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Quand une armada est lancée contre une expression scientifique (Suite)

Par La Prospérité
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(Par le Professeur Ordinaire Emérite Auguste MAMPUYA K’a-TSHIABO)

Au cours de la première partie de cette tribune, j’avais indiqué combien mes censeurs étaient de mauvaise foi, globalement en déformant l’objet et le contenu de l’ouvrage ramenés à la seule affaire Matata sur la douzaine d’arrêts traités, preuve que voilà une entreprise commanditée, alors que l’ouvrage expose et explique mes opinions et ma pensée développées sur le fonctionnement de la Justice en RDC et la manière dont la très haute magistrature se passait de la constitution et des lois pour « dire le droit » au travers de quelques arrêts emblématiques des hautes juridictions. En m’attardant sur la problématique des sources du droit en ne reconnaissant pas à la jurisprudence le caractère de source de droit, vision remettant en question ce qui leur avait été largement enseigné et que beaucoup d’entre eux pratiquaient encore, nombre de juristes la découvrant avec stupéfaction. J’ai également épinglé la malveillance de mes censeurs notamment, ceux qui partagent avec moi la même catégorie professionnelle, auxquels j’ai reproché d’avoir sciemment prêté leur concours et donc, participé à des manœuvres d’intimidation d’un collègue par des milieux d’influence auteurs et bénéficiaires de la jurisprudence analysée et critiquée.

J’avais promis de poursuivre mon propos par l’exposition d’autres formes de mauvaise foi, mes censeurs m’attribuant tendancieusement des opinions qui ne sont pas les miennes, que je présente aujourd’hui, avant de poursuivre par la publication promise de « pages choisies » de l’ouvrage, afin que les lecteurs non encore impactés par la pratique de jurisprudences contra legem et inspirées non par le droit mais par les seuls sentiments du juge puissent se rendre compte eux-mêmes de la  profondeur du mal qui ronge notre système judiciaire.

Pour revenir à ces imputations d’opinions qui ne sont pas à moi, je me dois de préciser que toutes ces assertions ne sont malheureusement intervenues qu’en rapport avec l’affaire Matata.

Si les commanditaires de l’armada en offensive ne sont intéressés par mon ouvrage que pour la manière dont j’y traite cette affaire qui les concerne et intéresse au plus haut point, il est pour le moins incompréhensible que des juristes de ce niveau, qui se sont pourtant fait féliciter par certains autres profs, ne s’intéressent pas à toutes les importantes problématiques juridiques dont le développement démontre le dévoiement du droit et du système judiciaire de leur pays. C’est à se demander comment ils entendent enseigner et expliquer à leurs étudiants ces conceptions si clairement contraires au droit et spécialement à la constitution. Se trouverait-il que ces conceptions reflètent leurs propres opinions et idées ? Ce serait un vrai malheur !

Quelqu’un, qui ne mérite pas que je le cite, commis, de son propre aveu, à la mission d’atteindre ma destruction, m’a reproché, faussement, l’injustice de déclarer que tous les arrêts de la Cour constitutionnelle sont contraires à la constitution ; nul besoin de perdre le temps à répondre à une accusation aussi ridicule.                                                    

On m’a également accusé de réduire le droit à la seule loi. Je comprends que mon insistance sur l’obligation de respecter et d’appliquer « la loi » pour « dire le droit » puisse faire croire à un ignorant que le vocable sert ici à désigner les actes du législateur parlementaire ; mais, le même reproche m’a aussi été, paradoxalement, fait par un professeur. Je ne ferais pas à ce dernier l’insulte de l’accuser de ne pas comprendre ce terme dans son sens global ni quand la constitution ne soumet le juge qu’à « l’autorité de la loi » (article 150 alinéa 2 de la Constitution), de toutes façons, je le lui ai expliqué dans la première partie de la tribune.

L’autre imputation est celle de méconnaître le rôle de la jurisprudence. Je me suis attardé au cours de la première partie sur le vrai rôle de la jurisprudence, qui n’est en tout cas pas celui d’être source du droit comme mode de création du droit. Visiblement, l’auteur de ce reproche n’avait pas lu l’ouvrage qui consacre de substantiels développements à cette problématique, en déroulant une démonstration imparable ; certes il est prisonnier de ce qu’il a lu dans les notes de cours de son propre professeur qui lui avait lui-même inculqué, sans la démontrer pour la justifier, l’idée que la jurisprudence est une source du droit. Si quelqu’un persiste à affirmer cette opinion, alors qu’il travaille très dur pour tenter d’en établir le fondement juridique, en dehors de la simple croyance béate que la jurisprudence, ainsi que la « doctrine » de son propre professeur ou de lui-même, sont sources du droit.

L’accusation la plus grave, au cœur des préoccupations de mes censeurs et qui les intéresse au plus haut degré, à la grande satisfaction des commanditaires, et qui leur a fait commettre toutes les erreurs, notamment de m’attribuer des choses que je n’avais pas dites ou de ne pas lire l’ouvrage pour le critiquer, est celle d’affirmer que j’écris et dis qu’un ancien Premier ministre ne peut pas être jugé, qu’il n’a pas de juge naturel. Je n’ai jamais affirmé cette opinion, ni dans l’ouvrage ni dans mes interventions dans les médias ; c’est une question que je n’avais pas besoin d’aborder sous cette forme, par contre j’ai toujours affirmé que le juge constitutionnel avait une conception particulière de cette notion de « juge naturel » ou l’appliquait à sa manière dans cette affaire, par contre je n’ai jamais dit qu’un ancien Premier ministre ne peut pas être jugé.

Bluffés par des exigences morales, ils en oublient le droit

En fait, on se rend compte que la base de l’accusation mensongère c’est tout simplement l’indignation des uns et des autres qu’ils ne comprennent pas comment on peut soutenir que quelqu’un qu’ils accusent à tort ou à raison d’avoir tant détourné ne soit pas jugé, échappe à la justice, qu’ils sont choqués que, selon eux, je sois en train de défendre un criminel. Je m’évertue pourtant à ne me situer que sur le terrain du droit et ne défends personne, il est certes possible que les thèses juridiques que je défends soient favorables à une partie ; mais n’est-ce pas toujours ainsi, les deux parties ne peuvent pas s’attendre à être justifiées par le droit, il y a toujours un gagnant et un perdant, un qui est bénéficiaire d’un jugement qu’il trouve ainsi juste et l’autre qui y voit un jugement injuste et qui le défavorise.

Il est clair, que ces procureurs, choqués moralement, oublient le droit, et ne me jugent qu’au regard de la morale ; je ne commettrai pas l’injustice d’affirmer qu’ils ignorent cette différence capitale de nature entre droit et morale, enseignée dès les premières heures des études dans toutes les facultés de droit et même chez les moralistes, différence qu’ils devraient eux-mêmes enseigner à leurs étudiants. Alors que, catholique convaincu et pratiquant, je n’ai pas de leçon de morale à recevoir d’eux, à la différence avec eux, je peux faire cette différence et ne traiter ce dossier qu’au regard strict du droit sans confondre ce dernier avec la morale.

Or, au regard du droit, et même, si l’on y tient, de la morale, au niveau de la procédure où, les uns et les autres, nous commentons ce dossier, personne n’est fondé à affirmer que Matata soit coupable de détournement, il n’y a que les enquêteurs qui connaissent les faits ; nous ne pouvons pas, nous les commentateurs extérieurs, nous prononcer par rapport aux faits, que nous ne connaissons pas, mais qui énervent mes censeurs au point de me considérer ainsi qu’un immoral avéré et incorrigible.

A ne pas oublier ceci que je vais rappeler au cas où d’autres l’auraient oublié, à savoir que nous ne nous mêlons pas aux commentateurs de la rue mais que c’est d’une analyse juridique, tout au moins intellectuelle, qu’il s’agit. Pourtant, partant de ce que je viens de dire, à savoir que nous ne connaissons pas les faits, j’indique toujours, et particulièrement dans l’ouvrage, que je ne parlerai donc pas des faits que j’ignore, mais j’examinerai la manière dont les juridictions concernées appliquent le droit dans cette affaire, c’est la chose que nous connaissons parce que, justement, ces juridictions publient leurs successives décisions, les mettant ainsi à notre disposition. Au nom de quoi et sur quelle base mes censeurs me jugent-ils concernant des faits qu’ils disent « choquants », « immoraux », que moi j’ignore mais qu’eux, sans doute informés pour les besoins de la cause par les commanditaires, utilisent au détriment du droit ?

En réalité, le problème qu’ils posent revient à faire le procès de l’arrêt RP0001 de la Cour constitutionnelle, dont personnellement je ne parle pas spécialement. En m’attribuant faussement ce qu’ils devraient ouvertement adresser à la Cour elle-même, faisant semblant d’oublier que la majorité des membres actuels de cette dernière étaient déjà au sein de la précédente composition qui avait rendu cet arrêt honni, ils donnent la preuve de la malveillance que je déplore de leur part.                      

Moi, je n’ai jamais dit que la Cour constitutionnelle était incompétente pour juger qui que ce soit. Je constate seulement que la Cour elle-même, par son arrêt RP0001, dit qu’elle est incompétente, que son arrêt est définitif et, de ce fait, ainsi que prescrit par l’article 168 de la constitution, «Les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers », il s’impose à la Cour elle-même.

Devrais-je rappeler à des grands juristes qu’une décision d’incompétence ou, comme on l’entend plus communément dans nos prétoires, un déclinatoire de compétence, est par elle-même une décision réglant un différend et a autorité de chose jugée, étant de même définitive en vertu de l’article 168 de la constitution ?

D’autant plus que cette décision 0001 n’était pas prise sur une exception préliminaire ou sur renvoi mais dans le cadre d’une affaire fixée sur réquisition du Ministère public.                  

Ce que je constate également c’est que, par son arrêt RConstit 1816, la Cour affirme cette fois qu’elle est la seule compétente pour juger un Premier ministre, en fonction ou ancien et tout le monde a parlé de « revirement jurisprudentiel » ; je dis, ici également, que ce 1816 a autorité de chose jugée, bénéficiant lui aussi des dispositions ci-dessus de l’article 168 de la constitution.

Dorénavant, la Cour constitutionnelle est, sans aucune contestation, le juge pénal du Premier ministre, non seulement en fonction mais aussi ancien. Rien d’autre à dire, sauf que, sur requête de la Cour de cassation en interprétation de l’article 164 de la constitution, la Cour constitutionnelle, rejetant la demande en interprétation, s’autosaisit elle-même d’une autre question, celle de déterminer le « juge naturel » de Matata, non soulevée par la requérante, inventant une question de fond à la place de l’exception préjuridictionnelle dont elle était saisie, bien au-delà d’un simple ultra petita et contre toutes les règles connues.

La fameuse notion de « juge naturel ».

La Cour affirme que la position de la Cour de cassation, en ne se prononçant pas sur sa propre compétence à connaître du dossier de l’ancien Premier ministre, alors qu’elle connaissait l’existence de l’arrêt antérieur de la Cour constitutionnelle se déclarant incompétente,  « …expose ainsi Monsieur MATATA PONYO Augustin à un risque élevé de méconnaissance à son bénéfice de l’exigence constitutionnelle d’avoir droit à un juge compétent comme cela ressort de l’article 19 alinéas 1er et 2 de la constitution. » (Feuillet 3 paragraphe 4). Elle ajoute, Feuillet 4 paragraphe 3 que « … Monsieur MATATA PONYO MAPON Augustin doit connaître son juge naturel, donc le juge légal et compétent pour le juger, avoir accès à ce juge et être fixé sur son sort dans le meilleur délai, (…). Cette situation de flottement dans la détermination de son juge naturel qui perdure, met en mal sa pleine liberté de mouvement, même s’il n’est pas en état de détention. ».

Elle justifie ainsi l’auto-saisine, sur la base de théories nébuleuses : « … Car, le rôle social dévolu à la Cour est considérable et ne se limite pas à trancher exclusivement le contentieux relatif à l’inconstitutionnalité des normes de type législatif ou réglementaire mais de veiller, au nom de son pouvoir intrinsèque de gardienne des principes et objectifs à valeur constitutionnelle, même à l’absence d’une invocation des violations de la part de la personne susceptible d’en être victime, à la sauvegarde des valeurs protégées par la constitution, tels les droits et libertés fondamentalisés et constitutionnalisés. ». (Voir feuillet 6, paragraphe 1er). La Cour modifie même la nature de la requête de la Cour de cassation, qui ne serait plus une demande préalable d’interprétation mais une question de fond, on ne sait de quelle cause, précisant, Feuillet 7, paragraphe 5, que  « Quant au fond de la cause, la Cour précise que la question principale est de déterminer le juge naturel d’un ancien premier ministre pour des infractions commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ce, à la lumière de l’article 164 de la  Constitution». 

La voilà donc en train de s’occuper d’une question que personne, ni le prévenu ni la Cour de cassation qui l’a saisie ni même une initiative du Ministère public, ne lui a posée. Peuvent-ils, eux qui contestent mes compétences, justifier juridiquement de façon convaincante cela ?

Ce faisant, la Cour utilise une conception de « juge naturel » qui, pour le moins, interloque. En réalité, quand on lit l’article 19 alinéa 1er dont est tirée l’expression jurisprudentielle de « juge naturel », il est ainsi libellé : « Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne». La Cour présente cette notion comme un droit direct de toute personne, comme si chacun avait un « juge naturel » prédestiné et que ce serait un droit de la personne humaine. Or l’alinéa 1er de l’article 19, faisant partie des « droits de la défense » en relation avec le procès pénal, signifie clairement que chacun ne peut être poursuivi que devant le juge, la juridiction, que la loi lui prescrit à raison de son statut personnel et de l’objet ou de la nature de l’infraction et, éventuellement à raison du lieu et du temps, en d’autres termes, à raison de la compétence ratione personae, ratione materiae, ratione loci et temporis, et que, surtout, on ne peut le traire contre son gré devant un autre juge que ce juge compétent légal.

C’est donc en réalité un droit revendiqué par la personne qui se trouverait victime de la violation de ce principe et soumise à un autre juge que le juge compétent légal ratione personae, ratione materiae ou ratione loci et temporis. Or, loin de réclamer un juge « naturel », Matata a toujours contesté la compétence, aussi bien celle de la Cour constitutionnelle que celle de la Cour de cassation, le juge constitutionnel, mais sans s’adresser au défendeur, transforme cette négation constante en une réclamation d’être jugé.

De cette façon, la Cour rattrape et corrige son arrêt RP0001.

Je ne sais pas ce que des juristes pensent de ce modus operandi par détournements successifs de procédures aboutissant à muer une exception préliminaire pour l’interprétation d’une disposition présentée par la demanderesse, la Cour de cassation, en une requête de fond réclamant le respect d’un droit par le défendeur Matata, en vue d’avoir une deuxième occasion, dans ce nouvel arrêt, le RConstit1816, de se prononcer sur sa compétence et, cette fois-ci, se reconnaître compétente contrairement à son premier arrêt.

Les effets de l’arrêt RConstit 1816  

Je me suis prononcé sur cette question ; moi, contrairement à une accusation mensongère, je ne suis pas contre le revirement ni en son principe ni dans ce cas précis, d’autant plus que la Cour a eu l’occasion de justifier, une deuxième fois, ce qu’elle et beaucoup d’observateurs appellent le « revirement de jurisprudence » par l’arrêt 1816, ayant, comme dit la Cour, « réviré » son 0001.

J’indiquerai simplement qu’en effet, dans son arrêt ultérieur, R. Constit.1880 rendu sur une requête en interprétation de l’article 168 de la constitution au regard des deux arrêts contradictoires RP 0001 et RConstit 1816 déposée par un groupe de sénateurs, la Cour trouve l’occasion de remotiver son « revirement ». Elle le fait dans ces termes :

« La Cour est fondée de revirer sa jurisprudence qui, sous le RP.0001, était de nature à provoquer des violations inacceptables des droits de la personne humaine, notamment la privation à une personne de son droit constitutionnel à être jugée par un juge compétent conformément à l’article 19 Al.1 et 2 de la constitution comme il en est du cas de Monsieur MATATA PONYO MAPON Augustin, mais aussi consolider les principes constitutionnels sur l’égalité de tous devant la loi et l’égale protection de tous par la loi. » Elle précise « qu’en dépit du fait que ces arrêts ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf interprétation ou rectification d’erreur matérielle tel que prescrit à l’article 93 Al.4 de sa loi organique, la Cour constitutionnelle peut, dans les circonstances et objectifs sus décrits, faire des revirements de ses propres décisions sans heurter ni compromettre le caractère contraignant et exécutoire de ces dernières». J’oserais juste dire que ceci n’est pas ce qu’on appelle à proprement parler un « virement de jurisprudence », c’est une « révision » d’une décision définitive ayant force de la res judicata, que vise clairement la Cour. Tout simplement, à cause du principe qu’elle rappelle elle-même, celui de l’autorité et de la force de la chose jugée, au travers de cet élément de sa phrase « ces arrêts ne sont susceptibles d’aucun recours, sauf interprétation ou rectification d’erreur matérielle tel que prescrit à l’article 93 Al.4 de sa loi organique », aucune juridiction ne peut « revirer ses décisions » rendues dans une cause pour prétendre appliquer la nouvelle décision à la même cause, tout ce qui lui est permis c’est de changer sa « jurisprudence », en voulant appliquer sa nouvelle « jurisprudence » à une nouvelle cause similaire, décidant donc de ne pas trancher celle-ci comme elle l’avait fait dans celle-là. En effet, le « revirement » ne vaut que pour les « affaires » à venir, pour les situations même intervenues antérieurement mais non encore tranchées, non encore devenues des « affaires » ou « espèces » ou « cases » tranchés, et qui lui sont amenés devant elle, et à propos desquelles la juridiction cesse de recourir à la « jurisprudence » qui était la sienne jusque-là, ou à l’obiter dictum, ayant fondé sa décision antérieure, afin de trancher autrement ces nouvelles affaires ; le contenu d’une décision de justice ayant définitivement  acquis force de la chose jugée ne peut se voir modifier.

Donc, les divergences apparaissent, entre mes censeurs et moi, sur les conséquences à tirer de cette cohabitation de deux arrêts contradictoires si on les aborde au regard d’une même affaire.

C’est le grand débat. Un de mes censeurs, me visant sans aucun doute parce qu’il n’a parlé de ça qu’après mes propos dans l’ouvrage et à la télévision, affirme à deux reprises qui me sont connues qu’il croit que le revirement jurisprudentiel rétroagit mais « pour le cas présent, ça se discute » et, en fait, il n’ose pas se prononcer. Tandis que d’autres, sans nuance et sans rien expliquer, n’abordant même pas la problématique de rétroactivité, affirment pour les besoins de la cause et, parce que télécommandés, que la Cour doit recommencer l’affaire.

C’est quoi la rétroactivité du revirement de jurisprudence ? Mais c’est la rétroactivité de toute jurisprudence, en effet, ayant un rôle interprétatif, la jurisprudence, par nature, à la différence de la loi, porte sur des situations passées, parce que ce sont les faits déjà réalisés qui sont soumis au juge et qui sont tranchés par la décision de justice ; dans ce sens, cette dernière rétroagit, tandis que la loi ne concerne que les situations et les faits nés postérieurement à son adoption, elle ne rétroagit pas, sauf en matière pénale lorsque la nouvelle loi est plus clémente.

Conséquences de l’autorité et de la force de la chose jugée                        

Autre chose est de savoir si une décision de revirement annihile et annule juridiquement un règlement d’une affaire par une décision ayant autorité de la chose jugée en tant que vérité judiciaire et force de la chose jugée parce qu’elle n’est plus susceptible de recours et est devenue définitive, autrement dit, si la même juridiction peut annuler son arrêt définitif, ou devenu définitif, pour réexaminer la même affaire, avec le même objet et les mêmes parties. Là où l’ami cité ci-dessus hésite, moi je suis catégorique, c’est NON.

En effet, si dorénavant les situations apparues avant lui seront traitées par le revirement, et c’est en cela que consiste la rétroactivité du revirement comme de toute décision de justice, il s’agit de situations ou faits non encore réglés par une décision de justice définitive. Comment peut-on oublier qu’une décision de justice ne peut être revisitée que par le moyen des différentes voies de recours et tant qu’elle est encore provisoire, mais une fois devenue définitive, ou étant définitive parce que insusceptible de recours, il ne peut y intervenir aucun changement. La chose jugée est irrévocable, sauf, rarement, cas exceptionnel de révision pour fait nouveau, pour être complet, disons que le fait nouveau peut être une fraude découverte et prouvée après coup et qui aurait déterminé la décision. Et on n’en est pas là, personne ne parle de quelque fait nouveau ; on ne sait jamais, un miracle est toujours possible.

Je ne sais pas si ceux qui parlent le savent ou tout simplement l’ont remarqué. Mais, dans cette logique de la chose jugée, en réalité on ne parle de revirement véritable que s’agissant de juridictions suprêmes, en particulier la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat, lorsqu’elles interviennent sur pourvoi ou recours afin de ne régler que les questions de droit, sans plus toucher aux faits du fond, comme cela découle de la nature de ces juridictions.

C’est parce qu’on ne revient plus sur la cause tranchée, même si le « principe jurisprudentiel », le raisonnement juridique, l’interprétation, la ratio decidendi, qui sera dorénavant suivi par le juge du fond est, pour les situations ou faits similaires, différent, celui indiqué par la décision de revirement ; ainsi, on comprend bien facilement que la « jurisprudence » à propos de laquelle on parle de revirement n’est pas la décision de fond et que ce revirement n’impacte pas sur les causes ou espèces déjà définitivement tranchées, mais concernent les situations et faits antérieurs non encore tranchés par une décision de justice définitive.

Quelle solution ?

Alors, tant qu’à faire, il serait plus correct de faire le procès de la Cour en son arrêt 0001 et dire que celui-ci est mauvais, et justement de montrer ce qui aurait dû être le raisonnement juridique exact que la Cour aurait dû alors suivre et la décision qu’elle aurait dû alors prendre. Certains, vilipendant les « constitutionnalistes », trouvent une solution simple par le droit pénal, on met au goût du jour la fameuse « cristallisation » ; mais le droit constitutionnel aussi, parce qu’il s’agissait en réalité d’une question d’interprétation de la constitution, enseigne les méthodes, techniques et règles d’interprétation grâce auxquelles, notamment la règle de « l’effet utile », la solution voulue aurait pu être trouvée. C’est vrai que ceci n’est connu que de ceux qui ont vraiment étudié le vrai droit constitutionnel et développé une pensée là-dessus.

Quelle conclusion ?

En attendant, pour tout ce qui a été déroulé et démontré ci-dessus, le 1816 a effectivement dit que la Cour est le juge pénal de tout Premier ministre, même ancien et elle l’est, c’est acquis ; cet arrêt 1816 continuera de cheminer parallèlement au 0001, sans le croiser pour le faire disparaître, lequel est lui aussi bien là, le 1816 continuera son chemin et sa vie au regard des nouvelles « affaires » ou « espèces » ou « cases » (se rappeler la différence faite ci-dessus entre « situations  ou « faits » et « espèces » ou « affaires » devant une juridiction),  sans pouvoir annihiler le fond de l’arrêt RP0001, coulé dans le roc de l’autorité et de la force de la chose jugée. Désolé pour ceux qui ne comprennent pas, qu’ils creusent la question, pour ceux qui en sont capables. Tout ce qui se fait après, n’est que voies de fait.                                          

AMK’a-T.                

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