La COP30 s’est officiellement ouverte ce lundi à Belém au Brésil. L’Église de la République démocratique du Congo a envoyé une délégation de quatre personnes, déterminées à faire réagir la communauté internationale sur la situation à l’Est du pays, meurtri par l’extraction illicite de ses ressources minières. Entretien avec Jeanne-Marie Abanda, secrétaire exécutive de la Commission épiscopale pour les ressources naturelles de la CENCO.
Les voix des Églises d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine se feront entendre cette semaine à Belém, chacune portée par le président des conférences épiscopales de sa région: le cardinal Jaime Spengler, président du Conseil épiscopal latino-américain et caribéen (CELAM), le cardinal Filipe Neri Ferrão, président de la président de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC) et le cardinal Fridolin Ambongo Besungu, président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM). Porte-voix de l’ensemble du continent africain, l’archevêque de Kinshasa mènera également la délégation épiscopale de la République démocratique du Congo, composée de quatre représentants et déterminée à faire entendre à la communauté internationale ses vœux de paix pour l’Est du pays. La lutte pour les ressources minières dont regorgent la région est au cœur de la guerre qui opposent l’armée congolaise aux groupes rebelles du M23. Ses minerais, en particulier le cuivre et le cobalt, sont des matières premières indispensables à la fabrication de batteries électriques, et ainsi prisés par le monde entier. Mais leurs extractions illicites entrainent de graves violations des droits humains et des dégâts environnementaux majeurs. «Des minerais de sang» déplore Jeanne-Marie Abanda, secrétaire exécutive de la Commission épiscopale pour les ressources naturelles de la CENCO, et membre de la délégation envoyée par l’Église congolaise à Belém. Au micro de Radio Vatican – Vatican News, elle se fait l’écho du message adressé par le Pape Léon XIV aux participants à la COP30, lu par le cardinal Parolin lors du sommet des dirigeants le 7 novembre dernier, «si tu veux construire la paix, protège la Création». Entretien.
Lors du sommet des dirigeants, le président Félix Tshisekedi a dénoncé dans son discours «la guerre écologique» en cours dans son pays, dans l’indifférence de la communauté internationale. La crise à l’Est du pays est tombée dans l’oubli?
Aujourd’hui, la RDC est victime de ses richesses et le monde entier veut les exploiter au détriment du peuple congolais. Et ainsi, tel est aujourd’hui notre cri: «arrêtez de piller nos ressources sans tenir compte des habitants de ce pays». Nous subissons une guerre injuste, une guerre que nous appelons la guerre des minerais. Ils sont devenus des minerais de sang, car on arme les pays voisins pour nous attaquer et ensuite, prendre nos minerais. Tous les téléphones que nous tenons dans nos mains contiennent le sang des Congolais, car c’est le coltan des Congolais qui permet de faire des téléphones. Aujourd’hui, nous devons aller vers une transition écologique avec des énergies renouvelables. Nous disposons de minerais essentiels pour le développement des technologies d’énergie renouvelable, mais nous en sommes privés, et on nous impose la guerre. Pour cette raison, dans des cadres comme celui de la COP, nous voulons vraiment que l’opinion internationale puisse comprendre que les Congolais ont besoin de paix. Les Congolais peuvent leur vendre des minerais par des voies normales. Ils n’ont pas à nous tuer pour prendre nos minerais.
Le bassin du Congo regorge de ressources naturelles, mais les méthodes actuelles d’extraction et les volumes extraits menacent l’avenir de la région. Comment parvenir à une gestion durable de ces ressources?
Il faut mettre en place des moyens qui permettent aux peuples eux-mêmes de protéger leurs ressources. Les communautés locales, les peuples autochtones, ont toujours bien préservé les ressources. Ce sont les hommes du XXIᵉ siècle, nous et nos technologies avancées, qui avons vidé les sols en faisant de l’extraction industrielle. Donc, il faut associer les communautés locales à la gestion des ressources naturelles et mettre en place des méthodes transparentes d’exploitation. Il faut qu’il y ait un marché équitable. Ce qui revient à dire: «moi, je te fournis mon produit ; toi, tu apportes des investissements financiers et on échange», et non «tu viens chez moi, tu t’installes avec tes lois et tu prends mes biens et tu pars». Il faut également que le governement impose des négociations justes. Il ne doit pas y avoir des contreparties sans égalité des chances.
Préserver nos ressources, nos forêts, nos cours d’eau et nos minerais, et non les épuiser, est une obligation. C’est une mission que nous avons eue de Dieu. Il a créé ces ressources, il les a mises à la disposition de l’homme. L’homme ne doit pas détruire, mais les préserver, en les gérant de manière rationnelle et en pensant aux générations futures.
Comment mettre en œuvre ces priorités environnementales alors que la guerre est en cours à l’Est de la RDC?
Nous ne saurons pas faire grand-chose tant qu’on reste un pays divisé. La RDC a besoin de paix pour se reconstruire, travailler à la protection de la planète, redonner de l’espérance à sa population et au-delà. Nous sommes au cœur de l’Afrique, mais aussi au cœur du monde avec le bassin du Congo (Ndlr, deuxième plus grande forêt tropicale de la planète). Il faut ainsi rechercher la paix et trouver des appuis financiers et techniques de la part de partenaires qui travaillent à nos côtés, et qui font défaut aujourd’hui.
L’Église catholique du Congo est selon moi un acteur incontournable, car nous vivons avec le peuple et nous avons une capacité d’agir par capillarité avec 48 diocèses sur l’ensemble du territoire, soit d’une superficie de 2 345 410 km². Nous avons des actions à mener et elles pourraient apporter un changement rapide, mais nous n’avons pas de moyens financiers. Ainsi nous travaillons aux compte-gouttes, alors que nous avons des programmes de grande envergure, des actions qui doivent entraîner aussi bien le gouvernement à prendre ses responsabilités mais aussi les communautés à se prendre en charge. Cela permettrait de développer un bon partenariat avec les multinationales qui doivent travailler avec nous, mais au régime où nous sommes, les acteurs étrangers vont continuer à dire que la RDC est dans l’incapacité de gérer ses ressources et venir prendre nos minerais en nous pillant.
Quelles sont donc vos attentes et vos priorités pour cette COP30?
La COP 30 est une opportunité pour faire entendre le cri du peuple congolais, pour faire entendre les cris des communautés locales et des peuples autochtones qui n’ont plus d’espace dans leur propre planète. Quand nous conversons sans tenir compte des membres de ces communautés-là, sans une justice écologique, sans l’agriculture écologique, sans les activités alternatives, le peuple devient victime. Et pour nous, cette COP est un espace où nous devons dire que nous nous préservons nos ressources. Mais aidez-nous à accéder au développement et au bien être!
Vatican News