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Le fétichisme de la marchandise et son secret

Par La Prospérité
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(Par le Prof. Patience Kabamba)

A  la section 4 du premier chapitre du premier livre du Capital, Karl Marx a un texte intitulé « Le fétichisme de la marchandise et son secret ». A mon humble avis, c’est le cœur même du premier livre du Capital. Il y a eu des chercheurs qui ont demandé aux lecteurs de Marx d’ignorer cette section. En effet, Althusser, le philosophe marxiste le plus célèbre de sa génération, demandait à ses étudiants de sauter cette partie du texte. Très étonnant ! Comme quoi même des personnes que l’on considère extrêmement intelligentes peuvent être victimes de contre-sens. Lorsqu’on passe à côté de ce qui fait le cœur d’un livre, en l’occurrence le Capital, on perd tout ce qu’il comporte de fondamental. Il y a eu beaucoup de contre-sens du Capital de Karl Marx, et ce livre est malheureusement plus cité que lu. Pourquoi dans un livre qui parle de la production, de la circulation et de la combinaison des deux, le capital, pouvons-nous dire que la partie sur le fétichisme de la marchandise constitue l’essentiel ? En effet, le fétichisme de la marchandise se retrouve dans tout l’œuvre de Karl Marx. Il n’est pas que dans les différents tomes du Capital, il se retrouve dans les autres ouvrages de Marx, tel que le Manuscrit de 1844. Mais, qu’est-ce que le fétichisme de la marchandise ?

Procédons par les définitions simples des mots

Le fétiche est défini par les sociologues comme un report de l’affectivité sur un objet unique et symbolique en lui attribuant une efficacité supérieure à la sienne sur la réalité. L’exemple que l’on donne souvent, c’est l’attrait fétichiste des hommes pour les chaussures des femmes. Il y a des hommes qui sont plus excités par les chaussures des femmes que par les femmes elles-mêmes. Les chaussures deviennent un fétiche plus attrayant que les personnes humaines. Lorsque les chaussures des femmes remplacent carrément la femme, il n’y plus de relations humaines saines avec la femme. 

Marx explique que le fétichisme dont il est question n’a rien à avoir avec les chaussures des femmes, mais avec ce qu’il appelle la marchandise.

Est appelée marchandise, chez Marx, tout produit qui répond au besoin de la société, tout ce qui est utile à l’être humain d’une part et d’autre part, tout objet d’un échange qui donne au travail qui l’a produit  un  caractère social validant. Le travail échangé, dira J.M. Harribey, abandonne ses caractéristiques concrètes (celles du paysan, maçon, ou dactylographe) pour devenir une fraction du travail de la société abstraction faite de ses particularités pour pouvoir être le dénominateur commun à toutes les marchandises. Pour Marx, le travail est abstrait parce qu’il prend la forme de la valeur, plus précisément de l’argent. La valeur d’échange est le rapport quantitatif dans lequel deux marchandises s’échangent.

En effet, pour Marx, le produit du travail de l’homme devient une marchandise. Derrière la table que l’on échange dans un troc avec un régime de banane, il y a le travail de l’homme.

Et, lorsqu’on échange la table avec de l’argent, il devient difficile d’imaginer l’effort humain.  Derrière le rapport quantitatif entre les choses, il y a des grands efforts humains qui se sont déployés. Le fétiche consiste à faire oublier le travail de l‘homme pour ne considérer que la marchandise présente.

C’est cela le fétiche. Lorsqu’on rencontre un homme ou une femme d’une bonne éducation, le fétiche nous ment que cet homme a acquis cela par ses propres efforts tout en oubliant les parents qui se sont sacrifiés jour et nuit pour que leur progéniture devienne importante dans la société.

Le fétichisme de la marchandise est le fait de réduire les relations humaines à des échanges quantitatifs d’objets.

On oublie que ce sont des humains qui ont produit ces objets, surtout lorsqu’on les a achetés avec de l’argent, une abstraction pure. Lorsque nous portons un joli pantalon ou une belle robe, nous pensons immédiatement que c’est notre argent qui nous a permis de nous procurer cet objet. Jamais on ne pense aux rapports humains à la base de cette production. 

En fait, dans nos sociétés où les échanges semblent s’opérer entre le possesseur de l’argent et le vendeur, on imagine difficilement l’exploitation des humains qui a eu lieu pour que cet objet soit produit. Les usagers des téléphones mobiles n’imaginent pas les viols et les brutalités que subissent les Congolaises dans la région où se trouve le minerai de coltan indispensable dans l’iPhone. Lorsqu’on a dépensé 1300 $ pour s’acheter un iPhone 15 Pro Max, il est difficile d’imaginer que cette marchandise qu‘on a entre les mains provient des services mortels que l’on a fait subir aux Congolais qui habitent la région détenant les minerais utiles à cette production.

Au cœur du fétichisme de la marchandise, il y a une objectification réifiant des rapports entre les hommes. La réification signifie que des sujets humains deviennent des choses. Cela ne s’arrête pas là. Les choses deviennent aussi des sujets. 

Je voudrai rappeler que chez Marx, la valeur a trois significations : la valeur d’usage, immédiatement utile à la société ; la valeur marchande ou valeur d’échange (échanges entre des marchandises corrélées les unes aux autres) ; enfin valeur tout court, qui est le rapport social de production responsable des valeurs d’usage et de valeurs marchandes.

Pour ceux qui lisent attentivement le Capital, il est considéré comme une phénoménologie de la valeur ; la valeur prend des formes différentes, de la marchandise jusqu’aux formes complexes, jusqu’à la spéculation. L’enchainement de ces formes répond à une logique, celle de l’autonomisation de la valeur. Un mouvement d’abstraction grandissante, le capital se détache de plus en plus de son contenu social pour devenir une abstraction en acte, abstraction concrète.

Cette abstraction se double d’une opacité grandissante des rapports sociaux. L’abstraction rend de moins en moins compréhensible les rapports sociaux. Le fétichisme est à la fois le résultat et la condition de cette autonomisation progressive de la valeur, et l’opacification de la valeur.  Le fétichisme est aussi la condition d’autonomisation progressive de la valeur.

La section 4 du livre 1 du Capital montre la supercherie du capitalisme. Le profit apparait comme le simple excèdent de la valeur.

Cependant, la nature du profit, son caractère du travail social non payé disparait. C’est tout le capital avancé qui semble le père unique du profit. J’ai deux travailleurs dans mon salon de coiffure et je gagne chaque mois 500$ de bénéfices par rapport au capital que j’y ai mis.

Mais, on oublie que ce sont les travailleurs de votre salon de coiffure qui produisent ces bénéfices. C’est parce que vous les payez mal que vous obtenez ces bénéfices. Ce n’est pas sur les machines à coudre que l’on gagne, mais sur le mauvais paiement des travailleurs. Le fétiche consiste à croire que le capital s’auto valorise. Seule l’exploitation des humains produit le profit.

Mais, le fétichisme consiste à occulter cela. 

Le concept de fétichisme est un concept général qui traduit l’intelligence marxienne de la réalité sociale.

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