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Trois décennies de guerre en République Démocratique du Congo : Un Regard Critique sur la Science et l’Industrie Militaire

Par La Prospérité
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(Par Prof. Dr. Ngoie Joël Nshisso)

Professeur Dr. Ngoie Joël Nshisso est titulaire d’un doctorat – PhD en commerce international et en management. Il détient aussi un certificat en diplomatie/Relations Internationales. Il est Professeur à Strayer University aux Etats Unis et formateur au Bureau de l’Education et des Affaires culturelles, une branche du Département d’Etat Américain. Il dirige un cabinet d’études sur le commerce international et Management (https://www.gtmco.org)

Contact : +1704-910-7185 – dr.ngoienshisso@gtmco.org

Introduction

Il fut une époque où l’histoire des royaumes au Congo était dans le programme scolaire. Au cours de ces leçons, les guerres entre différents peuples qui menaient au déclin d’un empire pour laisser la place à la plus forte étaient fréquemment mentionnées. Il y avait donc,  à ces époques une science locale de guerre qui avait donné naissance à la fabrication locale des armes à feu, des arcs et flèches.

Dans le passé comme aujourd’hui, les scientifiques sont dans la guerre. La bombe atomique, le radar, les drones, les fusées, les avions et navires militaires, sont les enfants de la guerre. Ces découvertes ou inventions sont en effet souvent citées comme étant le fruit des recherches scientifiques et techniques menées durant les grandes guerres mémorables de l’humanité. L’entrée en guerre d’un pays est donc le plus souvent synonyme de mobilisation des laboratoires et d’incitation, sinon d’obligation morale à œuvrer à l’effort de guerre.

C’est la science qui a donné naissance à l’arme nucléaire. C’est ainsi que beaucoup de scientifiques semblent avoir travaillé plus activement pour les deux guerres mondiales, pour l’invasion de l’Irak, de l’Afghanistan, et d’autres pays réputés fabricants des armes de guerre.

Le pouvoir politique et les inventions de la guerre 

Le pouvoir politique, pour gagner les guerres, a toujours eu recours aux connaissances, scientifiques et/ou techniques disponibles et cherché à les appliquer à son objectif. Toutes les grandes puissances du monde investissent énormément dans l’armement et la science de la guerre parce qu’elles n’ont jamais ignoré que la recherche scientifique et technique pour la découverte et la fabrication des armes sophistiquées et puissante est une activité normale et permanente.

En temps de guerre comme de paix, entre l’invention et l’inventeur il y a l’autorité politique, qu’elle soit démocrate, dictatrice ou religieuse. Elle demande aux scientifiques d’imaginer et mettre au point des armes qui lui permettent de gagner la guerre. Par conséquent, elle subventionne les travaux avec une récompense conséquente versée en termes des salaires et de protection pour toutes les personnes et individus impliqués dans le processus.

Interaction entre Science et Guerre

Tout au long de l’histoire, science et guerre se sont mutuellement stimulées. Ce sont les besoins de la guerre qui ont favorisé le développement de la science, en finançant les scientifiques et en fournissant des problèmes concrets à résoudre, ce qui a stimulé l’application de la science. De fait, la guerre a imprégné la recherche dans tous ses aspects : chimie, géographie, médecine, physique, métallurgie…

La guerre impose des contraintes extrêmes aux peuples : il s’agit, si l’on schématise, de causer rapidement le plus de pertes dans le camp adverse, si possible avec des machines sophistiquées pour décourager l’ennemi et ne pas se faire ratatiner. Les dirigeants des grandes puissances militaires l’ont bien compris. C’est ainsi qu’ils appellent les scientifiques pour concevoir des machines toujours plus performantes afin de gagner la guerre.

Ainsi,  les dirigeants des pays avec la grande puissance militaire n’attendent pas équiper leurs troupes avec des armes importées de l’étranger. S’ils le font c’est pour connaître le secret des inventions et les incorporer dans leurs recherches.

En somme, nous devons reconnaître que les guerres, sans être à l’origine de toutes les inventions, ont souvent servi d’aiguillon au progrès scientifique. Corrélativement, cela a impliqué une évolution dans la professionnalité des militaires modernes qui doivent connaître les sciences, leurs applications ainsi que les phases qui accompagnent la fabrication, la distribution et l’utilisation d’armes, souvent de plus en plus coûteuses et en rapide renouvellement.

La Science de la guerre et les pays qui dépendent des importations des armes étrangères

Dans ce temps moderne, il existe une nouvelle méthode d’écarter certains pays de s’industrialiser d’une manière générale et particulièrement de s’équiper en armes de guerre pour se défendre des attaques diverses des ennemis voisins ou éloignés : c’est le cas ici de se rappeler de l’Afghanistan, de l’Irak, la République Démocratique du Congo et tant d’autres pays qui sont ou ont été frappés d’embargo d’achat et importation des armes de guerre.

L’Afghanistan et l’Irak ont été sous l’attaque des forces de l’OTAN tandis que la République Démocratique du Congo est sous celle du Rwanda à travers ses supplétifs du M23. Tous ces trois pays furent sous embargo militaire à une certaine période. C’est la science militaire qui fera la différence. Pour se défendre contre les forces de l’OTAN en Irak et en Afghanistan, l’ingéniosité nationale avait permis de mettre au point les engins explosifs improvisés (EEI), fabriqués de manière artisanale et incorporant des composants chimiques explosifs, incendiaires ou toxiques à un coût minime et moyennant une demie heure de travail.

L’augmentation croissante des fatalités causées dans les rangs des alliés par les EEI les avait obligés de retirer leurs troupes sans qu’une victoire ne soit déclarée par aucun camp.

Pour sa conception et sa fabrication, nous voyons l’interaction de la science (usage des différentes composantes), du scientiste (l’artificier).

Mais, un troisième partenaire n’est pas à oublier dans cette industrie. Comme durant les deux guerres mondiales, les dirigeants politiques ont fait appel aux scientistes pour la conception des armements sophistiqués ainsi qu’à la subvention des travaux, de la même manière les chefs politico-religieux ont apporté en Afghanistan et en Irak le dernier ingrédient à la science et l’industrie militaire nationale qui avait changé le cours de la guerre dans ces pays. 

En République Démocratique du Congo, l’état de lieu de l’interaction entre la guerre, la science et l’autorité politique semble être à un horizon lointain. Sauf en cas d’un secret de défense, après trois décennies de guerre, il n’y a pas encore les soupçons d’une ingéniosité nationale liées à l’industrie militaire nationale.

Le pays est cependant doté d’une part des matières premières qui alimentent la fabrication des armes sophistiquées par les puissances militaires étrangères, des universités des sciences physiques, chimiques, électroniques et autres disciplines connues comme berceau de conceptions de l’outil scientifique de la guerre. La qualification des enseignants n’est pas non plus la moindre. Eduqués à l’étrangers ou localement, ils ont dans leurs discours et pensées la maîtrise de la science. Cependant, depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, il n’y a pas d’indications pour affirmer que la République Démocratique du Congo possède la science et l’industrie militaires en dépit des facultés des sciences exactes et des écoles de formation militaires.

Le pays possède des usines chimiques et métallurgiques dont la contribution peut être utile au déploiement de la science de la guerre. La RDC comme tant d’autres pays émergents base toutes leurs opérations militaires sur l’armement importé qui est conditionné par la disponibilité des devises étrangères, l’acceptation de livraison par les fournisseurs et les transporteurs, l’humeur de la communauté internationale et des accords signés avec les institutions de Bretton-Woods pour lesquelles la restructuration de la dette et les ajustements structurelles qu’elles imposent l’emportent sur l’intégrité territoriale et d’autres obligations socio-économiques.

Le Congo et la Science de la Guerre

Il ne faut pas confondre ici l’intérêt du gouvernement comme celui exprimé en Août 2023 lors du conclave du génie scientifique congolais. Encore là il faut mentionner le constat du gouvernement qui a reconnu que « la recherche scientifique et l’innovation sont restés parents pauvres depuis plusieurs décennies, les rares chercheurs congolais n’arrivent pas aux produits finis et la majorité d’entre eux renoncent à l’aventure en dépit de la volonté et de leur potentiel intellectuel et qu’enfin des jeunes inventeurs et chercheurs vont ailleurs pour faire le bonheur de certaines puissances ».

Le conclave du génie scientifique congolais de 2023 avait un caractère général. Cependant une telle tentative peut déboucher sur une science de la guerre si les dirigeants politiques font une demande express aux mêmes inventeurs de lui fournir une découverte ou une amélioration de ses armes de défense. En attendant, la mentalité postcoloniale si bien répandue en Afrique Sub-Saharienne de compter sur l’occident et certains pays asiatiques dans le domaine de la science de la guerre continuera à être dominante et avoir un impact négatif sur les opérations militaires. 

La politique congolaise a-t-elle fait une alliance ou divorcé d’avec la science ? La réponse serait très vite justifiée par quelques réformes, amélioration des conditions de travail des professeurs/chercheurs/scientifiques et construction ou réfection des universités.

Ces actions sont des actes appréciables mais elles ne sont pas le socle de ce rapprochement qui mène à une collaboration parfois conflictuelle mais toujours bénéfique pour la véritable montée en puissance l’armée nationale. Certes les recherches scientifiques et fabrication des armes de grandes capacités pour défendre la notion font partie du secret militaire. Quand ce secret dure des années, cela peut être un signe que les amours ou l’alliance entre la politique et la science de la guerre n’existe pas encore ou à l’opposé, le divorce est consommé. Ce divorce n’est profitable à aucun camp : il fragilise les politiques, démontre l’inexistence de la science de guerre et menace l’intégrité territoriale.

Conclusion

Enfin pour mieux comprendre la nécessité pour un pays en guerre depuis trois décennies mais qui assure péniblement ses victoires et voit sa population être massacrée ou déplacée sans cesse pour vivre dans les conditions inhumaines, il faut accorder une réflexion scientifique à une des déclarations du défunt Président Thomas Sankara qui disait « un peuple conscient ne saurait confier la défense de sa patrie à un groupe d’hommes quelles que soient leurs compétences. Les peuples conscients assument eux-mêmes la défense de leur patrie ». Une défense mieux assurée des populations congolaises et de l’intégrité nationale passe par une science et l’industrie militaire nationale.

La sécurité et l’intégrité de la République Démocratique du Congo devra dans l’avenir être assurée par la naissance d’une industrie militaire nationale. Nous faisons allusion ici tant aux connaissances nécessaires pour la formation militaire que pour la fabrication des armes sur base du génie scientifique nationale. Il est du devoir des gouvernants de stimuler les scientifiques à cette tache ou de reconnaitre les embryons de ce génie qui se manifeste peut-être timidement dans le milieu scientifique à travers le pays et dans la diaspora.

 

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