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Innoss’B, héros de l’AfroCongo

Par admin
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Né à Goma, en RDC, Innoss’B a remporté, à 13 ans, un télé-crochet national, « Super Star » Vodacom, avant de peaufiner son style, un mélange de musiques congolaises urbaines, de r’n’b, de drill… En témoigne son tube ravageur, Yo Pe. Rencontre avec cet ex-enfant star, lors du Femua d’Abidjan, en mai dernier.

Contagieux et languide, comme un virus qui colle au cerveau et aux hanches, pour ne plus jamais les lâcher, le refrain synthétique de son tube Yo Pe – 200 millions de vues YouTube grâce au remix de la star tanzanienne Diamond Platnumz – plane comme une épidémie dangereuse sur la foule du Femua, à Abidjan, du 10 au 15 mai dernier. Pour couronner le tout, son déhanché, veste relevée pour laisser toute latitude à son postérieur de s’exprimer, se révèle redoutable.

La grande scène du festival de Magic System, il la maîtrise superbement, du haut de ses 25 ans et de sa fragile silhouette. Cheveux peroxydés, lunettes fumées, épaisse chaîne argentée autour du cou, pantalon bleu roi et veste à paillettes, le Congolais Innoss’ B, rappelle de loin, dans sa gestion de l’équilibre funambule et de ses chorégraphies, son idole Michael Jackson. Et puis,  il y a, dans son show, cet ingrédient essentiel, l’humour, lorsqu’il reprend son imparable hit, Naomi Campbell, singeant, asymétrique, une top model bancale…

La veille, nous l’avions rencontré au bord de la piscine d’un hôtel abidjanais. Dans le civil, le jeune chanteur-danseur, accompagné par son grand frère dans le rôle du manager, paraît encore davantage osciller sur cette ligne de crête entre l’enfance et l’âge adulte.

La joie dans le ghetto

Tout commence à Goma, localité de deux millions d’habitants, à l’est de la République Démocratique du Congo, dans le Nord-Kivu, commune coincée entre le Nyiragongo, l’un des plus grands volcans actifs au monde et le Kivu, immense lac africain. Innocent Didace Balume pousse ici, dans un « un coin très ghetto, le premier quartier à l’entrée de la ville depuis l’aéroport« , un paysage de routes en terre battue, hérissé de maisons de bois et de boue. Benjamin d’une fratrie de six enfants, il grandit dans la joie : « À l’école, raconte-t-il, j’étais dans les cinq premiers. J’aimais fréquenter mes camarades… Et j’adorais le théâtre, jouer la comédie, les sketchs qu’on apprenait pour les fêtes de fin d’année…« 

Surtout, ce fils d’une chanteuse d’église et d’un père danseur (« enfin, à ce qu’il paraît, on ne l’a jamais vu danser, puisqu’il a reçu une balle dans le genou« , dit-il) aime se plonger âme et corps dans la musique. En culottes courtes, il chante comme il respire. Ses premières vocalises, il les pousse à l’église, son école, son studio de répétition… tandis qu’à la maison, ça groove aussi ! Notamment grâce à sa grand-mère, qui n’hésite pas à emboîter les pas de danse des enfants ou à entonner avec eux les refrains de stars mondiales. « Elle essayait de s’intégrer dans nos univers, décrit-il. Elle improvisait des petits vocaux, comme le gimmick ‘hé, hé, hé, hé, hééééé !’, que j’ai intégré dans Yo Pe… Je lui dois mes millions de vues ! » Comme les Jackson 5, il monte, avec ses frères, les Balume 4 : « Lors de nos concerts dans les rues du ghetto, on créait des émeutes !« 

Enfant star

Tout décolle lorsqu’il participe au télé-crochet national « Super Star », la « Star Ac » congolaise, organisé par le principal opérateur téléphonique du pays, Vodacom. Grâce à ses reprises virtuoses et sensibles de Michael Jackson (Don’t Stop ‘til You Get EnoughThe Way You Make Me Feel…) et de Lokua Kanza, il remporte le suffrage du public. À la clé ? 25 000 dollars et une collaboration avec le chanteur de r’n’b américain d’origine sénégalaise, Akon, son mentor. De cette époque, subsistent des vidéos du petit Innoss’ sur scène, 13 ans, avec sa maîtrise de la danse, du rythme et du chant époustouflante. Et aussi des interviews toutes dents dehors, regard brillant, où son amour fou de la musique transpire par tous ses pores.  

Pourtant, l’enfant star refuse de se laisser griser par l’ivresse des sommets. Il lui faut le temps, sans trop s’agiter, de se « redécouvrir, se redéfinir« , et aussi de peaufiner son style, l’afrocongo : un cocktail de musique congolaise, d’afrobeat, de RnB, de hip hop, de drill, d’amapiano, chanté en swahili, en lingala, en français et en anglais…

Autour de lui, son équipe s’organise en rangs serrés : une petite « entreprise » où son frère aîné occupe le poste de manager, deux autres ceux de compositeur et de réalisateur … « On doit garder l’argent en famille« , s’esclaffe-t-il. Très vite, il travaille avec des noms prestigieux, Damso ou Koffi Olomide. Et son tube Yo Pe (« toi aussi » en lingala) devient une bombe virale, qui suscite un « yo pe challenge », et des contests de danse, dans le monde entier sur les réseaux sociaux. 

Engagements

De cette notoriété, Innoss’B profite pour venir en aide à son pays. Sur l’instabilité de sa région, le Nord-Kivu, ravagé par un conflit depuis 2004, il ne mâche pas ses mots : « La guerre doit cesser. Nous souhaitons tous un changement. Il faut que les dirigeants nous entendent… Il est désormais urgent de pointer les côtés positifs de l’Afrique, et non cette pauvreté et ces conflits qui nous collent à la peau… Musicalement, toute la planète a les yeux rivés vers nous !« 

De même, avec son association sans but lucratif Innocent Foundation, le jeune homme a secouru les sinistrés de l’éruption volcanique de 2021. Ainsi, il a construit dix maisons sur la rue Kalesha, quartier lac Vert de Goma, pour reloger les victimes. Innoss’B, mâture, au seuil d’une longue carrière, tout en refrains efficaces et en chorégraphies addictives, n’oublie décidément pas la terre qui l’a vu naître…

(Innoss’B Mortel-06 (M Soul Records) avec Rfi)

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