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Pourquoi Macron mise sur le Nigeria de Tinubu pour repositionner la France en Afrique

Par La Prospérité
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Alors que la concurrence mondiale s’intensifie, la logique économique pousse des entreprises françaises comme TotalEnergies, Suez, Canal+ et Eutelsat à s’implanter sur le marché nigérian.

Le Président Emmanuel Macron est agacé. « J’ai découvert que les frères Battista investissent 2 milliards dans la filière avicole nigériane. De notre côté, nous sommes trop timides. Il faut en faire beaucoup plus. »

Nous sommes le 28 novembre, dans le salon doré baigné de lumière de l’Hôtel de Marigny, annexe de l’Élysée, le président nigérian Bola Tinubu est aux côtés de Macron pour une session de travail avec le Conseil d’affaires franco-nigérian. Autour de la table, des PDG français tels que Patrick Pouyanné (TotalEnergies) et Antoine de Saint-Affrique (Danone) échangent avec des poids lourds nigérians comme Aliko Dangote et Gilbert Chagoury.

Sortie du Sahel

C’est un moment fort de la visite d’Etat de Tinubu en France, la première pour un président nigérian depuis celle d’Olusegun Obasanjo, il y a vingt-quatre ans.

Pour Macron, l’engagement avec le Nigeria représente une opportunité de renaissance économique pour les deux pays. « Les marchés et la population de demain sont au Nigeria, pas au Sahel », déclare-t-il devant les participants. « Ce n’est pas une démarche naturelle pour les chefs d’entreprise français de frapper à la porte du Nigeria, mais à l’avenir, ce sera très clairement la chose à faire. »

Pendant ce temps, des annonces bousculent l’actualité : JBS, le géant brésilien de la viande dirigé par les frères Battista, investit 2,5 milliards de dollars dans les secteurs avicole et bovin au Nigeria. Parallèlement, des nouvelles plus politiques tombent : le Tchad annonce le départ des troupes françaises, et le Sénégal déclare qu’il ne veut plus de bases militaires françaises sur son sol.

Une nouvelle phase pour Macron en Afrique ?

Cette visite de Tinubu peut-elle être perçue comme une « deuxième manche » dans la politique africaine de Macron, après les déboires au Sahel ? Difficile de minimiser l’ampleur des revers stratégiques subis par Paris, où des coups d’État ont installé des régimes ouvertement hostiles à la France.

Mais l’ouverture en direction du Nigeria s’inscrit également dans une stratégie de long terme : replacer les entreprises françaises dans la course à la mondialisation. « Il existe un important décalage entre le surinvestissement politique et militaire de la France dans le “pré carré” francophone de ses anciennes colonies, d’une part, et la réalité de ses investissements économiques, qui se concentrent surtout en Afrique anglophone, à commencer par le Nigeria, d’autre part », souligne Marc-Antoine Pérouse de Montclos, de l’Institut de recherche pour le développement.

Depuis deux décennies, la France peine à promouvoir ses entreprises à l’étranger. En 2017, Macron hérite d’un pays dont la part des exportations de la zone euro a chuté sous les 13 %, contre près de 20 % en 2000. Pendant ce temps, les entreprises chinoises, mais aussi indiennes et turques, sont devenues des rivales redoutables.

Un haut fonctionnaire français, négociateur avec la Chine sur des dossiers politiques et économiques, pointe la « naïveté » de l’Europe au cours des vingt dernières années : une défiance quant à l’ouverture des marchés, alors que des puissances émergentes comme la Chine adoptaient une posture commerciale agressive. « Même les Américains l’ont compris, que ce soit Trump ou Biden. L’Europe, elle, tarde à le faire. »

Zenith Bank, Access Bank et UB ouvrent des antennes à Paris

Certains responsables pensent qu’un changement profond est en marche. « Nous sommes mieux sans le Niger », confie une source chargée de la coordination des politiques gouvernementales. Il rappelle qu’Orano, le groupe minier contrôlé par l’Etat, ne tirait plus – avant d’annoncer la suspension de ses activités dans le pays – que 20 % de son uranium du Niger, devenu un lieu de plus en plus coûteux pour opérer.

Une manière de minimiser un échec ? Peut-être. Mais il est vrai que le PIB cumulé des cinq pays sahéliens ayant expulsé la France reste inférieur à 100 milliards de dollars, soit à peine un cinquième des 470 milliards du Nigeria.

L’ouverture de plusieurs banques nigérianes en France confirme cette évolution vers une coopération économique plus vigoureuse. « Le Brexit a constitué une “opportunité générationnelle” pour la France, » affirme Jules Treneer, directeur général de Madrona Partners, en soulignant les efforts déployés par Paris pour attirer les services financiers qui quittaient la City de Londres.

Pendant la visite d’Etat, Zenith Bank a ouvert une filiaile de sa branche britannique à Paris. « La France a une économie robuste », affirme Adaora Umeoji, directrice générale adjointe du groupe Zenith. « C’est l’endroit idéal pour nous connecter aux marchés francophones comme le Cameroun et la Côte d’Ivoire. »

Access Bank, qui a transféré sa propre filiale londonienne à Paris en 2023, estime aussi que le Brexit a créé une « opportunité générationnelle » pour la France. De son côté, Tony Elumelu, Président d’United Bank for Africa (UBA), a signé un protocole d’accord avec le ministre français des Finances, Antoine Armand, pour ouvrir une banque à part entière en France. « Nous voulons voir plus d’interactions entre les entreprises françaises et nigérianes », a-t-il déclaré. « Nous voulons être le lien entre vous et l’Afrique. »

Des partenariats ambitieux

Les investissements français au Nigeria prennent de l’ampleur. Patrick Pouyanné, qui avait déclaré en mai préférer investir 6 milliards de dollars en Angola plutôt qu’au Nigeria, s’engage désormais à dépenser « environ 1 milliard de dollars par an » au Nigeria pour la prochaine décennie.

Dans le Delta du Niger, Schneider Electric et Spie collaborent avec Flour Mills pour construire une usine de méthanol à 1,6 milliard de dollars, destinée à produire de l’ammoniac pour les engrais. Le groupe Suez est également actif. Après avoir fourni des équipements pour Eko Atlantic City, une nouvelle ville bâtie sur 10 km2 gagnés sur la mer, l’entreprise postule pour le contrat de gestion de l’eau dans l’État de Lagos. Danone, après avoir investi depuis une décennie dans FanMilk, intensifie ses efforts. « Nous prospérons grâce à la classe moyenne », affirme Antoine de Saint-Affrique. « Bientôt, le Nigeria sera le quatrième pays le plus peuplé au monde. »

La soirée d’État bat son plein. Emmanuel Macron amuse ses invités avec son aisance en pidgin. La Garde républicaine joue le tube Testimony de P-Square, puis Keziah Jones prend le relais. Pendant ce temps, le ministre nigérian des Mines discute avec le PDG du groupe minier français Eramet, à la suite d’un accord signé plus tôt dans la journée sur les minerais critiques.

Un nouveau « partenariat spécial » est-il en train de naître ? « Nigeria and France no go carry last », dit Macron.

(Avec Jeune Afrique)

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