son Adjoint Damien Twimbilanga, du Coordonnateur du projet Mbombo Jonas Katuku, et du Directeur provincial du Grand Kasaï, Alexis Mulomba, la rencontre a mis en lumière un tableau contrasté, où les succès de terrain se heurtent à des défis financiers et politiques de taille, incarnés par le projet de la centrale hydroélectrique de Mbombo.
Des avancées significatives mais un financement à la traîne
Avec une fierté légitime, l’ANSER a présenté des résultats tangibles. En cinq ans, l’agence a considérablement étendu son champ d’action, passant de 49 à 65 projets répartis sur 53 des 145 territoires de la RDC, ainsi que dans les grands centres urbains comme Kinshasa, Mbuji-Mayi et Kananga. D’ici la fin du mois d’octobre, 26 ouvrages seront entièrement finalisés notamment, grâce à l’achèvement imminent de quatre nouvelles centrales à Basankusu, Bongandanga, Tshimbulu et Kalamba, qui impacteront la vie de plus d’un million de Congolais.
Cependant, derrière ces chiffres encourageants se cache une réalité financière précaire. Alors que le taux d’exécution physique moyen des projets atteint un seuil respectable de 53%, le taux de paiement global plafonne à un maigre 28%. Ce décalage critique met en péril la finalisation de l’ensemble du portefeuille de projets et fragilise la confiance des entrepreneurs. Comme l’a souligné le DG Cyprien Musimar, la RDC fait face à un paradoxe douloureux : ‘’Les pays qui ont un taux d’accès assez important à l’électricité comme le Sénégal, le Kenya, l’Afrique du Sud, investissent encore davantage. Mais nous qui sommes un peu les parents pauvres, nous investissons encore beaucoup moins. C’est ça le paradoxe, c’est que l’Etat doit se surpasser, l’Etat doit mettre plus de moyens pour attirer les investisseurs’’, a-t-il souligné.
Au cœur des préoccupations se trouve le projet de construction de la centrale hydroélectrique de Mbombo, destinée à sortir la ville de Kananga et sa périphérie de l’obscurité. L’ANSER a tenu à rassurer sur les avancées concrètes : les études techniques, financées sur fonds propres, sont quasi-achevées et des travaux préparatoires ont été initiés sur le site. Un effort sans précédent pour ce projet longtemps resté dans les cartons.
Toutefois, sa réalisation, pensée sur un modèle de partenariat public-privé (PPP), est aujourd’hui à l’arrêt. Ce freinage est lié au fait que le montage financier attend une impulsion décisive de l’Etat congolais. « De nombreux investisseurs se bousculent pour le projet Mbombo. La majorité attend que l’Etat congolais participe, à hauteur de 20 à 30%, et qu’il donne des garanties’’, a martelé le DG Musimar. Cette contribution de l’Etat est le catalyseur indispensable pour rassurer et mobiliser le secteur privé, d’autant plus que la situation sécuritaire dans l’Est du pays et les efforts de guerre qui grèvent le budget national rendent les investisseurs frileux.
Pour pallier cette frilosité, un instrument financier novateur a été mis en place : le Fonds Mwinda. Opérationnel grâce à l’appui de la Banque Mondiale et de la Global Energy Alliance for People and Planet (GEAPP), ce fonds vise à subventionner les coûts de branchement, la cuisson propre et les factures d’énergie pour rendre les projets d’électrification rurale rentables pour les opérateurs privés.
Pourtant, malgré le lancement d’un premier appel à projets, l’engouement ne se traduit pas en soumissions concrètes. ‘’Nous avions lancé le fonds Mwinda, malheureusement les opérateurs ne se bousculent pas. Le montant qui est là, un montant assez important, s’il n’est pas décaissé, la mobilisation de futurs fonds en pâtira dans quelques mois’’, a prévenu Cyprien Musimar, soulignant l’urgence d’utiliser ces budgets annuels avant qu’ils n’expirent.
Un plaidoyer intense auprès des décideurs
Face à ces blocages, l’ANSER ne reste pas les bras croisés. Le Directeur Général Adjoint, Damien Twimbilanga, a détaillé la stratégie de plaidoyer en cours. ‘’Nous rencontrons certains Ministres, à qui on explique la situation et à qui on demande qu’il y ait un porte-parole au niveau du gouvernement. Il y a quand même une certaine dynamique à provoquer au sein du gouvernement pour que nous puissions bénéficier d’un appui beaucoup plus soutenu’’, a-t-il expliqué.
En parallèle, un travail de proximité est mené avec les Députés Nationaux pour non seulement augmenter la dotation budgétaire allouée à l’ANSER, mais surtout pour garantir que les fonds votés soient effectivement décaissés.
L’ANSER a démontré qu’elle consolide ses acquis et avance sur le terrain. Par ailleurs, elle a réaffirmé son engagement d’atteindre un taux d’accès à l’électricité de 62% d’ici 2030. Cet engagement ne pourra se concrétiser qu’avec une volonté politique forte, traduite par un soutien financier concret et des garanties solides de la part de l’Etat.
Nathan Mundele