Accueil » Rentrée judiciaire 2025-2026, Cour Constitutionnelle: Dieudonné Kamuleta met le cap sur la consolidation des acquis de la démocratie et de l’Etat de droit en RDC

Rentrée judiciaire 2025-2026, Cour Constitutionnelle: Dieudonné Kamuleta met le cap sur la consolidation des acquis de la démocratie et de l’Etat de droit en RDC

Par La Prospérité
0 commentaire

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Magistrat suprême (Avec l’expression de mes hommages les plus déférents) ;

Honorable Président de l’Assemblée Nationale ;

Honorable Président du Sénat ;

Madame la Première ministre, Cheffe du Gouvernement ;

Madame et Messieurs les membres du Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature et Honorés collègues ;

Honorables Députés nationaux et Sénateurs ;

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;

Mesdames et Messieurs les juges à la Cour constitutionnelle, chers collègues ;

Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats ;

Mesdames et Messieurs les Membres du Corps diplomatique et les Représentants des Organisations Internationales ;

Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions d’Appui à la Démocratie ;

Monsieur le Chef d’état-major général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo ;

Monsieur le Commissaire général de la Police Nationale Congolaise ;

Mesdames et Messieurs les Représentants des Confessions religieuses ;

Mesdames et Messieurs les Magistrats civils et militaires ;

Monsieur le Bâtonnier National ;

Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa ;

Monsieur le Commissaire Provincial de la Police Nationale Congolaise, Ville de Kinshasa ;

Monsieur le Bourgmestre de la Commune de LINGWALA ;

Mesdames et Messieurs les Avocats ;

Mesdames et Messieurs les membres des cabinets des Juges de la Cour constitutionnelle ;

Mesdames et Messieurs les membres du personnel de l’ordre judiciaire ;

Mesdames et Messieurs, distingués invités, en vos titres et qualités respectifs

Il est de tradition qu’à la rentrée judiciaire des hautes juridictions, se tienne une audience solennelle au cours de laquelle le Président de la juridiction prononce un discours consacré au développement d’un thème en rapport avec les activités de son institution.

En ce qui concerne la Cour constitutionnelle, cette coutume est codifiée au travers de l’article 100 de son Règlement intérieur.

Aussi, me sera-t-il permis, avant toute chose, au nom de cette haute juridiction, de m’acquitter d’un agréable devoir, celui de remercier son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, magistrat suprême, d’avoir accepté de rehausser de sa présence la cérémonie de ce jour, signe de sa volonté soutenue pour l’établissement d’un véritable Etat de Droit et surtout du bon fonctionnement du Pouvoir judiciaire. Cela témoigne particulièrement de l’attention qu’il accorde à la justice constitutionnelle.

Excellence Monsieur le Président de la République ;

Mesdames et Messieurs;

A l’occasion de l’audience solennelle et publique de ce jour, j’ai choisi d’articuler mon propos sur le thème « De la fonction de régulation de la Cour constitutionnelle ».

INTRODUCTION

Certes, il n’est pas aisé de donner une définition claire et précise du concept régulation dès lors qu’il est unanimement admis que c’est une notion difficile à cerner. Nonobstant cela, G.Cornu nous dit dans le vocabulaire des termes juridiques que la régulation renvoie à l’opération d’équilibrage d’un ensemble mouvant d’initiatives naturellement désordonnées par des interventions normalisatrices.

Appréhendé dans le cadre de l’activité d’une juridiction constitutionnelle, la régulation tend à assurer un fonctionnement correct des institutions et de l’activité des pouvoirs publics ainsi qu’à discipliner des acteurs publics. Son aspect important est de maintenir l’État de droit et de garantir la protection des valeurs démocratiques. C’est dans cette optique que la Cour constitutionnelle veille à ce que chaque branche du pouvoir, exécutive, législative et judiciaire, respecte les compétences qui lui sont attribuées par la Constitution, en prévenant, bien entendu, les abus de pouvoir.

Une question se pose et s’impose cependant : Est-ce que la régulation outrepasse les compétences d’attribution de la Cour constitutionnelle? La réponse à cette question ne saurait se résumer par un oui ou un non comme il est généralement admis dans les sciences exactes. Dans les sciences sociales, dont relève la science juridique, le débat est la vertu des réponses éclairées et éprouvées. Le débat sur la régulation est ainsi ouvert et la Cour constitutionnelle se retrouve à l’épicentre des secousses doctrinales. Ses compétences et les modalités de leur exercice suscitent des interrogations. Le juge se trouve tiraillé entre l’approche minimaliste et l’approche maximaliste de son office. Dans l’une ou l’autre approche, la Cour constitutionnelle reste la cible de tirs croisés des interrogations citoyennes. Pour certains, le juge constitutionnel ne devrait pas outrepasser ses compétences textuelles en raison de son autolimitation et, pour d’autres, il en fait trop en raison de son auto-habilitation par l’affirmation de compétences implicites, des principes non-écrits et de l’usage excessif du pouvoir régulateur.

Ces controverses remuent, dans une large mesure, de faux problèmes, pour reprendre la formule d’Otto Pfersmann. L’on fait des comparaisons de l’office du juge constitutionnel congolais avec d’autres offices sans tenir compte des différences significatives inhérentes à chaque système juridique qui se caractérise notamment par son histoire, son mode de raisonnement et ses contraintes, ainsi que sa culture juridique.

Mais il est presqu’évident que, par l’analyse des compétences attribuées aux juridictions constitutionnelles africaines, il se dégage l’idée de la régulation. En effet, l’agencement des compétences telles que le contentieux de constitutionnalité des normes, le contentieux relatif au conflit d’attribution notamment entre l’exécutif et le législatif, l’État et les provinces, les juridictions judiciaires et administratives constitue le critère faisant de la régulation une fonction sous-jacente des compétences de la Cour constitutionnelle. C’est dans cette optique que le juge constitutionnel [français] a donc pu se reconnaitre lui-même comme étant un organe régulateur des pouvoirs publics, faisant résulter cette dimension de sa compétence de l’esprit de la Constitution », laquelle expression a laissé place à l’idée d’équilibre des pouvoirs établi par la Constitution ,

Il convient de rappeler à cette occasion que la Cour constitutionnelle n’a pas vocation ni ambition de revendiquer le statut d’acteur qui s’immisce dans le fonctionnement des institutions publiques. En réalité, la juridiction constitutionnelle en République démocratique du Congo est née en 1960 avec l’idée même de la régulation constitutionnelle des pouvoirs publics. Mais avec la transformation de l’environnement politique, l’institution du monisme juridictionnel, couplée au tarissement des intentions démocratiques sous le parti-Etat, son installation a été étouffée, entrainant par conséquent celle de la justice constitutionnelle.

Fort de cette dernière expérience lugubre, le constituant du 18 février 2006 a opté pour un retour à l’idée originelle de 1960, c’est-à-dire la reconduction de la Cour constitutionnelle en faisant lever sous un beau soleil la flore de la régulation constitutionnelle des pouvoirs publics, exercice relevant par ailleurs d’une fonction intrinsèque à la juridiction constitutionnelle.

Notons que, si dans certains pays, plutôt que d’être expressément organisée par la Constitution, la régulation est déduite de l’idée que le juge se fait de ses compétences constitutionnelles et du rôle qu’il est appelé à jouer dans la consolidation de l’État de droit et du respect de la Constitution à l’instar de la République démocratique du Congo, dans d’autres, par contre, les textes constitutionnels font de leurs juridictions constitutionnelles, dans une formulation presque identique, « l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics». C’est le cas notamment du Bénin, Togo, Gabon, etc.

De ce qui précède, devrions-nous affirmer que notre Cour constitutionnelle coule dans un activisme judiciaire immodéré ou se caractérise par une avancée juridique qui, au fil des ans, prend une proportion évidente ?

Pour s’en apercevoir, il sera question dans cet exposé d’analyser d’abord le fondement du rôle de régulation, en tant que fonction inhérente aux juridictions constitutionnelles, et ensuite d’examiner l’exercice par la Cour de la fonction de régulation considérée comme lubrifiant institutionnel.

Excellence Monsieur le Président de la République ;

Mesdames et Messieurs ;

I. De la régulation : fonction intrinsèque de la Cour Constitutionnelle

En ce qui concerne la régulation comme fonction intrinsèque de la Cour constitutionnelle, notons que la Constitution d’un Etat est, selon l’expression de Jean DABIN, le principe générateur, régulateur et animateur de tout le système étatique.  Appelé à la protéger, à l’interpréter et à l’appliquer, le juge constitutionnel agit donc naturellement à l’aune de ce principe régulateur du système politique, pour pouvoir faire échec à une situation de paralysie imminente ou réelle d’une ou de plusieurs institutions de la République Autrement dit, [il] s’emploie à débloquer la paralysie du fonctionnement de certaines institutions en évitant par exemple un vide institutionnel ou à éviter le blocage du processus électoral. [Il peut même] sanctionner le comportement d’un acteur public considéré comme contraire à la Constitution, et à enjoindre l’acteur en question à adopter un nouveau comportement conforme à la Constitution.

Pour y arriver, les différentes techniques de l’interprétation constitutionnelle permettent de trouver les issues aux impasses du graal constitutionnel qui se posent dans son office, en dégageant les compétences qui participent naturellement à l’accomplissement des missions constitutionnelles attribuées à une juridiction constitutionnelle. C’est pourquoi, même le Professeur Babacar KANTE soutient qu’il se trouve que, parmi les compétences des juridictions constitutionnelles, figure en bonne place, de façon implicite ou explicite, la régulation du fonctionnement des institutions.

C’est sous cette veine que le Conseil constitutionnel français a pu se reconnaître lui-même comme étant un « organe régulateur des pouvoirs publics, faisant résulter cette dimension de sa compétence de l’esprit de la Constitution ». Ceci justifie le postulat selon lequel « la régulation se fonde sur l’esprit et la lettre de la Constitution, …et les Cours constitutionnelles se font dépositaires de cette fonction de régulation par le maintien et la reproduction de l’ordre constitutionnel ».

Il s’ensuit donc que la fonction de la régulation est fondamentalement rattachée à l’action de la Cour constitutionnelle, car elle permet à cette dernière d’assurer l’équilibre entre les intérêts légaux ou légitimes par un arbitrage neutre et ce, afin de garantir l’équilibre des pouvoirs, le respect de la répartition constitutionnelle des prérogatives entre les différents organes de l’Etat et, de surcroît, le fonctionnement régulier de différents pouvoirs et institutions de l’Etat, Dans cet ordre, la Cour constitutionnelle, à l’instar d’une orbite, maintient la stabilité gravitationnelle de toutes les institutions de la République autour du principe générateur, régulateur et animateur de tout le système étatique, qu’est la Constitution. Elle a donc pour fin de maintenir en état et sans collision le système institutionnel.

Les institutions, écrit Jean Rivero, à la différence des satellites, demeurent rarement sur l’orbite où leur créateur avait entendu les placer. Elles échappent à la volonté du constituant ou du législateur qui leur a donné vie. L’événement, le milieu, la personnalité des hommes qui les incarnent déterminent leur trajectoire. 20 Il est donc nécessaire à la juridiction constitutionnelle dans sa fonction de régulateur de préserver les préoccupations fondamentales du constituant, notamment celles de veiller au fonctionnement harmonieux des institutions, d’éviter ou prévenir tout conflit institutionnel, et d’instaurer un État de droit.

Relativement à l’Etat de droit, faisons observer que la volonté du constituant exprimée à l’article 1er de la Constitution : « La République Démocratique du Congo est un État de droit » traduit, à ne point en douter, l’idée de l’exclusion des situations qui bloquent la réalisation de cet idéal en République Démocratique du Congo. C’est ainsi, lorsque le droit est silencieux, mal appliqué, mal compris, mal interprété, il revient au juge de donner le sens, de préciser l’exact contenu d’une disposition ou carrément d’en déterminer la portée et les implications pour s’inscrire dans cet idéal.

Ainsi donc, le juge constitutionnel, saisi dans le cadre du règlement de conflit d’attribution opposant le tribunal de grande instance au Conseil d’État, ne peut décliner sa compétence au motif que la Constitution ne prévoit pas un tel cas, que la Constitution prévoit uniquement le conflit survenant entre les juridictions suprêmes, c’est-à-dire la Cour de cassation et le Conseil d’État. Il appert donc que, si l’on s’en tient à l’écriture de la Constitution, les conséquences qu’engendrent les faits s’en trouveraient exclues du cadre juridique, la République se muerait dès lors à une autre réalité juridique que l’État de droit consacré par la Constitution.

Pour pouvoir mieux comprendre et expliquer l’exercice de cette fonction, il faut noter qu’au stade méthodologique, le raisonnement de la Cour constitutionnelle relève du conséquentialisme, qui consiste en effet à justifier la solution ou l’interprétation d’un texte par les conséquences qu’impliquerait une solution contraire. À l’occasion du règlement d’un conflit inter-organique par exemple, le juge se trouvera dans l’obligation de peser l’équilibre du système, de trancher entre le nécessaire et le vital, de décider en présence des faits réels, loin de toute vision théorique.

Il se dégage que la régulation entretient des liens inextricables avec l’interprétation, qu’elle est présente dans le contrôle des normes lors d’un conflit d’attribution et aussi lors du règlement des conflits des compétences.

A. Dans le cadre de l’interprétation et de contrôle des normes lors d’un conflit d’attribution

L’interprétation est au cœur de la fonction de juger. Il n’est autre chose qu’une opération intellectuelle inhérente à la fonction du jugement, un instrument obligé, nécessaire à l’exercice de la justice constitutionnelle. Pour y parvenir, le juge se réfère à deux outils d’interprétation qu’il ne faut pas confondre avec les méthodes d’interprétation. Ces outils d’interprétations sont : l’interprétation comme acte de connaissance et l’interprétation comme acte de volonté. Si par acte de connaissance, le juge constitutionnel constate la signification d’un texte, car le sens y est déjà présent ; par acte de volonté, le sens de l’énoncé n’est pas contenu dans le texte, ou du moins, le sens de l’énoncé échappe à la situation en présence ; le constituant n’ayant pas prévu une catégorie juridique similaire, il appartient au juge de découvrir le sens in specie casu. Ainsi, fut le cas de l’arrêt RCA 001, dans lequel le requérant, contestant l’ordonnance du Conseil d’État, saisit la Cour constitutionnelle aux fins de règlement de conflit d’attribution juridictionnelle du litige entre une juridiction de l’ordre administratif, le Conseil d’État, et une juridiction de l’ordre judiciaire, le tribunal de grande instance. Examinant sa compétence, la Cour relève qu’elle connait en principe des recours contre les arrêts du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Toutefois, dans la poursuite de l’idéal de l’État de droit et la protection des droits fondamentaux et libertés publiques découlant des articles 1, 149 et 150 de la Constitution, elle note que l’expression « arrêts » infère à toutes décisions rendues par ces deux hautes juridictions tranchant la compétence matérielle et de nature à affecter la situation des parties.

Comme on peut le voir, la régulation est au cœur de l’exercice de l’interprétation. Autrement dit, il peut s’agir pour le juge de choisir entre deux lignes de lecture, entre ce que l’on voit mais incompréhensible et ce qui ne se laisse pas voir mais compréhensible.

Une autre question sous-jacente dans cette cause fut la présence du tribunal de grande instance en lieu et place du syntagme normatif « Cour de cassation ». A ce propos, la Cour constitutionnelle procède par la judiciarisation du cas inédit. En effet, considérant d’une part, qu’aucune autre juridiction, en cas d’espèce, n’aurait pu régler le différend, chaque partie ayant précédemment eu gain de cause respectivement devant le juge administratif pour la défenderesse et devant le juge judiciaire pour le requérant, la Cour a subsumé le cas unique ; d’autre part, renvoyer les parties pour incompétence de la juridiction n’aurait été qu’un retour à la case départ. C’est cette compréhension qui prévaut dans la régulation, puisque le blocage des pouvoirs publics agit de manière à paralyser les fonctionnements des institutions. Dans pareille hypothèse, la Cour constitutionnelle vaut bien plus que régulateur des institutions et pouvoirs publics, il est considéré comme garant de l’ensemble de l’ordre juridique, de l’équilibre constitutionnels et même gardien des droits fondamentaux.

B. Dans le cadre du règlement des conflits des compétences

Le souci d’éviter l’arbitraire du pouvoir à travers des mécanismes constitutionnels suppose l’existence d’un organe capable de résoudre les conflits institutionnels et de garantir les droits fondamentaux. S’agissant du règlement des conflits des compétences, si la Cour constitutionnelle doit faire usage du pouvoir de régulation, c’est en vue de contribuer, pour une part essentielle, au maintien d’un équilibre dans lequel Montesquieu voyait déjà le fondement de la démocratie.

En effet, le juge constitutionnel est habilité à connaître des conflits des compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, entre l’Etat et les provinces. L’une des missions lui dévolues consistant à faire respecter la séparation de pouvoir, la Cour intervient ainsi pour jouer un rôle régulateur en sanctionnant les empiétements d’un pouvoir sur un autre. C’est avec raison qu’on peut affirmer que la séparation des pouvoirs prend tout son relief et sa signification lorsqu’il existe une cour constitutionnelle chargée de faire observer par chacun d’entre eux les limites de leurs compétences.

Une part importante de l’activité du juge constitutionnel consiste à résoudre des conflits essentiels à l’existence même de l’État, tel est le cas des conflits susceptibles de naitre entre l’État-central et les provinces, comme on le sait, la forme régionalisée de l’État congolais actuel étant issue du compromis politique entre les tenants de l’État fédéral et ceux de l’État unitaire. Dès lors, la Cour est appelée à veiller à ce que ce consensus coulé dans le pacte social demeure en vue de préserver l’équilibre et la stabilité des institutions : ce consensus se traduit pour l’État-central par le principe de l’indivisibilité de la République et pour la province par le principe de la libre administration des provinces. L’on retient, au regard de ce qui précède, qu’en intervenant ainsi, la Cour joue sa partition de régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics, consistant en la lubrification des institutions publiques.

Excellence Monsieur le Président de la République ;

Mesdames et Messieurs ;

II. Cas jurisprudentiel de la lubrification institutionnelle

La régulation poursuit le déblocage des situations susceptibles d’atteindre le fonctionnement régulier de certaines institutions. Elle éloigne le spectre d’une paralysie du processus électoral et fait du juge l’arbitre des situations qui menacent ou tendent à compromettre la stabilité politique, le fonctionnement régulier des institutions politiques et, plus globalement, des pouvoirs publics.

Qualifiée d’être un lubrifiant institutionnel, la régulation consiste pour la Cour constitutionnelle, à intervenir, sur demande, pour, par sa décision et les injonctions qu’elle comporte, faire échec à une situation de paralysie imminente ou réelle d’une ou de plusieurs institutions de la République. Qu’il s’agisse de débloquer la paralysie du fonctionnement de certaines institutions évitant ainsi un vide ou d’éviter la paralysie du processus électoral Institutionnel, par défaut de pourvoir à un poste dont le mandat du titulaire en fonction est arrivé à son terme sans que des dispositions constitutionnelles n’aient expressément prévu le cas de figure-, la Cour constitutionnelle [congolaise] a développé une jurisprudence qui a servi, dans le fonctionnement des institutions en question, de lubrifiant institutionnel.

Cette jurisprudence développée a été provoquée par plusieurs situations, qui ont justifié la recherche d’une solution juridique de lubrification institutionnelle par les acteurs étatiques aux problèmes politiques, justifiant ainsi la présence permanente du juge constitutionnel dans la régulation de la vie politique et du fonctionnement des institutions.

Comme première situation, nous avons le silence de la Constitution.

a. Le silence de la Constitution

Le silence comme on le sait, côtoie indiscutablement le droit. Il s’agit d’un couple en interaction. Le silence saisit le droit à travers les silences du droit. Ces silences, justifiés par plusieurs raisons, sont protéiformes et source d’incertitudes.

Le silence qui nous concerne sur ce point est le silence de la Constitution sur un point de la vie sociale, laissant libre cours à diverses interprétations. Ce silence se traduit par un vide constitutionnel tellement évident qu’il s’est avéré nécessaire de faire intervenir le juge constitutionnel. D’autant plus qu’en définitive « c’est le juge constitutionnel qui fixe les limites de l’interprétation, surtout face au silence de la Constitution.

Dans ce cas, l’interprétation de la Constitution est nécessaire, celle-ci, n’ayant pas une révélation close, n’a pas réglé tous les cas de figure.

Après avoir analysé la question du silence de la Constitution, vérifions à présent dans quels cas ceci a justifié l’intervention du juge constitutionnel congolais dans la vie politique pour empêcher une paralysie institutionnelle :

1. Sous le R.Const.143832

Agissant par le Président du Bureau d’âge, l’Assemblée nationale saisit la Cour constitutionnelle pour solliciter d’elle la prorogation de son mandat et son habilitation à poser des actes de gestion courante pendant cette période. Rappelons que le mandat du Bureau d’âge de l’Assemblée nationale arriva à terme à la fin de la session ordinaire de décembre et ne pouvait être prorogé.

Précédemment, le Bureau définitif fut l’objet de destitution par pétition, celle-ci s’examinant individuellement, restait en examen, la pétition dirigée contre le questeur. En outre, il sollicita de la Cour constitutionnelle l’habilitation à gérer les affaires courantes.

En effet, conformément au droit parlementaire congolais, le régime juridique du Bureau provisoire est prévu par la Constitution aux articles 114 et 116, Complétés utilement par le Règlement intérieur de la Chambre. Ainsi, les missions et compétences du Bureau provisoire ne peuvent excéder celles prévues à l’ordre jour, il dispose en réalité d’une compétence liée ne pouvant permettre ni de proposer une question nouvelle à l’assemblée plénière en vue de l’inscrire à l’ordre du jour, ni de proroger ou convoquer une nouvelle session et, encore moins, gérer les affaires courantes de la Chambre. Or, le Bureau d’âge est arrivé en fin session sans épuiser l’ordre du jour. Que devait-il faire ?

Il s’agit là, d’une hypothèse de suspension des pouvoirs publics non prévue par le droit positif congolais, entrainant des conséquences politiques graves à des degrés variables, en l’occurrence la suspension de la vie de la Nation, l’atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs dont l’Assemblée nationale est une aile dans le législatif, l’autre aile étant le Sénat, la suspension du principe de continuité de l’État, la suspension du principe de la continuité de service public, l’atteinte à l’équilibre du jeu politique qu’elle joue face à l’exécutif.

Au regard de la somme des atteintes ainsi portées à la République, il en découle que l’appareil législatif n’aurait pas pu tout simplement fonctionné, mettant ainsi en mal l’ensemble des pouvoirs publics.

Comme souligné précédemment, la survenance des situations exceptionnelles échappant au Constituant ou au législateur ne saurait échapper aussi au juge. Si le Constituant ou le législateur ne les a pas vus venir, le juge, lui, les voient naître et grandir. Il doit ainsi assumer sa responsabilité de veiller au bon fonctionnement des pouvoirs publics. Qui plus est, la primauté de la juridiction constitutionnelle dans la résolution des conflits organiques ou Inter-organiques de manière générale par rapport à une institution politique relève, outre de la spécificité matérielle d’attribution constitutionnelle, de sa position de tiers dans un conflit sentant la subjectivité inhérente aux questions politiques.

Ainsi, la Cour constitutionnelle devait intervenir dans le cas d’espèce pour éviter à l’État la paralysie de l’ensemble des pouvoirs publics, en prorogeant les missions du Bureau provisoire jusqu’à l’épuisement de vote relatif à l’examen de la pétition ainsi que la nécessité d’accorder au Bureau provisoire les compétences de gestion des affaires courantes, étant entendu que l’Assemblée nationale installée depuis plus d’une année, avait contracté des engagements statutaires tant vis-à-vis des députés nationaux, du personnel administratif que des tiers.

2. Sous le R.Const.262

Sous cet arrêt, il était soumis au juge constitutionnel une situation qui laissait paraître un vide de la Constitution qu’il était censé combler par son interprétation. Il s’agissait de savoir si l’article 70 de la Constitution permettait au Président de la République de rester en fonction après la fin de son mandat si les élections n’étaient pas organisées.

Prenant en compte le silence de la Constitution constaté au regard des faits soumis à son appréciation, le juge a décidé d’apporter définitivement une solution tendant à résoudre le problème politique.

Comme deuxième situation ayant provoqué la régulation, il y a celle du risque de dépassement d’un délai de rigueur imposé par la Constitution et par la loi.

b. Le risque de dépassement d’un délai de riqueur imposé par la Constitution et par la loi.

1. Sous R.Const.037/TSR19

Dans cette cause, la Commission Electorale Indépendante venait d’organiser le premier tour du scrutin présidentiel. Mais butée à un cas de force majeure, elle a fait savoir à la Cour qu’elle était dans l’impossibilité d’organiser le second tour dans le délai de 15 jours tel que prévu par l’article 71 de la Constitution. D’où sa demande de prorogation de délai.

Dans sa requête, elle a rappelé qu’aucune disposition de la Constitution n’avait prévu des mesures à prendre en cas de force majeure qui l’obligerait à proroger les délais d’organisation du scrutin là où le constituant les avait formellement fixés. C’est ainsi qu’elle rappela à la Cour qu’il s’agissait d’une difficulté réelle que celle-ci, en tant que juge constitutionnel, était appelée à résoudre, car elle seule pouvait jouer le rôle de régulation par une jurisprudence constructive. Réagissant, la Cour accéda favorablement à la demande, jouant ainsi son rôle naturel de régulateur de l’activité des pouvoirs publics.

2. Sous R.Const. 1640

Agissant par son Président, l’Assemblée nationale saisit la Cour constitutionnelle aux fins de l’interprétation de l’article 211 de la Constitution, des articles 12 et 53 bis de la loi organique relative à l’organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI); outre cette demande, elle sollicita d’être relevée de la déchéance encourue du fait de la force majeure empêchant l’installation des organes de la CENI par elle dans le délai imparti par la loi.

En effet, l’Assemblée nationale demanda à la Cour constitutionnelle de faire constater les contraintes l’empêchant d’entériner, dans le délai, les membres de la CENI à désigner par différentes composantes, ainsi que son relèvement de la déchéance en lui accordant la possibilité de poursuivre le processus de désignation en cours au-delà du délai fixé par la loi et ce, en statuant dans ce cas en vertu de son pouvoir de régulateur de l’activité des pouvoirs publics.

En tant qu’Institution d’appui à la démocratie, la CENI est appelée à jouer le rôle principal dans l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes et dans la consolidation de l’Etat de droit en République Démocratique du Congo. Ses animateurs sont désignés par les composantes Majorité, Opposition et Société civile pour un mandat de six ans non renouvelables ; cependant quatre-vingt-dix jours au plus, avant l’expiration de mandat des membres de la CENI, le Président de l’Assemblée nationale invita par écrit les composantes concernées à procéder à la désignation de nouveaux membres et dans le délai de quarante-cinq jours ; le Bureau de l’Assemblée Nationale prit toutes les dispositions aux fins de l’installation effective de nouveaux organes de la CENI.

Force fut de constater que le délai ci-haut évoqué n’avait pas pu être respecté, du moins suivant l’interprétation de l’Assemblée nationale, butée à un obstacle de force majeure l’empêchant dès lors de poursuivre le processus d’entérinement des animateurs de la CENI ; cette dernière s’étant trouvée au point mort, elle avait craint que la continuation du processus dans ces circonstances entache la régularité du processus, en rendant celui-ci annulable sur le plan de droit et sujet à des critiques acerbes au plan politique.

Il est manifeste que l’intervention de la Cour constitutionnelle s’interprète, dans pareille circonstance, comme bouée de sauvetage pour la République, par le fait que l’inactivité de l’Assemblée nationale aurait eu pour conséquence, la non tenue des élections dans le délai, entrainant une autre conséquence fâcheuse, celle de la remise en cause de la légitimité de toutes les autres institutions de la République à dimension électorale.

Il sied donc de considérer que la régulation opère en lubrifiant institutionnel, pouvoir clef de la juridiction constitutionnelle dans un environnement institutionnel post-autoritaire, en construction, peu expérimenté, exposée aux caprices et velléités des forces vives de la Nation. C’est ainsi, la Cour dit que l’Assemblée nationale pouvait poursuivre le processus de désignation des animateurs et de l’installation des organes de la CENI. N’eut été cette intervention, il y aurait sans doute du retard dans l’organisation des élections de décembre 2023.

Comme troisième situation ayant demandé l’usage de la régulation, il y a la nécessité de la continuité de l’Etat.

c. La nécessité de la continuité de l’Etat

  1. Sous R.Const.055/TSR34

Sur requête de la Commission Electorale Indépendante, CEI en sigle, la Cour suprême de justice était sollicitée pour se prononcer sur la validité de l’existence de cette institution. En effet, la Constitution de la transition du 04 avril 2003 prévoyait l’existence de quelques institutions d’appui à la démocratie, dont la Commission Electorale Indépendante, devait être dissoute de plein droit après l’adoption de son rapport général sur les dernières élections et, ce, conformément à l’article 39 de la Constitution.

Dans l’entretemps, non seulement que ces élections générales n’ont pas eu lieu durant la période de transition, mais aussi il y a eu l’avènement de la Constitution du 18 février 2006 qui, en son article 222, a disposé que « les institutions d’appui à la démocratie sont dissoutes de plein droit >». L’article 211 de cette Constitution, quant à lui, prévoyait l’existence de la Commission Electorale Nationale Indépendante qui devait succéder à la CEI mais n’avait indiqué aucun mécanisme transitoire de gestion du processus électoral en attendant l’installation effective de la CENI. C’est face à ce véritable problème juridique que le Président de la CEI a sollicité l’intervention du juge constitutionnel.

A ce propos, le juge constitutionnel a, de bon droit, prorogé le mandat de la CEI. Il a justifié son intervention en s’inspirant de l’esprit du constituant, d’appliquer à la CEI le principe de la continuité et de la régularité des services publics, jusqu’à ce que la CENI soit devenue effective. La même justification a été utilisée dans la décision du 31 janvier 2008, sous R.Const.059/TSR.35

  • Sous R.Const.0089

Dans sa décision du 08 septembre 201536, la Cour constitutionnelle était saisie par la CENI afin de se prononcer sur la loi de programmation n°15/004 du 28 février 2015 déterminant les modalités d’installation de nouvelles provinces. Il ressort de cette décision, qu’au-delà des faits relevés par la Commission Electorale Nationale Indépendante, le Gouvernement avait stigmatisé l’anarchie dans laquelle se trouvaient les nouvelles provinces qui n’étaient pas administrées, ce qui frisait la mort de l’Etat préjudiciable à la sécurité et à l’ordre public.

Une fois de plus, nous sommes face à une situation qui a justifié l’intervention du juge constitutionnel afin d’assurer la continuité de l’Etat.

Pour clore sur ce registre, l’on note que les institutions ne demeurent pas toujours là où leur créateur les a placées, elles évoluent. Cela confirme également la thèse selon laquelle « le juge constitutionnel évolue dans un environnement en mutation qui influence son office. En effet, ce juge fait face au dilemme d’assurer le respect rigoureux des textes, au demeurant incertains, et de tenir compte de la dimension politique du litige et des risques de blocage Institutionnel ». C’est ici donc l’occasion d’examiner la question de la Cour constitutionnelle entre droit et politique.

Excellence Monsieur le Président de la République ;

Mesdames et Messieurs ;

III. La Cour constitutionnelle : entre droit et politique

Comme premier point à examiner, il y a celui de l’harmonie inévitable entre le juridique et le politique.

  1. L’harmonie inévitable entre le juridique et le politique

Si l’on admet la définition de Marcel PRELOT selon laquelle le droit constitutionnel ou l’étude de la Constitution << est l’ensemble des règles grâce auxquelles le pouvoir s’établit, s’exerce ou se transmet dans l’Etat, force serait de reconnaitre que dans un État de droit, le juge porte en lui la mission d’assurer l’établissement, l’exercice et la transmission du pouvoir politique.

La Cour constitutionnelle est ainsi à la croisée du droit et la politique, la Constitution par exemple que le juge est chargée de faire respecter est un compromis politique. En effet, la Constitution comme norme juridique n’éclipse pas la Constitution comme instrument politique la constitution est l’un et l’autre, un carcan juridique qui peut muter par l’action politique, mais aussi par l’action du juge constitutionnel.

Ce dernier est souvent conduit à arbitrer entre des valeurs elles-mêmes politiques en interprétant la Constitution, en découvrant des principes qui n’y figurent pas, mais qu’il tire de l’esprit du texte ou qu’il lui prête.

Devenue présente dans le jeu politique, la Cour constitutionnelle est perçue comme le dernier rempart pour une démocratie certaine, ainsi le recours de la minorité parlementaire devant le juge constitutionnel pour contester l’adoption d’un texte de loi s’analyse d’abord comme un recours contre l’abus de la majorité ensuite comme un recours devant un organe juridictionnel. Ainsi, dans l’interaction entre la juridiction constitutionnelle et le fonctionnement du système politique, cette dernière joue son rôle de gardien de la démocratie en appliquant la conformité à la Constitution des actes d’assemblée via la justice constitutionnelle qui corrige les effets d’un régime parlementaire transformé en régime majoritaire et établit un équilibre entre la majorité et l’opposition.

Il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’intervention de la Cour, s’agissant du contrôle de constitutionnalité des actes d’assemblées, consolide la démocratie. En effet, l’annulation de ceux-ci pour violation des droits fondamentaux prouve à suffisance le lien entre droit et politique. Dans cette dernière hypothèse, la présence du juge constitutionnel est une manifestation de la garantie des règles du jeu politique.

Au demeurant, puisque la Cour ne fonctionne pas de manière isolée, en effet, elle entend les objections rythmées d’un scepticisme selon lesquelles l’intervention de la Cour constitutionnelle au moyen de la régulation mêlerait la juridiction aux querelles et aux passions propres au politique, au contrôle d’opportunité des actes ; certains iraient même à craindre que la fonction de régulation puisse faire ressurgir d’embarrassantes questions dont celles relatives non seulement aux rapports entre la politique et le droit mais également, entre le juge et la création du droit.

En effet, la Cour est au nom du droit le guide nécessaire et vigilant de l’inéluctable évolution des sociétés. 41 D’ici ou d’ailleurs, le rapprochement de la juridiction constitutionnelle et les institutions politiques découle de la mission de veille démocratique et de paraclet de la République qu’elle assure. Elle se place en paravent des valeurs composant le compromis politique (la Constitution) face aux incongruités d’application de la Constitution par les pouvoirs publics. C’est ainsi, devant le flou des motifs et effets juridiques rattachables au moyens de contrôle qu’exerce les Assemblées politiques sur le Chef du Gouvernement national ou de l’exécutif provincial par l’usage, parfois frauduleux de la motion de censure ou défiance, il a été jugé que la motion de défiance contre un membre du Gouvernement, fut-il le chef ou un simple membre, n’est recevable que pour sanctionner une faute spécifique individuelle et que toutes les questions relatives au programme ou, plus généralement, à la gestion ne seront passibles que de la motion de censure ; par cet arrêt, loin de tout jugement d’opportunité ou d’appréciation du moyen de contrôle, la Cour a contribué à la réduction des crises politiques qu’engendre le fonctionnement de régime d’assemblée. Rappelons que la valeur protégée par la Cour constitutionnelle in specie casu, c’est la stabilité du Gouvernement national ou provincial.

Outre ce qui précède, il importe de nous exposer autour de l’impact de la régulation de la Cour constitutionnelle sur la vie politique.

  • L’impact de la régulation de la Cour constitutionnelle sur la vie publique

La Cour constitutionnelle joue un rôle clé dans le contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes gouvernementaux, dans la protection des droits fondamentaux, ainsi que dans la préservation des institutions démocratiques. A l’occasion de ses compétences sus-vantées, elle utilise son pouvoir de régulation qui a un impact considérable sur la préservation de l’État de droit et la démocratie, l’encadrement des activités politiques et citoyennes, l’adaptation de la législation et des pratiques gouvernementales aux évolutions sociétales ainsi que sur le renforcement de la confiance et de la légitimité des institutions publiques.

  1. L’impact sur la préservation de l’État de droit et de la démocratie

La Cour constitutionnelle veille à ce que les actes des pouvoirs publics, des institutions et des acteurs politiques soient conformes aux normes constitutionnelles. Cette régulation est essentielle pour assurer la préservation de l’État de droit, qui repose sur le respect des règles juridiques et des principes fondamentaux établis par la Constitution.

La régulation de la vie publique par cette haute juridiction a un impact significatif sur la préservation de l’État de droit et de la démocratie. En effet, en veillant à la conformité des actes des pouvoirs publics aux normes constitutionnelles, la Cour constitutionnelle protège les droits fondamentaux des citoyens, maintient l’équilibre des pouvoirs et renforce la légitimité des institutions démocratiques 43, Son rôle de contrôle de constitutionnalité et d’interprétation des normes constitutionnelles est essentiel pour assurer la stabilité et l’évolution continue du système juridique dans le respect des valeurs de l’Etat de droit et de la démocratie.

  • L’encadrement et la régulation des activités politiques et citoyennes

La régulation des activités politiques et citoyennes est d’une importance primordiale pour garantir le bon fonctionnement d’une démocratie. Elle vise à promouvoir l’égalité des droits, la liberté d’expression, la protection des droits fondamentaux, ainsi que la prévention de l’abus de pouvoir. Dans cette optique, la Cour constitutionnelle joue un rôle central en tant qu’organe Indépendant chargé de préserver et de faire respecter les principes constitutionnels.

La régulation des activités politiques concerne principalement les partis politiques, les élections et la vie politique en général. La Cour constitutionnelle veille à garantir l’égalité d’accès aux élections et la transparence des processus électoraux. Elle examine la loi électorale et veille à ce qu’elle respecte les principes constitutionnels de non-discrimination et d’égalité de traitement.

La réglementation des activités citoyennes se concentre sur la protection des droits fondamentaux des individus et des groupes, ainsi que sur la prévention des abus de pouvoir. La Cour constitutionnelle veille à ce que les lois et les actes des autorités publiques respectent les droits fondamentaux.

Les décisions de la Cour constitutionnelle ont donc un impact sur l’encadrement et la régulation des activités politiques. Elles constituent des précédents juridiques qui guident les actions et les décisions des autres institutions », De plus, elles renforcent la confiance du public dans le système juridictionnel et dans le respect des droits fondamentaux.

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat et Magistrat suprême, avec l’expression de mes hommages répétés ;

Mesdames et Messieurs ;

CONCLUSION

Le rôle de la Cour constitutionnelle s’étend au-delà de l’exigence de garantie constitutionnelle par l’application du rapport dialectique entre la Constitution et les autres textes législatifs ou règlementaires, c’est bien plus que stabiliser la pyramide des règles juridiques. Pour percevoir cet << au-delà », le rappel historique de l’établissement de la juridiction constitutionnelle enseigne que, dans un but de ne plus sombrer dans les ténèbres qui ont envahi les Etats africains francophones pendant la période post-indépendance, les juridictions constitutionnelles autonomes, apparues majoritairement dans la période de transition des années 1990, sont investies, principalement, d’une mission de régulation portant notamment sur des questions de la vacance présidentielle, du fonctionnement des assemblées politiques et de la régularité électorale. Il apparaît de façon indéniable que la juridiction constitutionnelle s’est imposée, au regard de l’équilibre des pouvoirs établi par la Constitution, comme un procédé de concrétisation juridique de ce principe qu’est le « respect de la Constitution ». C’est maintenant clair que le raisonnement constitutionnel se retrouve bien lié à la régulation de conflits tant politiques qu’institutionnels. L’une des leçons à tirer pour l’avenir de la science juridique et de la justice constitutionnelle avant de refermer ce débat est que : < on ne soupçonne pas que les misères de la connaissance juridique et combien, les phénomènes d’ineffectivité de la règle peuvent rendre péril, surtout dans notre société, une observation qui se limiterait au premier rideau du droit et de la justice >>.

S’il n’est encore besoin de le rappeler, l’invocation de la régulation permet de trouver une réponse à la hauteur de l’attente afin que le pays ne sombre pas dans le chaos du fait de l’inachèvement d’un processus dans le fonctionnement des institutions et des pouvoirs publics, dès lors l’invocation de la nécessité de la continuité de ces derniers est l’essence même de la fonction de régulation. L’inaction du juge constitutionnel précipiterait la défaillance de toutes les autres institutions qui s’accompagnera inéluctablement de conséquences imprévisibles sur la stabilité politique du pays et le salut de l’Etat. La vertu de la régulation s’apparente à une forme de sagesse qui consiste précisément à bien juger les affaires humaines dont les particularités ne se laissent pas appréhender par la règle juridique toujours générale ou omise par le constituant.

Que dire de plus ? Car l’essentiel de notre pensée vient d’être dit. Mais lorsque vous aurez tout oublié, retenez au moins ce qui suit : « Quel que soit le degré de sophistication des règles constitutionnelles, elles ne peuvent maîtriser le réel. Le succès d’un certain agencement normatif est donc en vérité le succès d’une certaine application factuelle par rapport à une certaine conception de la réussite, et sa réalisation est toujours une question empirique contingente >>,46 D’où, face au dilemme d’assurer le respect rigoureux des textes, au demeurant incertains, et de tenir compte de la dimension politique du litige et des risques de blocage institutionnel >>, 47 le juge est soumis à une impérieuse nécessité de naviguer entre l’application stricte des textes juridiques et les réalités politiques. Cette position délicate peut parfois le pousser à prendre des décisions audacieuses pour maintenir l’équilibre institutionnel.

Il appartient dès lors au législateur de tenir compte de différentes évolutions jurisprudentielles de la Cour constitutionnelle dans son activité législative, afin de corriger les carences relevées par le juge constitutionnel.

Cette audace, de sa part, est une preuve qu’il exerce aussi une fonction pacificatrice. Il règle un litige, mais n’entend pas raviver les passions. Il n’hésite pas, pour ce faire, à utiliser les techniques éprouvées du contentieux constitutionnel. Des interprétations conciliantes, conformes ou réservées contribuent notamment à ne pas prononcer des annulations inutiles >>. 48 Mais en sus de cette fonction pacificatrice, son audace démontre qu’il exerce encore la fonction prémonitoire. Il prépare la confection de la loi. En dégageant une interprétation quelconque ou en prenant position sur une question nouvelle non prise en compte par le constituant ou le législateur, il incite le législateur à faire œuvre normative et à faire perdre toute importance à l’arrêt qui aura fait figure de précurseur.

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Magistrat suprême

(Avec l’expression de mes hommages les plus déférents) :

Honorable Président de l’Assemblée nationale ;

Honorable Président du Sénat ;

Madame la Première ministre, Cheffe du Gouvernement ;

Madame et Messieurs les membres du Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature et Honorés collègues ;

Honorables Députés nationaux et Sénateurs ;

Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;

Mesdames et Messieurs les juges à la Cour constitutionnelle, chers collègues ;

Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats ;

Mesdames et Messieurs les membres du Corps diplomatique et les Représentants des Organisations Internationales ;

Mesdames et Messieurs les Présidents des Institutions d’Appui à la Démocratie

Monsieur le Chef d’état-major général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo ;

Monsieur le Commissaire général de la Police Nationale Congolaise ;

Mesdames et Messieurs les Représentants des Confessions religieuses ;

Mesdames et Messieurs les Magistrats civils et militaires ;

Monsieur le Bâtonnier National ;

Monsieur le Gouverneur de la Ville de Kinshasa ;

Monsieur le Commissaire Provincial de la Police Nationale Congolaise, Ville de Kinshasa ;

Monsieur le Bourgmestre de la Commune de Lingwala ;

Mesdames et Messieurs les Avocats ;

Mesdames et Messieurs les membres du personnel de l’ordre judiciaire;

Mesdames et Messieurs, distingués invités, en vos titres et qualités respectifs

C’est donc l’occasion de rappeler aux législateurs, de prendre en compte les différentes évolutions jurisprudentielles de la Cour dans son activité de confectionner les lois, pour nous permettre de ne pas recourir à notre pouvoir normatif de manière prononcée.

Que vive la République Démocratique du Congo !

Que vive le Pouvoir judiciaire !

Que vive la Cour constitutionnelle !

Je déclare ouverte l’année judiciaire de la Cour constitutionnelle pour l’exercice 2025-2026.

Je vous remercie.

Fait à Kinshasa, le 18 octobre 2025.

Dieudonné KAMULETA BADIBANGA

Président de la Cour constitutionnelle et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature

You may also like

Laissez un commentaire

Quotidien d'Actions pour la Démocratie et le Développement

Editeur - Directeur Général

 +243818135157

 +243999915179

ngoyimarcel@ymail.com

@2022 – All Right Reserved. La Prospérité | Site developpé par wetuKONNECT