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Relations raciales post-apartheid à travers l’histoire des deux condamnés à mort sud-africains.

Par La Prospérité
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(Par Patience Kabamba)

En préambule, le MDW souhaite rendre hommage à Keith Hart, récemment décédé. Keith Hart, professeur émérite de Cambridge, fut l’un des premiers anthropologues à résider dans une banlieue d’Accra, en tant qu’étudiant-chercheur aux ressources limitées, subvenant à ses besoins par son travail au sein de la communauté dont il s’efforçait de comprendre le mode de vie. La problématique persistante résidait dans l’incompréhension, par les populations, des raisons pour lesquelles le prix de leurs produits agricoles demeurait stagnant et était tributaire de décisions prises sur un marché mondial dont ils appréhendaient mal les mécanismes. Keith figure parmi les premiers chercheurs à employer l’expression « d’économie informelle », qui sera adoptée ultérieurement par l’Organisation internationale du travail (OIT).

Keith Hart etait une personne de mérite et un investigateur infatigable de la vérité. Son décès nous privera de ses perspicacités intellectuelles et humaines. Keith possédait une résidence à Paris et à Durban, en Afrique du Sud. Nos trajectoires intellectuelles se sont recoupées à ce stade. Keith a suscité mon intérêt pour une collaboration sur son projet en Afrique du Sud alors que je partais a Edinburg pour donner une conference sur le Congo.  Je voudrais ici lui rendre un hommage respectueux et  reconnaître en sa personne un dévouement envers autrui, objectif de vie des plus nobles selon Saint Ignace de Loyola, fondateur de la Compagnie de Jésus.

En hommage à Keith Hart, le Mot du Weekend (MDW) d’aujourd’hui abordera la question des relations interraciales dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Les lecteurs assidus du MDW se rappelleront vraisemblablement que nous accordons une priorité à l’économie politique par rapport aux politiques identitaires. Néanmoins, dans le contexte sud-africain, ces deux aspects sont intrinsèquement liés. En effet, le capitalisme sud-africain se caractérise par une dimension raciale intrinsèque. L’accumulation de capital en Afrique du Sud est inextricablement liée à des considérations raciales. En 1948, l’Afrique du Sud a effectivement officialisé des siècles d’occupation coloniale et de politique raciale, tout en attirant des investissements internationaux, partant du principe qu’une croissance économique serait la seule voie susceptible de réconcilier le pays, selon l’opinion alors prévalente. En Afrique du Sud, les relations sociales sont mystifiées et présentées sous la forme de relations « raciales ». La lutte des classes se trouve en symbiose avec la lutte des races. En Afrique du Sud, la race constitue en effet la manifestation concrète de la classe sociale. Contrairement à l’opinion selon laquelle la croissance économique constituerait à elle seule un facteur de réconciliation en Afrique du Sud, Marx considérait que l’éradication du système capitaliste racial représentait le véritable remède aux maux du capitalisme. Il est regrettable de constater que, à l’instar de l’Allemagne de Bernstein au début du XXe siècle, la prospérité observée au sein des démocraties capitalistes contemporaines tend à occulter l’imbrication entre la race et le capital. En réalité, au-delà d’un simple mode de production, le capitalisme se manifeste comme un mode de pensée, un état d’esprit et une rationalité spécifique, intrinsèquement liés à la satisfaction d’une quête incessante de profit. Le profit est érigé en tant qu’horizon indépassable de l’activité humaine. De surcroît, les relations humaines en subissent inéluctablement les conséquences.

Les relations interraciales en Afrique du Sud continuent d’évoluer lentement, suite à plus d’un siècle d’histoire. Ainsi qu’il ressort du titre de ce MDW, l’anecdote relatant le destin de deux condamnés à mort de races différentes à Johannesburg permet une meilleure compréhension des relations interraciales en Afrique du Sud après l’apartheid. Deux condamnés à mort, un Blanc et un Noir, incarcérés à l’Old Fort Prison Complex (parfois surnommé « Robben Island de Johannesburg »), la principale prison de Johannesburg, devraient être exécutés. Le prisonnier de race blanche fut le premier à entrer dans la salle d’exécution. L’officier responsable lui soumit un choix définitif entre l’exécution par chaise électrique ou par garrot. Le détenu a opté pour l’exécution par chaise électrique. Elle est installée sur la chaise, et lors de la mise sous tension, un défaut est constaté. La chaise était hors d’usage. L’officier a déclaré au prisonnier : « Vous avez de la chance. » Il vous est possible de quitter les lieux, votre excursion est reportée *sine die*. Le prisonnier de race blanche, visiblement surpris et empli de joie, quitta le lieu d’exécution. Il croise, sur son parcours, le prisonnier noir qui devait également être exécuté ce jour-là et qui se dirigeait vers la salle d’exécution. Le détenu de race blanche, ayant miraculeusement survécu à une tentative d’exécution par électrocution suite à la défaillance du dispositif, conseilla à son codétenu de race noire, sur le point d’être conduit à la salle d’exécution : « N’opte point pour la chaise électrique notoire, mais privilégie la strangulation ! ».

Les relations interraciales en Afrique du Sud demeurent empreintes de sarcasme, de ressentiment et de sadisme. Le processus de transformation s’avère particulièrement long. Keith Hart a contribué à leur humanisation. Puisse la terre natale de nos ancêtres lui être douce et légère !

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