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Fichier électoral : le renoncement à l’audit de l’OIF par la RDC n’implique pas son retrait de cette institution

Par La Prospérité
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La République Démocratique du Congo est le premier pays francophone de par sa démographie. Point de doute à ce sujet. Ce positionnement confère au Congo démocratique des responsabilités pour accroître son influence et mobiliser les Etats et Gouvernements de l’Organisation Internationale de la Francophonie autour de sa cause face aux enjeux et défis de divers ordres. L’actualité événementielle fait de nouveau parler de l’OIF en RDC suite à une initiative de la société civile. La plateforme « Front des Congolais pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale » a lancé mardi 2 mai à Kinshasa, une pétition contre l’audit du fichier électoral de la RDC par l’OIF.

A entendre son coordonnateur et porte-parole, Jonas Tshiombela, « L’OIF et les organisations étrangères n’ont pas le monopole de l’audit du fichier électoral de la RDC». Et d’ajouter : «L’OIF n’a jamais condamné l’agression de la RDC par le Rwanda alors que la RDC (autant que le Rwanda, ndlr) en est un membre ». Dans la foulée, le porte-parole du Front pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale plaide pour le retrait de la RDC de l’OIF.

A l’analyse de ces propos, quelques observations méritent d’être faites dans le but d’éclairer l’opinion congolaise, et de préconiser un peaufinage de la stratégie de « sauvegarde de l’intégrité territoriale » sans nuire aux intérêts nationaux au sein de l’OIF.

1. La légitimité de la lutte contre l’agresseur de la RDC

Aucun esprit épris de paix et de justice ne pourrait rester de marbre face aux tueries aveugles et aux massacres indicibles des Congolais dans les territoires sous occupation de l’armée rwandaise dont les soi-disant M23 – secret de polichinelle – ne sont que des supplétifs. A Kishishe comme ailleurs, les populations sont victimes non seulement des atrocités mais surtout du «silence» du monde, interprété, à tort ou à raison, comme une forme de complicité.

Dans ce contexte, au-delà des clivages classiques, il s’observe une convergence des vues entre la majorité au pouvoir, l’opposition politique et la société civile sur la nécessité d’une plus forte mobilisation nationale pour défendre l’intégrité territoriale. Un fait rarissime en RDC dont la classe politique accuserait, depuis l’accession du pays à l’indépendance, du strabisme politique. 

2. Gains et pertes pour la RDC de rester ou de quitter l’OIF

Le calcul stratégique, que requiert la rationalité du processus décisionnel, porte, entre autres, sur le différentiel à bien considérer entre les gains et les pertes d’une initiative. Rester dans l’OIF ou s’en retirer est susceptible d’assurer des gains et des pertes à la RDC. La rigueur analytique impose de mettre en lumière ce que représente la RDC au sein de la Francophonie et, partant, d’évaluer les éventuelles incidences de son maintien ou de son retrait de ce cadre de coopération interétatique.

La RDC est le premier pays francophone en considérant sa démographie. Il est le deuxième pays francophone en se référant au nombre des locuteurs français. La poussée démographique attesterait que l’avenir de la Francophonie est fonction, entre autres, de la détermination de la RDC à promouvoir davantage la langue française. La réforme de la gratuité de l’enseignement primaire, cahincaha serait-elle parfois, participe significativement de cette dynamique.

Il va sans dire que, suite à son action dans le positionnement de la langue française rudement concurrencée y compris dans l’espace francophone, la RDC joue un rôle moteur lui conférant des responsabilités à prendre en charge pour exercer son influence au sein de l’OIF. Cette dernière comprend 88 Etats et Gouvernements, soit presque la moitié des pays membres de l’ONU.

Dès lors, se retirer de l’OIF pourrait assurer quelques gains d’ordre purement émotionnel à des Congolais dont il conviendrait de comprendre l’agacement suite à l’impassibilité des puissances mondiales face au carnage continu dans l’Est du pays. En même temps, il y a lieu de préciser que ce retrait n’aura pas suffi pour porter un coup dur au fonctionnement régulier de cette institution ni pour lui faire arracher un changement radical des postures sur la question sécuritaire dans l’Est de la RDC.

En effet, les décisions en son sein sont les résultats des négociations requérant des éléments solides de langage pour persuader les partenaires et ne pas subir les efforts des tiers de réduire à néant. Le retrait de l’OIF attesterait probablement des limites de la RDC de mobiliser autour de la « cause congolaise » les Etats et Gouvernements de la Francophonie dont les 9è jeux sont prévus à Kinshasa du 28 juillet au 06 août 2023. Un moment fort pour l’Etat congolais de se présenter au monde dans une communication attractive pour, entre autres, faire changer le narratif axé sur le Congo bashing.

De ce qui précède, il y a lieu de noter que la réalité des relations internationales impose à la RDC de ne point compter sur une quelconque bienfaisance des Etats et autres acteurs internationaux. Elle doit développer sa capacité d’attraction, par du smart power, pour allonger la liste de ses alliés que l’on peinerait à compter à ce jour.

En effet, le soutien des Etats est une construction qui requiert de la vision et de la stratégie à bien penser et mettre à jour. Sans conteste, la volonté pour relever ce défi ne fait pas défaut. Peut-être faudrait-il en plus de la coordination.

3. L’audit du fichier électoral, une décision souveraine

L’OIF, à la suite des Nations Unies, préconise le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté des Etats membres. Ce, quand bien même elle ne réussirait pas toujours à les faire respecter.

Dès lors, il est évident que la Francophonie ne peut nullement déployer ses experts pour auditer le fichier électoral dans un Etat sans préalablement obtenir une demande expresse de ce dernier. Si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) de la RDC a de bonnes raisons de ne pas recourir à l’expertise de l’OIF pour un examen, assorti des recommandations, du fichier électoral, l’OIF ne pourra aucunement s’y imposer.

Il revient aux Congolais de dégager un consensus sur l’instance devant auditer le fichier électoral. Dès lors, la démarche du Front pour la sauvegarde de l’intégrité territoriale relève de la liberté citoyenne et de la vitalité de la démocratie congolaise.

Plaider pour le recours à une instance, nationale ou africaine serait-elle, pour auditer le fichier électoral est une chose. Préconiser le retrait de la RDC de l’OIF en est une autre. Il serait judicieux de ne pas en faire d’amalgame.

John Ngoyi

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