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La Rumba congolaise inscrite au patrimoine culturel de l’humanité. Et après ?

Par La Prospérité
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(Pr  Yoka Lye Mudaba,  Président du Comité Scientifique Mixte ‘’RDC-Congo-Brazzaville’’ en faveur de la Rumba congolaise)

Le mardi 14 décembre 2021  a été un jour faste et euphorique pour le peuple congolais des deux rives.  Qui, en RD. Congo et au Congo-Brazzaville (ainsi que dans toute la diaspora à l’étranger), n’a pas exulté à l’annonce de l’inscription de la Rumba congolaise sur la prestigieuse Liste du Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité !

 Le Président de la RDC en  personne,  s’est porté au front de la campagne avant, pendant et après l’Inscription en exhortant le gouvernement, au cours de différents Conseils des Ministres, à œuvrer en faveur de la promotion de la Rumba congolaise et en transmettant également au Panel en charge d’accompagner son mandat à la présidence de l’union Africaine, sa vision pour le rayonnement de la culture en général, à travers diverses projets.

Maintenant que l’euphorie est passée, la même question revient, que ce soit de la part des partenaires culturels, ou de la part des mélomanes  et des praticiens de la musique, ou encore de la part de la presse : après l’excellent et puissant plaidoyer orchestré par  un groupe de scientifiques coalisés au sein du Comité Mixte ( RDC et Congo-Brazzaville) et ce, à partir des « pièces à conviction »  d’ordre à la fois historique, sociologique, politique, et économique ; après la sanction hautement positive et élogieuse du Jury de l’Unesco, que faudrait-il attendre ?

Il est indispensable  de signaler   les contraintes qui  sont autant de défis. D’abord, aux termes de la Convention de 2003 de l’Unesco sur la préservation et la promotion du patrimoine culturel immatériel (Convention ratifiée par les deux Congo), deux indicateurs sont majeurs, à avoir   la viabilité de l’élément inscrit et sa pérennisation. Rappelons ensuite que pendant quatre ans, selon la Convention, les enjeux de cette viabilité et de cette pérennisation sont autant de conditions de la survie du label ; sinon,  en cas de transgression des promesses tenues pat les Etats-Parties,  le niveau de la labellisation (en l’occurrence la Rumba congolaise) risque la « dégradation », avec en fin de compte la fatalité d’être annulée…

Par réflexe d’anticipation et de proactivité,  le Comité Scientifique Mixte a élaboré dès septembre 2021, un Plan d’action pour couvrir utilement et stratégiquement les quatre ans expérimentaux.   Cette Feuille de route comprend des principes généraux de la politique musicale au sein de la politique culturelle ; des axes stratégiques majeurs de revalorisation de la Rumba congolaise ainsi qu’une esquisse de budget à court et à moyen terme. Pour ne retenir que les axes stratégiques, on notera ceux en rapport avec le renforcement des capacités, professionnelles, techniques et artistiques de la Rumba congolaise avec un accent particulier sur les curricula académiques adaptés ;  l’érection  des   infrastructures   des industries culturelles créatives ; la promotion de l’excellence, de l’éthique et de l’esthétique dans la création et la pratique ; la promotion des études scientifiques   sur l’odyssée et l’épopée de la Rumba congolaise hier et aujourd’hui ; la revalorisation des principes  de cohésion intra et extra-territoriale, au   nom d’une Afrique  de progrès et de partage solidaire. Les axes inscrits sur le long terme  ont été identifiés comme étant du ressort  des applications  concrètes et visibles sous la conduite du Ministère de la Culture, des Arts et du Patrimoine, en appui à sa politique culturelle et patrimoniale.

Au stade   actuel   des   attentes  et des initiatives, les scientifiques ayant accompli avec succès leur part de responsabilité, il revient notamment aux décideurs de respecter leurs engagements, et aux entrepreneurs de s’investir. 

Bien entendu,  il existe déjà ici et là des initiatives encourageantes qui appellent à être mieux fécondées, tels les festivals-Rumba en cours dont le plus notable est le consortium « Festival Rumba-Parade et FIRE (Festival International de la Rumba et de l’Elégance) », et piloté conjointement par la Délégation Wallonie-Bruxelles, L’INA et l’Agence OPTIMUM. On peut signaler également d’autres festivals        partenaires qui   récemment,   à l’occasion de l’Inscription de la Rumba congolaise,  ont labellisé la Rumba congolaise. Exemple du « Festival AMANI » de Goma (février 2022), le FESPAKIN (Festival Panafricain de Kinshasa, août 2021) ; exemple aussi   du « Festival-Rumba-Un jour-Rumba Toujours »  de  Pointe Noire (initié par l’Institut Français en avril 2022…) ; exemple du « Festival Rumba Bilengi » organisé par la Délégation de l’Union Européenne à Brazzaville (6 mai 2022).  Autant de projets concrétisés essentiellement par des partenaires étrangers… On pourrait épingler par   ailleurs, du point de vue  scientifique et  artistique, des Actes    de colloques,  des Anthologies et  même des créations  théâtrales sanctionnant des travaux des chercheurs et des enseignants de l’Institut National des Arts, autant que les essais et les réflexions des privés comme ceux de Didier Mumengi  sur « l’économie de la Rumba ». Des initiatives analogues, promotionnelles et festives sont organisées de plus en plus par la diaspora en Europe, principalement par l’opérateur culturel  Klay Mahungu à Bruxelles.

Au demeurant, l’Inscription de la Rumba congolaise  au patrimoine de l’Humanité   semble  avoir  donné des ailes à l’inspiration       des politiques et des promoteurs commerciaux.  Les dernières désignations par la plus haute Autorité politique de la RDC    des  « Ambassadeurs » respectivement de la Rumba et de la Culture, sont en principe de bons signes. L’opinion des connaisseurs attend d’autant plus impatiemment les dividendes de ces désignations que cela peut valablement renforcer les atouts régaliens du Ministère de la Culture  et   les  expertises  avérées  du Comité Scientifique Mixte en faveur de la Rumba congolaise. Des passerelles sont possibles  pour arriver à une sorte de plateforme tripartite, technique et tactique d’actions concertées.

Peut-être est-il temps justement que le Ministère de la Culture se démarque en frappant le coup de grâce, par exemple en organisant un méga-événement centré sur ce que la  Rumba congolaise a d’essentiel ;   par exemple aussi  en exprimant solennellement la reconnaissance de la Nation congolaise devant le succès acquis par les acteurs principaux , y compris le Comité Scientifique (une décoration aux membres ne serait pas un geste anecdotique…).

S’agissant des promoteurs commerciaux, que de « pub » sulfureuse dès à présent ! « Pagne-Rumba », « Bière-Rumba », bar « Ambiance-Rumba », Emissions radio-TV-Rumba, etc. Il n’est jusqu’aux tentatives centripètes de réconciliation des artistes  naguère en guerre ici et là, qui ne soient inspirées de près ou de loin  par l’ambiance contagieuse de la fameuse « Inscription de la Rumba au Patrimoine culturel de l’Humanité »…

D’ailleurs,  cette ambiance et ce succès risquent de nous échapper, parce qu’attirés par les sirènes de la concurrence interafricaine : cas du Festival des Musiques Urbaines d’Abidjan, du Festival Rumba de Bouaké, ou du Festival du Film documentaire de Dakar qui, tous,  lorgnent avec envie …

En fin de compte, toute cette ferveur est quand même de bon  augure, pourvu que les décideurs, les entrepreneurs, les formateurs, les praticiens et les mélomanes de la Rumba congolaise prennent la vraie mesure de cette  musique moderne populaire  en principe au pinacle de son itinéraire, parce qu’expression de la passion de vivre des peuples congolais, de leur résistance, de leur  résilience, de leur existence face aux défis du passé, du présent et du futur…

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