Depuis que la capitale du Qatar avait accueilli, en date du 18 mars 2025, la réunion trilatérale secrète entre Son Altesse Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani, les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame dans le cadre des efforts visant à apaiser la situation dans l’Est de la République Démocratique du Congo, tous les regards sont désormais tournés vers ce pays du Golfe. Le jeudi 10 avril 2025, des représentants du pouvoir de Kinshasa et ceux de la rébellion du M23 devaient se retrouver, à leur tour, à Doha. Pendant ce temps, selon les milieux généralement bien informés, les Qataris auraient pesé de tout leur poids en vue de l’extradition aux USA de Marcel Malanga et ses deux compagnons américains emprisonnés en RDC pour « tentative de coup d’Etat. »
Cependant, ces malfrats ne regagnent pas le pays de l’Oncle Sam en hommes libres. A en croire le Département de la Justice US, ils vont purger leur peine sur le sol américain. Selon des sources concordantes, une plainte pénale vient d’être rendue publique dans le district de l’Utah. Marcel Malanga, 22 ans, Tyler Thompson, 22 ans, Benjamin Zalman-Polun, 37 ans, et Joseph Peter Moesser, 67 ans, tous de nationalité américaine, sont accusés, entre autres, de complot en vue de bombarder des installations gouvernementales et de complot en vue de tuer ou d’enlever des personnes dans un pays étranger. Doha aurait négocié secrètement cette extradition, alors qu’aucun accord bilatéral ne le prévoit afin de renforcer les liens d’amitié entre le pays de Donald Trump et celui de Félix Tshisekedi.
Retour sur une journée dominicale tragique
Les Congolais étaient plongés dans la stupeur le dimanche 19 mai 2024. Une « tentative de coup d’Etat » dans la capitale les a réveillés aux petites heures de la matinée. Des tirs nourris ont été observés dans la résidence de l’homme politique Vital Kamerhe. Lui et son épouse Hamida Shatur ont échappé bel à ces coups de feu tandis que deux policiers commis à leur garde ont laissé leurs peaux. Les assaillants avec à leur tête un certain Christian Malanga, tué sur le coup, avaient pris d’assaut le Palais de la Nation comme en témoignaient des images prises pr eux-mêmes ce jour-là.
Le grand concert de l’artiste gospel et pasteur Moïse Mbiye prévu dans la même journée au stade des Martyrs de la Pentecôte avait failli être annulé au grand dam des nombreux mélomanes kinois. Malgré cette tragédie, cette star musicale avait fait carton plein. La police et l’armée avaient mis la main sur ces « putschistes » dont des Américains, les ténors ou meneurs.
Au terme d’un procès public retransmis en direct à la télévision nationale congolaise, la Cour militaire de Kinshasa/Gombe les a condamnés à la peine de mort pour des faits hautement répréhensibles en date du 27 janvier 2025. Selon l’auditorat militaire, Marcel Malanga, fils du défunt Christian Malanga et les autres américains ont bénéficié de la commutation de leurs peines respectives à la servitude pénale à perpétuité. Ils ont pris le vol à destination des USA. C’est l’épilogue de cette affaire d’Etat.
Faux – vrai Envoyé spécial de Donald Trump
C’est l’autre affaire qui a failli refroidir les relations entre les Etats-Unis d’Amérique et la RD Congo. En effet, la veille de son départ pour Doha au Qatar, le Chef de l’Etat congolais avait reçu à la Cité de l’Union Africaine à Kinshasa le congressman Ronny Jackson présenté comme l’Envoyé du Président américain. Ce soir-là, cet hôte de marque à qui l’on avait déroulé le tapis rouge déclara au sortir de son audience : « Il faut que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la RDC soient respectées de tous… Nous allons travailler pour que tous les obstacles soient ôtés afin que la paix revienne en RDC. » Ce membre du Congrès américain s’était aussi rendu à Kigali.
Curieusement, dès son retour aux Etats, son discours change complètement. C’est des critiques acerbes contre le régime de Kinshasa. En effet, cet élu républicain a, selon RFI, dressé un constat sévère sur la situation dans l’Est de la RDC, qu’il décrit comme une région « totalement non gouvernée ». Devant la commission des Affaires étrangères de son pays, il a fustigé l’inaction de Kinshasa. Il est allé encore plus loin dans ses déclarations en fustigeant la gouvernance du pays qui, selon lui, est gangrenée par la corruption et l’enrichissement personnel des dirigeants au détriment de la population. Exaspéré, le porte-parole du gouvernement congolais, Patrick Muyaya, a estimé que les positions exprimées par Ronny Jackson ne sont que ses « opinions personnelles » qui n’engagent pas l’administration américaine dans son ensemble. Certains pensent même que Kinshasa s’est fait piéger par ce « faux Envoyé spécial de Donald Trump » qui serait plutôt un lobbyiste du régime de Kigali.
Quelques temps après, le 3 avril 2025, débarque dans la capitale congolaise Massad Boulos, le Conseiller principal de Donald Trump pour l’Afrique. Cette fois, c’est la bonne. Ce « vrai » émissaire du Président américain a, quant à lui, souligné l’intention des Etats-Unis d’aider la RDC à résoudre le conflit dans l’Est du pays. Le régime de Kinshasa a saisi l’occasion pour insister sur l’importance de la paix, un élément clé pour la mise en œuvre de l’accord minier et sécuritaire entre les deux pays. Cet accord en vue représente un enjeu majeur entre Kinshasa et Washington.
Plaque-tournante de la diplomatie internationale
Avec leur « implication » dans l’extradition des prisonniers américains en vue du réchauffement des relations bilatérales Washington-Kinshasa et dans le processus de paix à l’Est de la RDC, les richissimes Qataris s’affichent désormais comme des partenaires fiables et incontournables. Le rendez-vous manqué de Luanda du 18 mars dernier, les négociations directes entre le gouvernement congolais et les rebelles, se transportent à Doha. Cette capitale, et plus généralement la région du Golfe riche en pétrole, devient ainsi la plaque-tournante de la diplomatie internationale. La désescalade, le retour de la paix en Ukraine, s’y négocie également.
L’argent répond-t-il à tout ?
James Mpunga Yende