(Par Jean-Baptiste Malu, co-fondateur de l’APIC – Pasteurs Artisan pour un Congo nouveau, et éveilleur de consciences). L’APIC est basé à Chicago (USA).
La République Démocratique du Congo n’est pas condamnée à l’échec. Malgré les crises politiques, morales et économiques qui l’assaillent, elle conserve en elle les germes d’une renaissance. Mais pour se relever, notre pays doit d’abord avoir le courage de regarder ses faiblesses en face — et de s’en servir comme point de départ pour rebâtir une nation solide, juste et prospère.
Prof. André N. Mbongo, porte-parole de l’Alliance des Patriotes Intellectuels et Chrétiens (APIC), affirmait récemment : « Que l’on se trompe ou non, tout est à refaire en République Démocratique du Congo. »
Je voudrais prolonger cette réflexion avec une question centrale : comment reconstruire la RDC à partir de ses propres failles ?
La République Démocratique du Congo traverse une crise profonde. Partout, la lassitude se lit sur les visages. Le peuple doute, les institutions vacillent, la corruption ronge la société. Pourtant, au cœur même de cette fragilité, je vois une promesse : celle d’un pays qui peut renaître.
C’est dans nos faiblesses que se cachent aussi les germes de notre relèvement. Ce n’est pas en fuyant nos échecs, mais en les affrontant, que nous pourrons rebâtir la nation.
1. Sortir du gouffre et refonder l’État
Le premier chantier est celui de l’État lui-même. L’administration congolaise, minée par le clientélisme, n’assure plus sa mission : servir le citoyen. Nous avons un pays immense, riche, talentueux, mais sans État véritable.
Refonder l’État, c’est lui rendre sa raison d’être : protéger, encadrer, garantir la justice et le bien commun.
Je propose qu’une Conférence nationale de refondation soit convoquée. Elle rassemblerait des représentants de toutes les provinces, de la société civile, des églises, de la jeunesse et de la diaspora. Ensemble, nous devons redéfinir les fondations morales et institutionnelles du Congo.
Cette refondation implique une justice indépendante, une administration professionnelle et une tolérance zéro envers la corruption. Sans justice, il n’y a pas de paix ; sans intégrité, il n’y a pas de progrès.
2. La médiocratie, maladie mortelle du Congo
L’un de nos maux les plus profonds s’appelle la médiocratie : cette culture qui récompense la loyauté politique plutôt que la compétence, l’appartenance plutôt que le mérite.
Nous devons oser rompre avec cette logique destructrice. Les postes publics doivent être attribués sur la base de compétitions transparentes. Les meilleurs doivent servir le pays, pas ceux qui crient le plus fort ou flattent le plus le pouvoir.
Je rêve d’une Académie nationale de gouvernance, où les futurs cadres seraient formés dans l’amour du pays, le sens du service public et la rigueur morale. Le Congo ne manque pas d’intelligence ; il manque de discipline, de méthode et de courage moral.
3. La corruption : fléau à éradiquer, pas à gérer
La corruption n’est pas une fatalité congolaise ; c’est une habitude que nous pouvons briser. Il faut passer du discours à l’action.
Je plaide pour la création d’une Autorité nationale indépendante de lutte contre la corruption, dotée de vrais moyens d’enquête et de poursuite. Tous les contrats miniers et marchés publics doivent être rendus publics. Les lanceurs d’alerte doivent être protégés.
Mais au-delà des structures, c’est le comportement individuel qui doit changer. Refusons la petite corruption quotidienne : le billet glissé au guichet, la faveur échangée entre amis. Chacun de ces gestes est une pierre jetée contre la maison commune.
Une vaste campagne nationale – « Tolérance zéro : le Congo sans corruption » – devrait mobiliser les écoles, les églises, les médias et les artistes. C’est ensemble que nous ferons basculer la culture.
4. Retrouver l’unité nationale
Le tribalisme, les divisions identitaires et la méfiance entre Congolais nous ont fait perdre l’essentiel : la conscience d’un destin commun.
L’unité nationale ne peut être décrétée ; elle doit être vécue. Elle suppose un travail de mémoire et une réconciliation sincère. Nous devons oser parler de nos blessures, reconnaître les injustices passées, et bâtir une histoire nationale inclusive.
Je propose la création d’un Fonds pour la cohésion nationale, destiné à réduire les inégalités entre provinces et à financer les projets interrégionaux. L’unité passe aussi par le développement équitable.
Nos médias, nos écoles et nos églises ont un rôle à jouer pour restaurer la fraternité. La diversité du Congo n’est pas un obstacle : c’est notre plus grande richesse.
5. L’éducation, colonne vertébrale de la reconstruction
On ne bâtit pas un pays sans école. L’éducation congolaise est malade : salles de classe surchargées, enseignants mal payés, diplômes sans valeur réelle.
Nous devons en faire une priorité nationale.
- La gratuité de l’enseignement primaire doit être effective et contrôlée.
- Les enseignants doivent recevoir une formation continue et un salaire digne.
- Les établissements techniques et agricoles doivent être réhabilités pour lier l’école au développement local.
Je plaide aussi pour un service civique national, ouvert à tous les jeunes, afin qu’ils participent à des projets communautaires dans la santé, l’environnement, ou l’éducation. C’est en servant la nation qu’on apprend à l’aimer.
6. Reprendre le contrôle de notre économie
Notre pays regorge de richesses naturelles, mais la pauvreté demeure. Pourquoi ? Parce que nous avons abandonné nos ressources à des intérêts étrangers, sans stratégie nationale.
Le temps est venu de renégocier les contrats miniers, d’exiger la transformation locale des minerais et d’investir dans la formation technique de nos jeunes.
L’agriculture doit redevenir la base de notre économie. Aucun peuple ne peut manger des promesses, ni exporter sa faim.
Nous devons aussi moderniser nos routes, notre énergie, notre numérique ; non pour suivre la mode, mais pour connecter le pays à lui-même. Le développement des infrastructures est un acte de souveraineté.
Enfin, l’État doit soutenir les petites et moyennes entreprises congolaises, ces artisans du quotidien qui créent l’emploi réel.
7. Une renaissance morale et spirituelle
Derrière la crise politique et économique, il y a une crise morale. Nous avons perdu le sens du bien commun. La parole donnée n’a plus de poids, le mensonge est toléré, la tricherie est banalisée.
Aucune réforme ne tiendra sans une renaissance intérieure.
Nos églises doivent redevenir des phares de vérité et non des refuges de compromis. Elles doivent former les consciences, dénoncer l’injustice et soutenir les plus vulnérables.
Nous avons besoin d’un réveil éthique national :
- Dire non à la corruption, même quand elle semble « nécessaire ».
- Dire oui à la vérité, même quand elle dérange.
- Dire oui à la justice, même quand elle coûte.
C’est ainsi que naîtra le nouveau Congo : d’hommes et de femmes qui choisissent la droiture plutôt que la facilité.
8. Chacun a un rôle à jouer
Reconstruire la RDC n’est pas l’affaire d’un seul homme ni d’un seul parti. C’est l’œuvre d’un peuple éveillé. Chaque Congolais peut devenir un artisan de renouveau : le fonctionnaire honnête, l’enseignant consciencieux, le jeune entrepreneur, le pasteur intègre.
Nous devons cesser d’attendre un « sauveur ». Le salut viendra du peuple, quand chacun décidera de servir le pays, avant de se servir lui-même.
Je crois profondément que le Seigneur Jésus-Christ n’a pas abandonné le Congo. Il nous appelle à relever la tête, à pardonner, à travailler ensemble.
Conclusion : tout est à refaire, donc tout est possible
Oui, tout est à refaire : nos institutions, notre économie, notre éducation, notre rapport à la vérité. Mais c’est aussi une chance ou une opportunité : celle de rebâtir sur des bases neuves, solides et justes.
L’histoire du monde nous enseigne que les nations les plus fortes sont souvent celles qui ont su renaître de leurs ruines.
À nous, Congolais, de choisir : subir encore ou reconstruire enfin. Je choisis l’espérance, la responsabilité et l’action.
Et j’invite chaque citoyen à faire de même.
Tout est à refaire, mais tout reste possible. À condition que nous osions nous réinventer, ensemble. Mettons-nous au travail.
Jean-Baptiste Malu
(APIC/France)