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Lettre ouverte et « recommandée » à Monsieur Félix Tshisekedi, Mon Président de la République : « Révision constitutionnelle ou progrès social ? Réponse dans la peau de Karl Marx - Laprosperite
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Lettre ouverte et « recommandée » à Monsieur Félix Tshisekedi, Mon Président de la République : « Révision constitutionnelle ou progrès social ? Réponse dans la peau de Karl Marx

Par La Prospérité
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(Par le Prof. OSONGO-LUKADI Antoine-Dover, Habilité à Diriger des recherches de philosophie à l’Université de Poitiers en France, Docteur en philosophie et lettres à l’Université Catholique de Louvain en Belgique, Professeur d’Universités et Membre de l’Association des Philosophes Américains, (APA)

Kinshasa, le 13 mai 2024

  1. Tout à gauche pour le deuxième mandat

Excellence Monsieur le Président de la République, je vous écris cette modeste missive, dont j’espère qu’elle vous parviendra pour vous dire non seulement mon opposition à la révision  constitutionnelle à laquelle vous vous engagez de nouveau alors que les combats s’intensifient à l’est du pays, que les déplacés, nos femmes violées au quotidien, nos enfants déportés voire séparés de leurs familles, que la rébellion gagne du terrain chaque jour et par la même occasion confisquent et exploitent les minerais de notre pays en toute illégalité et en toute impunité  mais,  pour vous que vous faites fausse route. On peut se demander quels types de conseillers avez-vous quand ils ne sont pas capables de vous dire que la révision constitutionnelle en ce moment serait non pas uniquement une diversion innommable mais aussi un crime contre votre propre peuple.

Vous êtes le Président du « Peuple d’Abord », celui qui vous a porté majoritairement au suffrage universel avec plus de 80 % de voix, allez disons-le comme cela. L’opinion a constaté avec tristesse comment certains leaders de l’opposition soi-disant, irréfléchis, battus sèchement à la dernière élection présidentielle, mais plutôt minés par la pauvreté, et à la recherche des enveloppes remplies de billets verts pour se donner une seconde jeunesse et de soigner leurs train-train mondains immonde voire abracadabrantesque, se sont empressés éhontement à vous y apporter leur soutien. C’est impossible, même au nom d’un corridor républicain, d’apporter son soutien au projet que vous initiez en ce moment vu la situation de la guerre dans le pays et les conditions sociales, économiques dérisoires voire humaines catastrophiques que traverse « le peuple d’abord » qui vous avez élu au détriment des « candidats dits de l’étranger ».

Excellence Monsieur le Président, ne donnez pas l’impression à vos nombreux électeurs que nous avons été que vous les abandonniez ou que vous n’écoutiez pas leurs supplications. Il n’y a rien de plus sombre voire de plus dangereux voire même de plus inconséquent qu’un chef d’Etat qui n’écoute pas son peuple. La politique est un jeu a priori, mais pour s’y en sortir, il faut savoir jouer aux échecs et jusqu’à présent, vous n’avez pas encore su gagner ne-fût-ce qu’un seul échec, surtout sur le plan de la politique internationale.

Si le peuple ne croit plus en vous, alors que vous avez été son chouchou, c’est parce que, si on ne vous le dit pas, il a l’intime impression, à tort ou à raison, que le pouvoir qu’il attendait de vous est plutôt au service des quelques membres de votre famille biologique, de vos amis ramenés de la diaspora (j’en fais partie mais en tant que professeur d’universités plutôt que politicien et donc vendeur d’illusions funestes) et des plusieurs politiques congolais sans éducation patriotique primaire, on a vu certains faire élire leurs enfants, leurs femmes, leurs beau-fils, leurs beaux-frères, leurs pasteurs, leurs concubins au Sénat, au Parlement, au provincial, sans jamais penser au principe élémentaire de toute gouvernance consistant au partage du pouvoir.

Excellence Monsieur le président, je ne suis pas juriste et ne connais rien de la chimère qu’on appelle la constitution, j’y donnerai donc ma langue au chat. Sauf qu’avec l’expérience aidant, l’image que cela donne dans l’opinion est que c’est comme si vous vouliez vous accrocher au pouvoir, ce que beaucoup de gens il y a quelques années passées, notre UDPS de papa Etienne Tshisekedi et vous-mêmes en première ligne, avaient reproché à l’ancien président Joseph Kabila Kabange.

En convoquant prochainement un énième rendez-vous, cette fois-ci autour de la révision constitutionnelle, c’est encore plusieurs milliers de dollars américains qui seront défalqués du trésor public pour nourrir et enrichir les mêmes pauvres et délinquants de la république et leurs familles, amis et connaissances, au détriment du peuple souverain voire des plusieurs militants de l’UDPS qui ne se sont jamais retrouvés ni financièrement,  ni professionnellement depuis que vous êtes à la tête du pays.

De telle sorte que personnellement j’ai peur que cela puisse susciter encore davantage plus de récusation tant de votre personne que de votre pouvoir tant dans les militants de votre parti cher que dans les populations congolaises.

Or, il me semble plutôt que la seule façon de rester populaire dans l’opinion, c’est de se donner corps et âme dans la lutte contre la corruption, le détournement des deniers publics, les escroqueries diverses, le laisser-aller, les chantages en tout genre et évidemment de rétablir l’ordre politique à l’est de notre pays. Or je ne pense pas que ce soit la révision constitutionnelle qui mettra fin à un tel bordel ou vous fera entrer dans l’histoire de notre pays ou des vrais chefs d’Etats qui auront marqué l’humanité tout entière.

Or, je n’ai pas besoin de vous citer des exemples. Vous en savez certainement aussi mieux que moi-même. Votre père biologique notre leader éternel Etienne Tshisekedi d’heureuse mémoire en était un. Il vous reste à suivre ou à prendre exemple sur lui pour entrer véritablement dans le cœur des plusieurs congolais voire des nombreux africains, qui ne comprennent pas très bien (réseaux sociaux aidant) votre façon de gouverner, jugé plus euro-occidentaliste que panafricaniste,  voire pro-russo-sino-nord-coréenne.

Excellence Monsieur le président, pourtant ayant succédé à l’ancien président Joseph Kabila Kabange, de toute ma gratitude pour ma réintégration imposée à l’Institut Supérieur Pédagogique de la Gombe, vous aviez un boulevard triomphal pour le faire oublier. Il suffisait de prendre des mesures sociales fortes ; vous en aviez pris quelques-unes dont la gratuité de l’enseignement, la gratuité de la maternité, le projet de 145 territoires, Trans Academia, on ne pourra jamais ne pas le reconnaître.

Malheureusement, la guerre à l’est du pays piétine, la dépréciation monétaire face au dollar américain a atteint des niveaux records, la pauvreté exponentielle dans le peuple, à telle enseigne que l’écart entre les pauvres et les riches de plus cruciale. Vous en conviendrez avec ma modeste personne que ce n’est pas l’objectif pour lequel vous avez été élu par deux fois à la tête de notre pays en tant que Chef de l’Etat, Président de l’UDPS parti majoritaire. Ce parti qui est un patrimoine national plutôt qu’une propriété privée des quelques égoïstes et anarchistes  -, qui se servent, se partagent, prennent tout pour eux, s’enrichissent du gain de son accession au pouvoir, nous laissant nous autres militants « étiennistes » dans l’ombre soit par cupidité, soit par crainte de nos intelligences universitaires mondialement connues et reconnues  -, est arrivé effectivement au pouvoir pour rendre concret, visible votre slogan « Le Peuple d’Abord », plutôt que pour laisser balkaniser la République Démocratique du Congo que pour aggraver mortellement l’écart entre riches et pauvres, entre bourgeois et prolétaires.

Excellence Monsieur le président, laissez-moi faire ici et maintenant, c’est l’occasion tant rêvée, intervenir le philosophe allemand Karl Marx pour vous instruire à ce sujet-ci, sur l’écart entre bourgeois et prolétaires. Le marxisme explique la puissance et la force de la Russie, de la Chine, de la Corée du Nord et d’autres pays qui l’ont adopté comme philosophie et idéologie politique.

En attendant, je vous informe Excellence Monsieur le Président, en ma qualité de professeur d’universités, qu’au jour d’aujourd’hui, et ce depuis votre accession à la magistrature suprême, que je perçois à peine 1000 dollars mensuels à cause de l’érosion voire de la dépréciation monétaire. Pire au moment où je vous écris cette lettre, mes salaires des mois de mars et d’avril n’avaient toujours pas été payés et au même moment, j’entame le mois de mai de l’an 2024, sans toujours percevoir un centime de mes salaires. Ce n’est ni aimable ni respectueux. Pourtant, je ne suis pas, comme tous mes autres collègues, en grève, non pas par peur d’on ne sait qui et ni encore moins par lâcheté, mais par amour patriotique et pour notre soutien à votre propre personne, ainsi que nous l’avions brillamment manifesté pour votre réélection. Nous vous aimons beaucoup Excellence Monsieur le président, malheureusement nous observons que ce n’est pas du tout réciproque. Or négliger ou vous couper de votre propre corps professoral, c’est vous priver d’une frange d’hommes et de femmes capables de vous apporter des réflexions objectives parce qu’opposables dans votre conduite des affaires humaines, bref culturelles.

Excellence Monsieur le Président, j’en reviens maintenant à la réponse de Karl Marx aux difficultés présentes et à venir que vous rencontrez déjà et rencontrerez, sans doute demain voire après-demain dans l’exercice de votre gouvernance.

C’est un conseil gratuit, évidemment à prendre ou à laisser. Je dis cela parce que j’ai observé que malgré la dénomination de l’UDPS parti au pouvoir, la politique voire l’idéologie en cours aujourd’hui en RDC n’est pas de gauche mais au contraire de la droite capitaliste, mondialiste, occidentaliste basée sur l’exploitation de l’homme par l’homme et ipso-facto l’aggravation de la fracture sociale entre les pauvres et les riches. Pourtant l’UDPS doit, pour réussir votre passage à la tête de ce pays, revenir aux principes élémentaires de la sociale démocratie qu’on ne trouve ni à Washington, ni à Paris, ni à Bruxelles, ni à Berlin, ni à Londres, ni à Ottawa, mais plutôt à Moscou, à Pékin, à Pyongyang, à Johannesburg, à Rio Janeiro, au Venezuela, à Ouagadougou, à Bamako, au Niger, etc.

  1. Réponse de Karl Marx sur la nécessité d’un pouvoir effectivement social, anticapitaliste et anti-impérialiste

Excellence Monsieur le président, je commencerai par ce que Karl Marx a appelé le matérialisme historique. Le matérialisme historique, ou conception matérialiste de l’histoire, est une méthode marxiste d’analyse de l’histoire, dans une perspective matérialiste. Elle induit l’idée, présente dans les écrits de Karl Marx et Friedrich Engels, que les événements historiques sont influencés par les rapports sociaux, en particulier les rapports entre classes sociales, donc par la situation réellement vécue par les êtres humains. Cette conception accorde une part essentielle à l’économie dans les transformations du monde. Maximilien Rubel définit la conception matérialiste de l’histoire comme un « instrument de connaissance et d’explication de la réalité sociale et historique ».

Le matérialisme historique apparaît à la fois comme une vue économique de l’histoire et comme une vue historique de l’économie : il participe de la philosophie de Marx et Engels en exposant comment la production des moyens d’existence a bouleversé la place de l’homme dans la nature. Faisant partie intégrante de l’école dite du socialisme scientifique , il constitue le versant sociologique du marxisme.

 Karl Marx et Friedrich Engels entreprennent de bâtir une conception cohérente de l’histoire alors qu’ils rédigent, en 1845-1846, L’Idéologie allemande. L’ouvrage reste longtemps inédit et n’est publié dans sa version intégrale qu’en 1932. L’effet de cette réflexion, qui aboutit à l’exposé des principes fondamentaux de la conception matérialiste de l’histoire, se ressent cependant dès lors sur les œuvres postérieures, dès l’époque de la rédaction du Manifeste du Parti communiste. Marx rompt avec les conceptions « idéalistes » du mouvement historique que l’on trouve chez Hegel et Proudhon ; lui-même n’emploie pas le terme de « matérialisme historique »  mais,  l’expression de « conception matérialiste de l’histoire ». En 1859, Marx fait précéder le premier fascicule de sa Contribution à la critique de l’économie politique d’un avant-propos dans lequel il détaille ce qui sert de « fil conducteur » à ces travaux : dans ce texte, il résume ce qui prend par la suite le nom de « matérialisme historique ». L’expression elle-même est créée par Engels en 1892. L’idée fondamentale de Marx est que « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé».

La conception matérialiste de l’histoire cherche à analyser les causes des développements et des changements qui s’opèrent dans les sociétés. Une importance est notamment donnée aux conditions d’existence réelle des êtres humains, aux rapports entre les classes sociales, et à leur influence sur les évolutions historiques. L’évolution de chaque mode de production s’est déroulée de manière dramatique, sous le signe de conflits multiples et de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Dans l’optique marxiste, la lutte des classes, que Marx et Engels considèrent comme la clé de l’économie politique, est le principal moteur du déroulement de l’histoire : structurante, générale, elle existe dans toutes les sociétés et prend une forme particulière dans la société capitaliste, où elle oppose le prolétariat à la bourgeoisie. Ce rôle de moteur de l’Histoire est résumé ainsi dans le Manifeste du Parti communiste: « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de luttes de classes » (même si une note d’Engels nuance ce propos). Selon André Piettre, dans la perspective marxiste, les rapports économiques évoluent selon une dialectique de rapports de force, suivant la lutte perpétuelle des puissants et des faibles, les premiers exploitant les seconds : l’histoire n’est pas menée par le mouvement des idées, mais en premier lieu par les données matérielles et leurs luttes intestines.

Selon Anton Pannekoek, « le matérialisme historique retourne aux causes d’où proviennent ces idées : les besoins sociaux qui sont déterminés par les formes de la société »].

Excellence Monsieur le président, dans la perspective du matérialisme historique, l’histoire résulte du lien que les hommes entretiennent avec la nature : dès lors que le premier outil est créé, la transformation du milieu naturel débute. L’histoire commence vraiment lorsque des changements culturels résultent de la création de l’outil, qui était initialement destiné à répondre à des besoins sociaux élémentaires. L’évolution culturelle des sociétés humaines est donc indissociable de son environnement technique, et par conséquent du développement de ses structures économiques et sociales. Dans la société humaine les individus entrent dans des rapports déterminés, qui sont des rapports sociaux, dont ils ne peuvent se séparer et dont dépend leur existence : ces rapports ne sont pas créés par leur conscience, mais constituent l’être social de chaque individu (« Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience », selon Marx), l’homme est le produit de son milieu. Les hommes produisent leur vie, dépassant par là le stade de la vie animale (naturelle) sans pour autant pouvoir s’affranchir totalement de leur rapport à la nature : les rapports fondamentaux de toute société sont donc les rapports de production, qui constituent sa structure essentielle. Les rapports de production sont constitués de trois facteurs ou éléments : les conditions naturelles, les techniques, et enfin l’organisation et la division du travail social (salariat, esclavage, servage…).

Ensuite, je viens ensuite à ce que Karl Marx avait nommé le matérialisme dialectique. Marx et Engels reviennent à partir de la fin des années 1850 à une méthode dialectique, reprise à Hegel et qui imprégnera par la suite le marxisme. Le mouvement de l’histoire peut dès lors se résumer également sous une forme correspondant à la triade thèse-antithèse-synthèse : chaque mouvement (thèse) donne naissance à sa contradiction (antithèse), et il y a passage à l’échelon supérieur par la négation de la négation (synthèse). À la thèse du communisme primitif originel succède l’antithèse de la propriété privée des moyens de production, dont découlent la lutte des classes et toute l’histoire de l’économie et des sociétés. Cette antithèse fera finalement place à la synthèse d’une société sans classes, qui formera le nouveau communisme[, défini par le développement sans limites internes des forces productives, le dépassement des classes sociales, et l’organisation rationnelle des rapports de production correspondant au niveau atteint par les forces productrices. La connaissance rationnelle, en dominant l’ensemble du processus, permet de résoudre enfin les contradictions sociales.

Marx et Engels entreprennent également d’adopter, en philosophie, les enseignements de leur conception matérialiste de l’histoire, en évaluant objectivement les formations de la conscience en les rapportant à leur base réelle et sociale. Ces travaux aboutissent, après la mort de Marx, à une élaboration matérialiste de la dialectique, qui reçoit par la suite le nom de matérialisme dialectique, concept rattaché au versant philosophique du marxisme.

  1. Pour plus d’attention face à la menace populaire due à l’aliénation sociale

Excellence Monsieur le président de la république, j’en viens ici à la principale menace contre votre gouvernance, dont si on ne vous le dit jamais, je m’en presse quant à moi, en tant que chercheur et ancien combattant « étienniste », de vous mettre la puce à l’oreille. Il s’agit de la lutte des classes. Quand vous regardez l’histoire de notre pays  -, mettons hors champ de notre vue d’autres cas du monde, l’histoire ne donnant jamais de leçon pestait l’allemand Hegel dans sa « Phénoménologie de l’Esprit » et avec raison  -, tous les changements des régimes se sont faits souvent dans et par la violence, sauf néanmoins en 2019 entre vous et Joseph Kabila Kabange où l’on a assisté à une passation pacifique et civilisée du pouvoir entre donc un chef d’Etat sortant et entrant, dont nous nous sommes tous félicités. Sachez donc, Excellence Monsieur le président, que dans l’histoire de l’humanité, les révolutionnaires, c’est-à-dire ceux qui éclaboussent en premier le pacte républicain, ne sont pas les riches mais au contraire les pauvres. Ce sont ces derniers qui s’estimant les plus lésés au fait qu’ils produisent davantage de richesses pour n’y être rétribués qu’en monnaie de singe, qui déclenchent selon la logique évidente de Karl Marx les mouvements sociaux voire au pire les révolutions qui occasionnent les chutes des régimes.

C’est légitimement pour nous éviter ce genre de troubles sociaux et afin de conserver les acquis du 19 Janvier 2019 avec vous président de la république, que j’ai choisi franchement aujourd’hui vous résumer quelques déclarations du philosophe allemand sur la fracture sociale entre les bourgeois et les prolétaires, les riches et les pauvres qui a constamment occasionné la lutte des classes pouvant déboucher, si elle est bien orchestrée et encadrée par les mouvements ouvriers, les syndicats, à la révolution politique de grande ampleur.

Excellence Monsieur le président, en effet pour K. Marx, la naissance de la classe prolétarienne est liée à la naissance de la classe bourgeoise. Il indique donc comment « Les conditions bourgeoises de production et d’échange, les conditions bourgeoises de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait éclore, comme par enchantement, de si puissants moyens de production et d’échange, cela rappelle le sorcier impuissant à maîtriser les forces infernales accourues à son évocation ». C’est donc,  en raison directe de sa vocation universelle, et de sa tendance à l’expansion mondiale et au progrès indéfini, commente J-Y. Calvez, que la bourgeoisie provoque l’avènement de la nouvelle classe ; qu’elle secrète en, quelque sorte cette classe, qui n’est qu’une forme renouvelée de classe barbare, mais qui, à la différence de groupes sociaux des anciennes barbaries, est universelle et radicale, comme la bourgeoisie qui lui a donné naissance. Marx montre donc,  comment « Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent à présent contre la bourgeoisie elle-même. Mais la bourgeoisie ne s’est pas contentée de forger les armes qui lui donneront la mort ; c’est elle encore qui a produit les hommes qui se serviront de ces armes,-les ouvriers modernes, les prolétaires ». Ce qui amène J-Y Calvez au constat selon lequel « Il y a un parallélisme entre le progrès de la bourgeoisie et celui du prolétariat : celui-ci n’est que l’envers de celle-là. Et si la bourgeoisie avait une vocation universelle, la vocation du prolétariat n’est pas moins universelle.

Cependant, et c’est là une caractéristique décisive, l’universalité à laquelle est vouée la classe prolétarienne est toute négative, toute péjorative, à la différence de la mission optimiste de la bourgeoisie ». Et d’ajouter comment ce caractère négatif apparaît à tous égards (…) en ce que le travail de l’ouvrier prend un caractère universel (…),  c’est-à-dire,  indifférencié, informe, par suite de la division du travail et de l’avènement des tâches parcellaires. Marx montre comment « Le développement du machinisme et la division du travail ont fait perdre au travail des prolétaires tout caractère d’indépendance, et par suite, tout attrait pour l’ouvrier. L’ouvrier devient un simple accessoire de la machine, et on ne lui demande plus que le « coup de main » le plus simple, le plus monotone, le plus facile à apprendre ».

En d’autres termes, J-Y. Calvez montre comment l’ouvrier lui-même devient un être abstrait. Il ne compte plus comme personne, mais seulement comme force de travail. Il est un frais de production parmi les autres. Le capitaliste tend à en réduire le coût. D’où la constatation de Marx suivant laquelle « Les frais que l’ouvrier occasionne se réduisent presque exclusivement au coût des moyens de subsistance dont il a besoin pour s’entretenir et perpétuer sa race. Or,  le prix d’une marchandise, donc aussi le prix du travail, est égal aux frais de production de cette marchandise ».

Pour Marx, « L’industrie moderne a transformé le petit atelier du maître-artisan patriarcal en la grande fabrique du capitaliste industriel. Des masses d’ouvriers, entassés dans l’usine, y sont organisés militairement. Simples soldats de l’industrie, ces ouvriers sont placés sous la surveillance d’une hiérarchie complète de sous-officiers et d’officiers ».

Excellence Monsieur le président, prenons un exemple où dans une fabrique, remarque J-Y. Calvez, l’ouvrier est déshumanisé ; les ouvriers deviennent des masses, c’est-à-dire le contraire d’une société.

Les personnes qui composent ces masses perdent tous les caractères qui les différenciaient antérieurement, de telle sorte que du jour où le machinisme permet l’utilisation de travailleurs de n’importe quelle qualité, les femmes sont mises au travail au même titre que les hommes, quand elles ne prennent pas leur place, et de même que « les différences de sexe et d’âge n’ont plus de signification sociale pour la classe ouvrière ».

Ainsi, ne tenant aucun compte des différences naturelles, fondement indirect de maintes structures sociales, le capitaliste réduit tous les travailleurs à n’être que « des instruments de travail » : il les voue à la plus stupide uniformité. Donc essentiellement indifférencié en raison de la division du travail et de l’introduction du travail parcellaire, en raison de la tendance à traiter l’ouvrier comme un simple frais de production, en raison de la déshumanisation par l’usine qui prépare la constitution de « masses » anonymes, enfin en raison de l’uniformité introduite par le mode de travail, à l’encontre de toutes les différences naturelles et sociales qui distinguent les personnes, la classe ouvrière va jusqu’à perdre la personnalité même que semble lui conférer cet épithète : elle sert de refuge aux membres déclassés des anciennes classes entraînées dans la décadence par l’ascension capitaliste. Ceux-ci tombent dans le rang de cette masse sans forme : classes moyennes anciennes, petits industriels, commerçants et rentiers, artisans, paysans.

Excellence Monsieur le président, sachez en suivant K. Marx que « Le prolétariat se recrute dans toutes les classes de la population ». Paradoxe d’une classe qui n’est que la résultante de la ruine de toutes les classes antérieures, et dont toute la personnalité est d’être le dénominateur commun et pourtant réel de toutes les classes qui ont perdu leur personnalité.

De telle sorte que c’est ce caractère indifférencié, massif et uniforme qui confère au prolétariat sa propre universalité, parallèle à la visée universaliste et conquérante de la classe bourgeoise, mais c’est une universalité dans la pauvreté, une universalité par défaut d’originalité et de personnalité. En négatif, le prolétariat est tout ce qu’est à sa manière la classe bourgeoise. Une situation qui détermine selon J-Y. Calvez la signification politique de la nouvelle classe. Elle est l’envers de la classe bourgeoise, elle apparaît donc comme classe essentiellement dominée, en face d’une classe qui a accaparé le pouvoir. Elle est essentiellement en lutte : « Sa lutte contre la bourgeoisie, écrit Marx, commence avec son existence » Quant au développement progressif de sa situation politique fondamentale, il est l’approfondissement progressif de cette lutte, qui devient de plus en plus consciente d’elle-même et de plus en plus radicale ».

Excellence Monsieur le président, l’aliénation sociale, telle que je viens de vous présenter à la suite des idées sociales révolutionnaires de Karl Marx, précède l’aliénation du travail. J-Y. Calvez montre donc comment, avant même d’analyser en détail le phénomène central de la production capitaliste, Marx avait pris la mesure de ce que sont ces deux hommes, le prolétaire et le patron capitaliste: d’un côté,  les « ouvriers dépourvus de toute propriété » et d’un autre côté les « propriétaires ». L’homme est ainsi radicalement divisé : la division qui est en chaque homme, et qui se transpose en une division qui oppose deux hommes ; et qu’il en est ici comme de la conscience de soi dans la philosophie de Hegel : avant d’atteindre à sa reconnaissance, la conscience de soi scindée et aliénée se partage entre plusieurs protagonistes qui représentent chacun un « côté » seulement de la vérité de l’homme, le maître et l’esclave. Le maître s’oppose à l’esclave, mais porte en lui-même l’aliénation, et il en est de même de l’esclave, aux premières étapes de la dialectique célèbre.

Pour Marx, le propriétaire capitaliste joue le rôle du maître ; l’ouvrier dénié de toute propriété joue le rôle de l’esclave. L’un et l’autre portent en eux-mêmes l’aliénation dont leur opposition n’est que la manifestation extérieure. Ces deux hommes qui s’opposent sont le signe de la division qui est finalement en chaque homme, dans les conditions du capitalisme. Hegel, pour sa part, commençait sa célèbre description par les traits du maître et les caractéristiques de sa situation. Marx commence au contraire par camper le prolétaire.

Excellent Monsieur le président, reprenant Marx qui montre comment « L’ouvrier s’appauvrit à mesure qu’il produit la richesse, à mesure que sa production gagne en puissance et en volume », J-Y. Calvez est du même avis que la production capitaliste entraîne d’abord l’appauvrissement continu de toute une partie de la population.

Car, en réalité, l’ouvrier, poursuit-il, se perd lui-même dans le processus de production. De telle sorte que pour Marx « Plus il crée de marchandises, plus l’ouvrier devient lui-même une marchandise vile. La dévalorisation des hommes augmente en raison de la valorisation directe des objets. Le travail ne produit pas seulement des marchandises, il se produit lui-même et il produit l’ouvrier comme des marchandises dans la mesure même où il produit des marchandises en général ». Conséquence, note J-Y. Calvez, « L’ouvrier se perd comme homme et devient chose dans l’acte économique de production ».

Chez Marx cette aliénation se présente sous un double aspect suivant : Premièrement, « Le rapport entre l’ouvrier et les produits du travail comme objet étranger et comme objet qui le domine. Ce rapport est en même temps son lien avec le monde environnant sensible, avec les objets de la nature, monde sensible hostile à l’ouvrier »;

Secondement,  «Le rapport du travail avec l’acte de production à l’intérieur du travail. C’est la relation de l’ouvrier avec son activité propre comme une activité étrangère, qui ne lui appartient, une activité qui est souffrance, une force qui est impuissance, une procréation qui est castration ». Pour J-Y. Calvez, c’est donc, à la fois, le rapport du travailleur avec le produit de son travail et son rapport avec ce travail lui-même qui portent la marque de l’aliénation.

Excellence Monsieur le président, il s’agit donc de ceci pour Marx de montrer que « L’objet que le travail produit, le produit du travail vient s’opposer au travail comme s’il s’agissait d’un être étranger, comme si le produit était une puissance indépendante du producteur ».

Qu’est-ce ça signifie ?

Que pour Marx, l’ouvrier est d’abord aliéné par rapport à son produit ; que celui-ci lui échappe ; qu’aussitôt qu’il est créé, fait, l’ouvrier en est dépossédé ; que l’ouvrier ne perd pas seulement son produit, mais que son produit se présente en face de lui comme une puissance hostile : transformé en capital, poursuit J-Y. Calvez, il devient l’instrument d’exploitation de sa force de travail. Plus le capital s’accroît du fruit de son travail, et plus il se pose face à l’ouvrier en maître, plus l’ouvrier doit en passer par ses conditions, car, une fois que le capital domine le système économique tout entier ou presque tout entier, l’ouvrier ne peut plus vivre qu’en se louant à lui. Le produit du travail devient ainsi, en face de l’ouvrier, objet (Gegen-stand), il se tient en face de lui comme une chose qui ne lui appartient pas et à laquelle il se trouve opposé comme sujet ». Les conséquences de ce processus ne tardent pas à se faire jour, au point que pour Marx « La réalisation du travail prend l’aspect de la déréalisation à un degré tel que l’ouvrier se voit dépouillé de sa réalité au point de mourir affamé.

L’objectivation prend l’aspect de la perte de l’objet à un degré tel que l’ouvrier est dépouillé non seulement des objets nécessaires à la vie, mais encore des objets même du travail. Bien plus, le travail devient lui-même un objet dont il ne parvient à s’emparer qu’au prix d’un immense effort et avec des interruptions très irrégulières. L’appropriation de l’objet se manifeste si bien comme aliénation que plus l’ouvrier produit d’objets, moins il peut en posséder, et plus il tombe sous la domination de son produit qui est le capital ».

Excellence Monsieur le président, comme vous l’entendez, il s’agit là d’une situation contradictoire tant du capital, qui ne peut subsister comme capital qu’en accroissant la misère de l’ouvrier, que de l’ouvrier, qui ne peut subsister comme ouvrier qu’en accroissant le capital. Richesse et misère, à la fois. Et la richesse croît dans la même proportion que la misère. K. Marx montre alors comment «le travail produit des merveilles pour les riches, mais pour le travailleur il produit le dépouillement. Il produit des palais, mais pour l’ouvrier il produit des taudis. Il produit la beauté, mais pour l’ouvrier c’est l’infirmité. Il remplace l’ouvrier par les machines, mais il rejette une partie des ouvriers vers un travail barbare et transforme l’autre moitié en machines. Il produit l’esprit, mais pour l’ouvrier il produit l’absurdité, le crétinisme ».

Pourtant c’est dans l’acte de production, que pour Marx, l’aliénation atteint son point culminant. C’est dans l’acte de production qu’il en est véritablement aliéné eu égard à son propre produit. Chez K. Marx cette situation, explique J-Y Calvez, se passe de la façon suivante : « Premièrement, le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire il n’appartient pas à son être ; par conséquent il ne s’affirme pas dans son, bien au contraire il s’y renie ; loin d’y être heureux, il s’y sent malheureux ; il n’y développe aucune énergie libre, ni physique, ni morale, mais y mortifie son corps et y ruine son esprit.

Et c’est pourquoi, l’ouvrier ne se sent lui que lorsqu’il a quitté son travail ; quand il travaille, il ne se sent pas « à la maison ». Tandis que « Son travail par conséquent n’est pas volontaire, mais forcé ; c’est du travail forcé. Il n’est donc pas la satisfaction d’un besoin, mais un moyen pour satisfaire des besoins extérieurs à lui-même. Que le travail soit parfaitement étranger à l’ouvrier nous est clairement démontré par le fait qu’on fuit devant le travail comme devant la peste, quand il n’existe pas de contrainte physique ou autre. Le travail extérieur, le travail dans lequel l’homme sort de lui-même, est un sacrifice de soi, une mortification ».

Or, c’est ainsi, Excellence Monsieur le Président, que le travail, extérieur à l’homme, imposé à l’homme, n’est plus même son travail, car pour Marx « L’extériorité du travail par rapport au travailleur apparaît en ce que le travail n’est pas à lui, mais à un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans son travail il ne s’appartient pas, mais qu’il appartient à un autre.

De même que, dans la religion, l’activité propre de l’imagination humaine, du cerveau humain et du cœur humain, agit indépendamment de l’individu, elle est comme une activité étrangère, divine ou diabolique, s’exerçant sur l’individu, de même l’activité de l’ouvrier n’est pas son activité propre, elle est à un autre, elle est la perte de son individualité ».

De la sorte, le travail, activité proprement humaine de l’homme, assurant sa domination sur le monde naturel et sa supériorité sur le monde animal, échappe ici à l’ouvrier : car, celui-ci n’accomplit pas son travail, mais un travail qu’il a vendu et aliéné, un travail qui ne lui appartient plus, parce qu’il a loué pour un temps donné sa force de travail. De même, de cette aliénation d’une activité essentiellement humaine il résulte que les autres activités de l’homme perdent en l’ouvrier tout leur caractère de « culture » humaine et sont rabaissées à l’animalité.

L’homme, privé de son propre travail, se retrouve exclusivement dans l’exercice de ses fonctions inférieures ; mais celles-ci, exercées comme des fins en elles-mêmes, sont proprement instinctives ou animales : la liberté qui y cherchait un refuge, disparaît en réalité.

Excellence Monsieur le Président, sachez que ces deux types d’aliénation qui viennent d’être examinées par rapport à l’acte de travail et l’acte de production en cachent deux autres primo,  l’aliénation de l’homme par rapport par rapport à la nature et secundo,  l’aliénation de l’homme par rapport à l’autre homme. La première aliénation est « L’aliénation de l’homme par rapport à son produit et qui implique l’aliénation par rapport à la nature. Celle-ci prend pour l’homme figure d’ennemie.

C’est sur la nature que s’exerçait le travail ; l’homme s’objectivait en elle ; il produisait en quelque sorte la nature ou plutôt la reproduisait à travers chaque produit particulier de son activité. Mais lorsque son produit lui est enlevé, c’est la nature tout entière qui cesse d’être sienne. Quant à la seconde aliénation, elle est « L’aliénation de l’homme par rapport à l’homme, dernière caractéristique du travail aliéné pour l’ouvrier, est le signe d’une réciprocité entre la condition de l’ouvrier non-propriétaire et celle du propriétaire, qui est un autre homme, son opposé.

C’est ainsi que l’aliénation du travail aboutit à une polarisation des caractères de l’humanité, qui se répartissent sur deux groupes d’hommes, différents et directement opposés. Les uns et les autres ont une humanité tronquée ».

En d’autres termes, le propriétaire, l’autre homme qui apparaît face au travailleur, souffre d’une aliénation semblable à celle de l’ouvrier, mais semblable sur un mode inverse.

  1. Pour conclure sans conclure

Excellence Monsieur le président, vous êtes à la tête d’un pays, la République Démocratique du Congo, un pays béni par les cieux. Toutefois ce pays sera le plus grand et le plus beau non pas en théorie ni à force de déclarations voire de déclamations poétisantes et romantisantes  mais,  par l’action et la participation de tous à l’effort de guerre permanent pour défendre son intégrité territoire même en temps de paix.

L’expérience montre (regardez la Chine aujourd’hui) qu’aucun pays du Tiers-Monde ne s’est développé ni transformé grâce aux pays de l’OTAN et de l’UE et leurs contrefaçons FMI, BM, UNESCO, OMS, etc.

C’est pourquoi,  je vous invite à bien réfléchir sur la possibilité d’ouvrir la RDC vers la sociale démocratie et donc ouvertement à la Russie et le bloc BRISC, qui va très bientôt étrangler le dollar américain. Si la dédollarisation de l’économie mondiale a lieu pendant que la RDC était toujours attachée au bloc occidental et au dollar américain, notre peuple n’existera plus ni comme pays, Etat ni comme peuple.

Excellence Monsieur le Président, le capitalisme et le socialisme ont tous leurs avantages et leurs désavantages.

L’un des principaux atouts du capitalisme reste la production financière, du capital,  voire   de la richesse ; son grand désavantage est la plus-value prélevée indûment par les patrons bourgeois au détriment des travailleurs prolétaires. Le plus grand avantage c’est l’égalisation des chances et la dictature prolétarienne les faiseurs des richesses et des capitales, ajouter la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme.

L’Occident est capitalistes, hégémoniste, impérialiste, eugéniste ; bref, occidentaliste, c’est-à-dire, néo-esclavagiste et néocolonialiste. Le marxiste est socialiste, communiste, donc communautariste et il est à l’Est de l’Europe en Russie et en Asie en Chine et en Corée du Nord où la pauvreté et la richesse sont équitablement bien gérées.

Reste malgré tout, au sujet du marxisme, que dès les années 18801890, cependant, la conception marxiste de l’histoire est interprétée de manière mécaniste par des continuateurs de Marx. Engels lui-même critique en 1890, dans sa correspondance, la tendance des « jeunes » à donner « plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique ».

Pour Engels, la mise en avant de l’aspect économique par Marx et lui avait pour but de souligner le principe essentiel nié par leurs adversaires politiques. Mais la méthode matérialiste se transforme « en son contraire » dès lors qu’on l’utilise, non comme un fil conducteur de l’investigation historique, mais comme un modèle tout prêt.

Considérer que le facteur économique est seul déterminant revient à réduire la conception matérialiste à une idée vide et absurde : Engels souligne la relative autonomie des composantes de la superstructure sociale, au milieu desquelles « le mouvement économique finit par se frayer un chemin comme une nécessité au travers d’une infinie multitude de contingences », et met en garde contre la tentation d’établir des rapports directs et unilatéraux entre l’économie et les productions intellectuelles d’une société.

Après les décès de Marx et Engels, les débats théoriques sur le matérialisme historique sont étroitement liés aux questions stratégiques et tactiques posées au sein du mouvement révolutionnaire.

Les interventions de Plekhanov et de Lénine sont ainsi liées aux luttes au sein du mouvement socialiste. L’approche « révisionniste » prônée notamment à la fin du XIXe siècle par Eduard Bernstein remet par ailleurs en cause les analyses et les prédictions de Marx sur le déclin , Paris, Seghers, 1964du capitalisme, et anticipe le passage au réformisme de l’essentiel du mouvement socialiste européen. Sous le stalinisme, au contraire, le matérialisme historique – subordonné au matérialisme dialectique, lui-même présenté comme une doctrine à laquelle sont subordonnées les sciences dans leur ensemble – est interprété de manière rigide : dans Le Matérialisme dialectique et le matérialisme historique, publié en 1938 par Staline, le léninisme est figé dans une série de formules répétitives et de causalités mécaniques.

Excellence Monsieur le Président, outre les objections formulées en son temps par Engels sur les interprétations économistes de l’histoire, le matérialisme historique fait l’objet de critiques quant aux interprétations dogmatiques qui en sont faites.

En 1894 et 1895, Jean Jaurès mène avec Paul Lafargue une série de débats, au cours desquels il critique le dogmatisme des marxistes et leur conception matérialiste de l’Histoire.

Pour Jaurès, la révolution socialiste ne doit pas découler d’un déterminisme historique, mais de l’action d’hommes libres agissant en toute conscience : dans son optique, le socialisme, loin d’être le résultat de mécanismes historiques inconscients, se traduit avant tout par l’accomplissement de l’idée de justice et par une ère « où l’homme, au lieu d’être soumis aux choses, règlera la marche des choses ».

La notice consacrée au matérialisme historique dans le Dictionnaire critique du marxisme souligne le risque d’aboutir à « une conception fataliste de l’histoire qui renvoie aux philosophies qui soumettent le devenir des sociétés à une nécessité externe, abstraite, quasi mystique. Cette idéologie – au sens le plus péjoratif du terme – contribue toujours à faire admettre les lignes politiques les plus erronées ». Les auteurs insistent sur le risque de négliger l’étude concrète de la réalité au profit de « la projection sur le réel d’un schéma général sans efficacité » ; ils soulignent également le fait que la découverte des mécanismes de la nécessité interne et des lois des formations sociales ne doit pas conduire à adopter l’idée de « lois de l’histoire impliquant des modèles universels d’évolution et de transition, donc une théorie abstraite du mouvement historique ».

L’économiste André Piettre juge que la conception de Marx et Engels simplifie à la fois l’histoire et la notion même de classe : reprenant l’analyse de Raymond Aron, il juge que la « faiblesse de Marx sociologue » cède le pas à la force de « Marx prophète ». L’analyse marxiste apparaît comme une analyse finalisée, qui n’a pour but que de prédire l’avènement d’une société « enfin réunie en elle-même ».

Enfin,  Karl Popper critique quant à lui le matérialisme historique dans Conjectures et Réfutations et dans La Société ouverte et ses ennemis. Popper souligne d’une part l’intérêt de la démarche visant à s’intéresser aux conditions économiques et sociales pour comprendre l’histoire. Il écrit ainsi, parlant du rôle déterminant de l’économie dans le matérialisme marxiste : « On peut dire de l’économisme de Marx qu’il représente une avancée de grande valeur dans la méthode des sciences sociales ». Néanmoins, il critique fortement la partie historiciste du matérialisme historique et sa dimension de « prophétie historique ». L’économisme doit être utilisé avec modération, sans prétendre expliquer tous les événements. Sinon, en croyant pouvoir tout expliquer par les conditions économiques, la méthode ne passe pas le critère de réfutabilité qui est la pierre de touche de la pensée de Popper.

Enfin,  Excellence Monsieur le Président, malgré ces quelques critiques que vous venez d’entendre, aucune hésitation à appliquer le marxisme ou le socialisme effectif, c’est-à-dire ouvertement prononcé en République Démocratique du Congo, car comme l’avait souligné Roger Garaudy à la suite de Karl Marx en personne, la tâche essentielle que s’est assignée Marx sur le plan de la politique théorique était de déterminer la mission historique du prolétariat où « il ne s’agit pas de savoir ce que tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier se propose momentanément comme but ; il s’agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu’il doit historiquement faire conformément à son être ».

Karl Marx a milité pour une prise de conscience théorique pour que le prolétariat de classe « en soi » devienne classe « pour soi».

Une prise de conscience qui exige une lutte permanente contre l’utopie. Le combat politique de Marx a commencé à ce niveau : lutter contre l’utopie qui s’était emparée de toute l’Allemagne lorsqu’en 1877 « un esprit « pourri » a prévalu dans notre parti… avec toute une bande d’étudiants sans maturité et de docteurs trop savants qui veulent donner au socialisme une tournure « idéale plus haute », c’est-à-dire remplacer la base matérialiste (qui exige une étude sérieuse et objective quand on veut opérer sur elle) par la mythologie moderne avec ses déesses : Justice, Liberté, Egalité, Fraternité ». Pour R. Garaudy, le développement même de la pensée marxiste qui commence par la rupture avec l’utopie, vérifie la thèse marxiste selon laquelle « l’existence d’idées révolutionnaires à une époque déterminée présuppose déjà l’existence d’une classe révolutionnaire ». 

A titre d’exemple, R. Garaudy mentionne « Le chartisme anglais, les insurrections ouvrières des canuts lyonnais en France et des tisserands silésiens en Allemagne, étaient des indices de l’existence d’une classe ouvrière devenue une force historique autonome. Le mérite scientifique de Marx et de sa conception de l’histoire est d’avoir pris conscience que ces mouvements n’étaient pas fortuits mais qu’il s’agissait de formes plus ou moins développées d’une même lutte historiquement nécessaire du prolétariat contre la classe dominante ».

Donc, vu de la sorte, conclut Roger Garaudy, « le communisme ne pouvait plus être une utopie, autrement dit la création imaginaire ou sentimentale d’un idéal de société parfaite, mais une prise de conscience d’un mouvement réel, de la nature, des conditions et des fins dernières de la lutte effectivement menée par la classe ouvrière. L’idéologie allemande donnait déjà un fondement scientifique au communisme. Ce n’était plus seulement une doctrine mais un mouvement. Il ne s’agissait plus de partir d’aspirations morales ni d’une spéculation hégélienne, ni d’un humanisme feuerbachien, mais d’une analyse objective et scientifique des lois du développement de l’histoire».

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