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Les intellectuels congolais face à la dialectique entre la dynamique de l’être et la dynamique de l’avoir

Par La Prospérité
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(Par le Prof. Patience Kabamba)

Le MDW d’aujourd’hui s’inscrit sur la ligne des efforts que quelques intellectuels de la République Démocratique du Congo fournissent pour comprendre leur position dans le pays et dans le monde. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas facile d’être un intellectuel au Congo. Comme pays, le Congo fait partie des pays colonisés aux 19e et 20e siècles par la Belgique. À la sortie de sa période coloniale, le Congo a fait partie des Nations Unies, ensemble des pays du monde régis par des institutions occidentales et occidentalisées contenant des assomptions eurocentriques.

Aujourd’hui, les institutions que l’on appelle internationales sont en fait des institutions coloniales occidentales. Sur le plan pratique, je vois encore des jeunes Belges venir étudier la vie culturelle des Congolais, l’organisation de leurs cités ou leur manière de raconter leurs souffrances. Ce sont des sujets intéressants en soi, mais ils ne peuvent être étudiés que dans un seul sens : du Belge au Congolais, et non le contraire. Le Congolais ne va pas en Belgique étudier les compartiments sociaux dans la société belge. Tous ces exemples montrent tout simplement que les Occidentaux se considèrent comme supérieurs et générateurs du savoir sur le monde. L’intellectuel congolais doit d’abord comprendre cette enveloppe épistémologique dans laquelle il est englué et formé, et il doit surtout dé-fétichiser les institutions dites internationales qui sont en réalité des institutions occidentales et donc coloniales.  Même les idées de l’Etat, de la Justice ou de l’environnement sont en fait des réminiscences de la culture occidentale imposée dans le monde.

Comme intellectuel congolais, nous devons donc comprendre la société occidentale qui, à travers des institutions dites internationales, veut nous créer à son image. Une première chose que l’on doit savoir de l’Occident qui colonise encore le monde est qu’il est totalement dominé par la marchandise. La marchandise a complètement envahi toutes les sphères de la vie américaine, belge ou française. 

Pour moi, il y a des questions existentielles que tous les peoples ont confrontées dans leur cheminement terrestre. Depuis le Néolithique où les échanges ont détruit les communautés organiques de l’être, tout l’Occident s’est construit dans la domination de l’avoir.  Toute l’histoire de l’humanité est une dialectique entre la dynamique de l’être et la dynamique de l’avoir.  Il existe un affrontement radical entre la marchandisation du monde et l’émancipation des êtres humains. L’Occident propose une marchandisation des êtres humains. Les mouvements coloniaux partaient de cette logique : il fallait trouver des nouveaux marchés, dépouiller les autres peuples pour le bien-être des Occidentaux. Les esclaves qui ont construit les villes italiennes de Venise, Florence ou Rome, des esclaves dans les plantations américaines, ou le dépouillement du Congo par la Belgique, tout cela faisait partie de la victoire de l’avoir sur l’être.  Nous définissons l’être comme la racine de l’humain qui se tient debout dans le non-monnayable et le non-appropriable. Aujourd’hui, l’Occident vit l’apothéose de la marchandise, de l’avoir sur l’être, et cela est allé jusqu’à transformer les non-occidentaux en objets d’esclavagisme ou de colonisation.

L’intellectuel congolais, qui a été pour une grande partie formé en Occident ou même au Congo où il apprend les programmes académiques copiés des programmes occidentaux, sort de sa formation complètement déracinée de son milieu natal. Il a passé quinze ans de sa vie à maitriser une philosophie de la connivence avec de la marchandise, une philosophie de l’insignifiance et de la vacuité avec des réflexes justificateurs des décorums artificiels pour enjoliver l’ordre de la marchandise. L’intellectuel congolais est invité à ce que j’appelle une philosophie de l’insurrection que l’on n’apprend pas dans nos universités ni au Congo, ni en Occident : la philosophie qui va à la racine de l’être et qui propose la valorisation de l’humain en tant que non-monnayable et de non-appropriable. Le dilemme de l’intellectuel congolais va plus loin que celui du protagoniste de l’entre les eaux de Mudimbe, le père Landu, qui n’est ni africain ni occidental ; l’intellectuel congolais est en face de la dictature du capital chez son maitre occidental englué dans la connivence avec la marchandise, et en face de la philosophie de l’insurrection qui va au-devant de l’être. 

L’objection générale que l’on entend partout est que l’on ne peut pas vivre sans argent, qui est le symbole universel de la marchandise. L’Histoire nous apprend que l’humanité a vécu plus longtemps sans argent qu’avec de l’argent. De plus, l’argent n’est pas ce que nous utilisons pour échanger. L’argent est une relation sociale de domination. La marchandise est l’occultation par le capital de cette domination de l’avoir. Les habits que nous portons sont des produits d’exploitation des êtres humains.

La bonne vie en France, en Belgique ou aux Etats-Unis sont les fruits d’exploitation des autres peoples notamment, les Africains.

Il nous faut bien sûr de l’argent pour vivre, mais vivre, c’est être debout dans la communauté de l’être en insurrection contre la société de l’avoir dont la culture sous-tend les institutions dites internationales.

L’intellectuel congolais est au carrefour de plusieurs insurrections : contre les institutions néocoloniales des Occidentaux, contre la vassalisation des Congolais par rapport à la marchandise envahissante et enfin, la servitude qui lui est imposée par des nouveaux capitalistes congolais ; sa classe politique.

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