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Chronique littéraire : Confidences du chauffeur du Ministre : «Au secours, ancêtres et génies des érosions! »

Par La Prospérité
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… Spectacle poignant et inhabituel le long des artères principales de la capitale en cette veille de Noel : l’interminable caravane des camions-remorques, des camions-corbillards transportant à découvert les cercueils des victimes des inondations de Kibala. Poignant, le silence des curieux au passage des camions- corbillards. Poignant, le regard bouleversé des mamas marchandes. Poignante la peur des bambins dans les bras de leurs mamans, tournant le dos à ce défilé funèbre. Poignante  et inhabituelle l’escorte de la police et des officiels. Mon ministre et moi au volant, faisons partie de cette escorte ; et pour une fois, je ne sais pourquoi, le ministre a tenu à s’asseoir à côté du chauffeur, comme si cette proximité sans protocole lui inspirait quelque réconfort… Silence entre nous, silence brouillé seulement par les sirènes de l’escorte policière.

… Nous voici au cimetière de Lubwaku, à la périphérie de la ville. Poignants les obsèques et les hommages des familles endeuillées. Telle mère, inconsolable, raconte,  entre deux sanglots, comment son fils, à la recherche de l’eau dans la vallée, a été  englouti dans le ravin. Telle jeune fille s’écroule sur un des cercueils exposés, prête à se jeter dans la tombe, au nom de l’amour à jamais perdu de son fiancé. Tel papa peine à cacher ses larmes, et brandit le seul souvenir-talisman de son fils mort : la photo. J’observe mon ministre d’Etat, il est dans tous ses états ; il pleure à chaudes larmes ; je lui tends un mouchoir, puis deux mouchoirs, puis trois mouchoirs…

… La cérémonie funèbre est brève : absoutes du curé du patelin. « Requiems » de la chorale. Clairons d’hommage de la police. Ensuite, l’insolite, le rituel ancestral des chefs  coutumiers du patelin. Je comprends, à travers les invocations de ces chefs coutumiers de Kibala, que les causes de l’hécatombe ne sont pas le fait des désordres climatiques, mais … spirituels, certains jeunes de Kibala s’étant illustrés ces derniers temps, d’après ces féticheurs-grands- prêtres ,« par des manifestations d’orgies et de concupiscence sans modération ».

… Or, comble de surprise, je reconnais l’un de nos ambianceurs familiers du nganda-bar, parmi les chefs coutumiers présents.  Tous, y compris lui, affublés d’accoutrements excentriques, avec mélange de vestes en raphia, de pagnes rouges écarlates, de chasse-mouche en poils de chat, de chéchias  en peau de porc-épic !

… Un soir, de passage au nganda-bar, pour préparer la Noël et la Bonana, je suis tombé « fare-à-fare » (comme disent les Kinois) sur le fameux chef coutumier, comme on heurte un épouvantail. Je l’ai à peine reconnu, sans doute parce qu’il s’était délesté de ses atours folkloriques du jour du deuil. Le chef coutumier-ambianceur m’a alors longuement raconté qu’en réalité, ayant vendu toutes ses terres ancestrales de Kibala, il s’était retranché, comme la toute dernière chance,  dans la toute dernière concession   périphérique, mais au bord du ravin.

La concession, manque de chance, a été emportée par les érosions. Depuis lors, il s’était réfugié dans un coin du nganda-bar. Comme chef coutumier SDF  (Sans-Domicile-Fixe).

Yoka Lye

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